Employé qui fait fi des demandes de son patron, qui refuse d’effectuer certaines tâches, qui sape l’autorité de son supérieur : certains travailleurs font preuve d’insubordination ce qui, à la longue, mine les relations de travail avec leur gestionnaire et même avec les autres membres de l’équipe. Comment y faire face?

Le droit du travail est clair : un salarié est tenu de respecter les directives de son supérieur. À défaut de quoi, celui-ci commet un acte d’insubordination, explique Me Alexis Charpentier, CRIA, avocat en droit du travail et associé au cabinet Fasken. «En fait, pour conclure à de l’insubordination, le tribunal doit constater trois éléments. Il faut établir que la directive, la demande ou l’ordre était clair et sans équivoque. Cette consigne doit aussi provenir d’un supérieur hiérarchique et le salarié doit avoir refusé de s’y conformer sans raison valable», détaille-t-il. À titre d’exemple, les tribunaux ont reconnu qu’un salarié avait une raison valable de ne pas obéir à une directive si celle-ci est contraire à la loi, abusive, ou qu’elle pourrait compromettre sa santé et sa sécurité au travail, cite l’avocat.

Ainsi, l'insubordination peut prendre de multiples formes, précise Jean-François Ouellet, CRHA, consultant et chargé de cours notamment à l’École nationale d’administration publique (ENAP), comme «le non-respect du contrat de travail, le refus d'exécuter son travail, de respecter les règles et les politiques de l'employeur ou encore le refus d'obtempérer aux demandes légitimes du patron.»

Si certains gestes nécessitent une intervention sur-le-champ, pouvant mener jusqu’au congédiement, d’autres peuvent s’avérer moins graves. Avant d’entamer une procédure disciplinaire, il vaut mieux se référer à un avocat ou un conseiller en ressources humaines, recommande Denis Morin, professeur au Département d'organisation et ressources humaines de l'École des sciences de la gestion (ESG) de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). «Ce type de procédure devrait être vu comme un dernier recours, estime-t-il, quand la situation est grave ou n’est pas récupérable.» Autrement, il suggère de vérifier si d’autres solutions existent pour régler le problème.

Ne pas laisser passer

Bien qu’il soit tentant de fermer les yeux devant certains gestes d’insubordination, c’est un pensez-y-bien, prévient Jean-François Ouellet. «Derrière un employé difficile se cache souvent un historique d’évitement où le gestionnaire a toléré une situation jusqu’à ce que cela devienne un problème ingérable.» Or, laisser ce type de comportement s’installer diminue la crédibilité du gestionnaire aux yeux des autres membres de l’équipe. Cela peut aussi occasionner des départs quand un travailleur n’est pas fiable et que ses tâches retombent sur le bureau des autres, par exemple.

Devant un employé récalcitrant, il vaut donc mieux intervenir rapidement, mais avec doigté, croit Jean-François Ouellet. «ll y a une question qui est magique et elle est d’une simplicité désarmante. C’est : pourquoi?» Une question ouverte qui évite la confrontation permet de mieux comprendre ce qui se passe et, bien souvent, de trouver des solutions.

Ouvrir le dialogue

Pour dénouer ce genre de situation, le CRHA propose d’utiliser la technique de la rétroaction constructive. «Le gestionnaire devrait commencer par dire qu’il rencontre l’employé pour faire le point sur son travail et lui demander comment ça va de son côté. S’il fait preuve d’autocritique, c’est peut-être le salarié qui amènera le problème», précise-t-il. Si ce n’est pas le cas, le supérieur doit exposer la situation avec des faits. «Je t’avais demandé de faire cela, ça n’a pas été fait. Et j’aimerais comprendre pourquoi», poursuit le consultant. Il conseille ensuite d’expliquer au travailleur les raisons pour lesquelles il doit se conformer, pour ne pas nuire aux autres membres de l’équipe, par exemple. La rencontre devrait se terminer par un engagement de l’employé.

«Sur papier c’est très simple, mais la première étape pose souvent problème, avertit-il. Les gestionnaires ont tendance à confondre faits, perceptions et jugements. Ainsi, l’employé va se mettre automatiquement sur la défensive. C’est pourquoi il faut toujours commencer la discussion sur des écarts factuels et observables et tenter de comprendre les causes. Car le travailleur est peut-être de mauvaise foi, mais pas nécessairement.»

De la même manière, un gestionnaire qui demande à un travailleur de respecter certaines règles devrait être en mesure d’expliquer les objectifs derrière ces exigences. «Certains patrons expriment bien leur droit de gérance, d’autres sont plus autoritaires, ce qui peut influencer la qualité de la relation et de la supervision entre le gestionnaire et son employé», observe Jean-François Ouellet.

Rester zen

«Parfois, les gestionnaires vont réagir à chaud. Mais il faut garder une retenue, être professionnel», souligne Me Alexis Charpentier. En effet, il faut garder la tête froide, note Denis Morin. Pour cela, il ne faut pas rester seul avec le problème et se permettre de ventiler, en discutant avec d’autres, suggère-t-il. «C’est important de prendre du recul, de la hauteur par rapport à la situation. Les gestionnaires ne sont pas des superhéros. Ils ont aussi leurs zones de vulnérabilité.»

Or, les gestionnaires doivent agir avec respect, se montrer bienveillants et rester neutres, pour éviter d’alimenter le conflit. «Agissez comme un modèle en traitant l’employé comme vous aimeriez être traité», propose-t-il. Un conseil qui vaut pour tout type de conflit.