Besoin de repères pour mieux affronter le monde du travail actuel et anticiper le futur? La revue Gestion décrypte les nouvelles idées, les grandes études, les faits saillants et les tendances du management.

Écart salarial entre les femmes et les hommes : une lente amélioration, suivie d’un recul

Au Canada, l’écart salarial entre les hommes et les femmes est passé de 19,6% en 2000 à 11,1% en 2021.

C’est dire qu’en 2000, les femmes de 25 à 54 ans touchaient en moyenne 80,4 cents pour chaque dollar gagné par les hommes du même groupe d’âge. En 2021, ce ratio atteignait 88,9 cents ; cette même année, la situation au Québec était légèrement meilleure, avec un ratio de 90,8 cents pour un dollar.

Toutefois, la pandémie a causé un recul. En 2020, les Québécoises obtenaient en moyenne 91,9 cents pour un dollar versé aux Québécois ; pour les Canadiennes, ce chiffre s’établissait à 89,1 cents.

 

Déséquilibre pandémique

La pandémie a eu des conséquences sur les travailleuses ailleurs dans le monde. Selon un sondage mené auprès de 6 000 diplômés de l’INSEAD entre février et avril 2022, 40% plus de femmes que d’hommes ont été licenciées pendant la pandémie.

Selon Zoe Kinias, professeure spécialisée en équité et diversité à l’INSEAD, ces résultats surprennent, puisqu’ils illustrent la situation d’un groupe relativement privilégié de professionnelles très instruites. Puisque le sondage compare des personnes titulaires de MBA également qualifiées, la professeure estime que les résultats réfutent la théorie selon laquelle les disparités sont attribuables à la nature du travail exercé.

Zoe Kinias fait cinq recommandations aux équipes de direction :

  1. Soyez à l’affût

Ne laissez pas les dynamiques, les causes ou les conséquences des inégalités entre les sexes tomber dans vos angles morts. Accordez du temps et de l’attention aux questions d’équilibre entre les sexes.

  1. Réalisez des audits d’équité

Évaluez la rémunération et la représentation, puis, vérifiez quels profils sont les mieux payés. Ces données pourront vous aider à redéfinir vos priorités en matière de diversité, d’équité et d’inclusion.

  1. Remettez vos pratiques en question

Comment mon organisation traite-t-elle les personnes qui ont des responsabilités familiales ? Qu’avons-nous mis en place pour soutenir les parents ? Voilà deux questions auxquelles tous les PDG devraient être en mesure de répondre.

  1. Prévenez le recul des femmes

Luttez activement contre les préjugés inconscients qui peuvent se glisser dans les processus d’embauche et de licenciement.

  1. Soutenez l’équité travail-famille

Encouragez les discussions ouvertes sur les questions qui aident les couples à atteindre un partage équitable entre leur rôle de parents et leur carrière.

Source : INSEAD

 

Attention au télétravail!

Les nombreux indicateurs de recul en matière d’équité hommes-femmes pendant la pandémie ont amené des chercheuses canadiennes à publier une mise en garde dans le prestigieux journal The Lancet.

L’article souligne que les femmes sont plus susceptibles de télétravailler que les hommes, alors que les potentielles conséquences du télétravail sur l’évolution des carrières sont méconnues. De plus, les femmes qui travaillent à domicile signalent une augmentation disproportionnée des tâches domestiques, des perturbations liées à la garde des enfants et une dégradation de leur santé mentale. «Si on ne remédie pas à ces problèmes, le télétravail pourrait exacerber les inégalités entre les sexes en matière d’avancement professionnel, de santé et de droits.»

Source : The Lancet

 

Ces femmes qui partent

Dans la huitième édition de son rapport Women in the Workplace, la firme McKinsey rapporte que de plus en plus de dirigeantes décident de quitter leur emploi pour faire avancer leur carrière. Voici les trois raisons les plus couramment évoquées :

  1. Elles veulent progresser, mais elles rencontrent plus d’embûches que les hommes.
  2. Elles se sentent surchargées de travail et mal reconnues.
  3. Elles veulent une culture de travail différente.

Source : McKinsey

 

Qu’en est-il du fameux plafond de verre?

Pour évaluer la place des femmes dans les hautes sphères des affaires, la professeure Monika Hamori de l’Instituto de Empresa Business School, en Espagne, a analysé 40 ans de données issues des entreprises du classement Fortune 100.

«Nous devons attendre 2001 pour avoir assez de données sur les carrières de hautes dirigeantes. En effet, dans les années 1980, aucune femme ne figurait parmi les 1 000 hauts dirigeants de ces grandes entreprises.» Monika Hamori constate qu’après les années 1980, les femmes ont

progressé un peu plus rapidement que les hommes vers des postes de haute direction. «Les pressions pour accroître la diversité au sein des hautes directions ont probablement poussé ces entreprises à promouvoir les femmes plus rapidement.»

Nombre moyen d’années pour atteindre un poste de haute direction

Homme : 28 ans

Femme : 26,5 ans

Malgré cette légère accélération des carrières, les femmes continuent d’obtenir surtout des postes de soutien à la haute direction, plutôt que ceux de présidente-directrice générale ou de présidente.

