L'innovation… bien plus qu'un simple terme à la mode

Le bien-être de toute société passe indéniablement par la santé de ses individus. La quête, dans les pays développés, d’une société en meilleure santé s’est toutefois accompagnée, d’une croissance importante des dépenses et des coûts de santé. La situation est telle, qu’elle en appelle à la mise en place de profondes réformes sous peine de voir se confirmer les doutes concernant la viabilité des systèmes de santé, et le Québec, à l’instar des autres provinces et autres pays du monde, n’est pas en reste.

Ayant convenu que le statu quo n’était pas une option, de nombreux pays tâchent d’embrasser de nouvelles façons de penser, dans le but d’enrayer l’engrenage pernicieux dans lequel leurs systèmes de santé se trouvent. Toutefois, toutes les réformes ne se valent pas : les plus prometteuses sont, semble-t-il, celles visant l’amélioration de l’efficience, soit celles qui font la part belle à l’innovation. Pourtant, si partout, les initiatives en soutien à l’innovation sont visiblement louées et encouragées, y compris au Québec, pourquoi certains investissements ne portent-ils pas leurs fruits? Pourquoi a-t-on tant de difficultés à intégrer ces idées prometteuses?

L’innovation : mythes et réalité

La première piste de réponse réside sans doute dans l’utilisation du mot innovation. En effet, l’innovation, ce terme tant à la mode – aux lèvres de plus d’un politicien, au centre des préoccupations de plus d’une organisation – est un concept controversé sujet à bien des mythes. Le terme innovation est généralement défini comme l’introduction de quelque chose de nouveau, d’inconnu, dans une chose établie. Innover est donc synonyme d’un nouvel apport, d’un changement. Il peut à la fois signifier la finalité ou le processus (idéation, création, diffusion, adoption) pour l’atteindre. Par définition, une innovation est caractérisée par trois traits distinctifs :

  1. La nouveauté : De loin le caractère le plus évident et pourtant sujet à des raccourcis. Une innovation consiste en de nouvelles ou de meilleures façons de faire des choses pour une organisation donnée. Cela implique deux points cruciaux. En premier lieu, une innovation n’est pas nécessairement confinée aux dernières inventions technologiques. Cette définition traditionnelle d’innovation est en réalité assez réductrice : une innovation peut être un nouveau produit, un nouveau procédé, de nouvelles méthodes d’organisation ou de commercialisation. En second lieu, tout produit, ou toute méthode, est considéré comme innovation si l’organisation le développe ou l’importe pour la première fois, et ce quand bien même il existerait ailleurs.
  2. La valeur : C’est sans doute la notion qui est le plus souvent omise. Par définition, en santé, l’innovation est une nouveauté ou un changement qui apporte de la valeur à l’usager. Michael Porter insiste sur le fait que l’objectif de base (core purpose) des services de santé est la valeur aux patients. Cette dernière est définie par le rapport entre les résultats (outcomes) qui sont importants pour le patient et le coût de production de ces résultats. Pour le système de santé, une amélioration de la valeur implique soit plus de résultats de santé par dollar dépensé ou le même niveau de résultats à moindre coût.
  3. La mise en œuvre : sans diffusion du produit ou du procédé sur le marché et sans l’utilisation effective de la nouvelle méthode organisationnelle ou de commercialisation sur le terrain, on ne peut parler d’innovation. Bien que le processus d’innovation débute par l’étape d’idéation, une invention ne devient innovation qu’une fois mise en œuvre de façon pertinente. En d’autres mots, elle doit être adoptée et générer la valeur attendue.

Stimuler adéquatement l’innovation

La deuxième piste de réponse réside sans doute dans la manière que les gouvernements choisissent pour stimuler l’innovation. Au Québec comme ailleurs, générer de nouvelles idées en santé n’est pas une problématique en soi. Les principales barrières à l’innovation sont majoritairement identifiées pendant les phases d’adoption et de diffusion. Or très peu d’études focalisent sur ces étapes. Les freins identifiés sont de plusieurs ordres : environnemental, politico-sociétal, réglementaire, structurel ou encore liés au modèle d’affaires ou à l’expertise et aux compétences des individus du système. Ces facteurs, interdépendants, nécessitent une réponse holistique. Or c’est là que le bât blesse : bien souvent, les politiques d’innovation, lorsqu’elles existent, omettent un pan ou un autre du problème.

Les investissements se focalisent sur le développement des idées, les nouveaux procédés, les nouveaux médicaments, etc. On mesure le succès par le nombre de projets et d’initiatives plutôt que par les résultats sur la valeur qu’ils ont générés. Le financement encourage l’émergence de nouveaux procédés, mais délaisse les freins à la demande rendant les marchés incapables d’absorber cette innovation. Les programmes de développement collaboratifs d’innovation se multiplient, mais les structures et les modes de gouvernance du système viennent étouffer dans l’œuf ces élans créatifs. Finalement, on néglige de développer les systèmes permettant la mesure rigoureuse de la performance et une comparaison des résultats.

Conclusion

Faire de nos systèmes de santé de meilleurs systèmes revient à cerner davantage ce qui produit de la valeur pour le patient, à orienter nos réformes en ce sens et à lever les obstacles à l’adoption des solutions. Il ne s’agit pas de se contenter de financer de nouvelles initiatives; mais d’inscrire les réformes dans une réflexion plus profonde sur ce qui vient favoriser le développement d’une culture d’innovation au sein du système de santé.