Article publié dans l'édition printemps 2016 de Gestion

La Commission européenne inclut désormais l’« impact sur la société » dans sa définition de la responsabilité sociale des entreprises. Dans leur article intitulé « Closing the Trade Finance Sustainability Gap », paru en mars 2015 dans la MIT Sloan Management Review, Olivier Jaeggi et Gina Santos expliquent les effets de cette nouvelle mesure sur les institutions qui financent les activités commerciales.

Le commerce mondial dépend, dans une proportion allant de 80 % à 90 %, du financement du commerce, dont les acteurs principaux sont les sociétés d’assurance et les banques commerciales. Celles-ci soutiennent les importateurs, les exportateurs et les négociateurs de plusieurs façons, notamment par l’émission de garanties à première demande ou d’autres garanties comme les garanties de bonne fin, de même que par les crédits à court terme, pour couvrir les coûts transactionnels. Plusieurs aspects de ces transactions comportent des risques, notamment en ce qui a trait à la responsabilité et à la réputation : les marchandises en soi (par exemple si elles contiennent des fibres d’amiante, interdites dans plusieurs pays) ; les conditions de production (huile de palme provenant de sources non certifiées, par exemple) ; les moyens de transport (pétrole déversé pendant l’expédition à la suite d’un accident de bateau, de camion ou de train) ; l’utilisation faite des marchandises (équipement utilisé pour un projet controversé). Or, lorsqu’il s’agit du financement du commerce, la plupart des institutions financières ont du mal à couvrir ces aspects environnementaux et sociaux dans leurs systèmes de gestion des risques. En effet, la nouvelle définition de responsabilité sociale des entreprises présentée par la Commission européenne avec la notion d’« impact sur la société » complique encore plus la situation. Elle stipule entre autres que les entreprises devraient adopter des processus spécifiques pour intégrer dans leurs opérations commerciales l’éthique et la responsabilité sociale ainsi que la protection des droits de l’homme et des droits environnementaux. On pourrait croire que les institutions financières ne sont pas visées par ces recommandations, puisqu’elles ne sont qu’indirectement liées aux dommages causés par les entreprises avec lesquelles elles traitent. Mais un tel point de vue n’est plus que de l’histoire ancienne de nos jours. Les principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme stipulent qu’une entreprise est dorénavant responsable non seulement des torts qu’elle cause ou de ceux auxquels elle contribue mais aussi des torts liés à ses activités, produits et services, même si ce n’est que par l’entremise d’un lien d’affaires. Dans une lettre adressée à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU rejette pour sa part l’idée d’un lien indirect : il y a un lien ou il n’y en a pas. La responsabilité d’une institution financière dans un incident causé par une entreprise cliente peut maintenant être établie, entacher sa réputation et la placer au cœur d’un litige qui aurait certainement pu être évité. Les institutions devraient donc prestement colmater cette brèche dans leurs systèmes de gestion des risques. G.B.


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