La répartition des femmes dans les différents types de postes

PDG et présidentes

2001 -> 7% 2021 -> 6%

Directrices générales

2001 -> 19,5% 2021 -> 20%

Cheffes de produit

2001 -> 13,5% 2021 -> 20%

Cheffes de soutien

2001 -> 60% 2021 -> 55%

Source : Instituto de Empresa Business School

 

Croissance de l’incertitude

Au cours des six dernières années, le monde a connu cinq grands pics d’incertitude. En 2016, le Brexit a été suivi par l’élection de Donald Trump à la présidence américaine. Puis, se sont ajoutées les tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis, la pandémie de COVID-19 et, en 2022, la guerre en Ukraine.

Les chercheurs qui étudient l’indice d’incertitude estiment que les entreprises doivent aujourd’hui prendre acte de cette « nouvelle normalité » marquée par les grandes turbulences mondiales, lesquelles sont alimentées par la fragmentation politique nationale et internationale. Les entreprises doivent suivre de près les événements mondiaux, valoriser la flexibilité et préparer des plans d’urgence pour être en mesure de réagir rapidement à d’éventuelles turbulences.

Indice de l'incertitude mondiale

Comment mieux gérer les risques géopolitiques ?

David S. Lee, professeur à la Hong Kong Business School, et Brad Glosserman, conseiller principal au Forum du Pacifique, suggèrent quatre manières de faire face aux crises géopolitiques.

  1. Ayez accès à des expertises

Développez une expertise géopolitique au sein de votre organisation et de

votre conseil d’administration, afin de mieux interpréter les liens entre les chocs géopolitiques et les activités de votre entreprise.

  1. Posez les bonnes questions

Des facteurs en apparence banals peuvent révéler des risques si on

les examine sous l’angle géopolitique. Il importe donc de toujours vérifier

les conséquences géopolitiques de vos décisions d’affaires.

  1. Acceptez que vous ne pourrez pas échapper à la géopolitique

Les entreprises ne peuvent plus se permettre de séparer affaires et politique, surtout à l’échelle internationale. Les entreprises sont

aussi des acteurs politiques et possèdent une identité nationale qui leur est propre.

  1. Envisagez de nouveaux risques pour votre réputation Pensez aux entreprises actives

en Russie depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine ou aux consommateurs chinois qui rejettent les entreprises qui critiquent la Chine. Ayez les outils nécessaires pour prévoir les répercussions des turbulences géopolitiques.

Source : Harvard Business Review

 

La responsabilité politique d’une entreprise

Confrontées à des crises comme celle qui est liée aux changements climatiques, les entreprises subissent de plus en plus de pression de leur personnel, de leurs clients et de leurs investisseurs. Or, cocher toutes les cases sur le plan des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance ne suffit pas, écrivent les auteurs d’un article publié dans la MIT Sloan Management Review.

 

Andrew Winston, Elizabeth Doty et Thomas Lyon estiment qu’agir de manière responsable exige aussi que l’on s’engage dans la sphère politique, ce qui prend du courage et va à l’encontre des idées reçues en affaires. Les auteurs encouragent les organisations à être proactives et à renforcer les systèmes qui influent sur la cohésion sociale et la prospérité générale. Cela signifie que les gouvernements ne doivent pas être uniquement considérés comme des adversaires ou des parties prenantes à affronter. Si elles veulent avoir une portée réelle, les entreprises ne peuvent pas agir seules : elles doivent percevoir les gouvernements comme de véritables partenaires.

Source : MIT Sloan Management Review

 

Les conséquences des crises sur la confiance

Selon la firme Forrester, la confiance à l’égard des organisations sera cruciale en 2023. L’instabilité économique et financière, l’incertitude géopolitique, les scandales qui touchent les entreprises et les changements climatiques sapent la confiance des consommateurs envers les organisations. Forrester prédit que près de 40% des Américains cesseront de consommer les produits d’une marque qui fait l’objet de manchettes négatives.

Source : Forrester

 

Les menaces à prévoir d’ici 2027

L’équipe spécialisée dans les prévisions et l’analyse stratégique de la firme Kearney a publié, à la fin de l’année 2022, un rapport annonçant cinq grandes tendances mondiales qui se manifesteront d’ici 2027. Les voici :

Tendance nº 1 : course décisive pour l’adaptation aux changements climatiques

Les entreprises qui savent s’adapter seront mieux protégées contre les risques que les perturbations climatiques font peser sur leurs activités. Elles feront ainsi preuve d’une forme de leadership que les consommateurs apprécient de plus en plus.

Tendance nº 2 : une stagnation économique prolongée

Les crises géopolitiques, les perturbations continues de la chaîne d’approvisionnement, un protectionnisme croissant et l’augmentation des inégalités mondiales pousseront le monde vers une période prolongée de faible croissance.

Tendance nº 3 : un rideau de fer numérique

Préparez-vous à une évolution des lois qui régissent le numérique et à un Internet plus éclaté, avec des architectures fragmentées et des coûts plus élevés pour les entreprises et les gouvernements.

Tendance nº 4 : une renaissance du nucléaire?

De nombreux gouvernements ont renouvelé leur intérêt pour l’énergie nucléaire, dans le contexte de la crise énergétique actuelle et des nouveaux objectifs en matière de production, de distribution et de consommation d’énergie.

Tendance nº 5 : la postvérité au-delà de la politique

Les entreprises doivent s’attendre à devenir les cibles directes d’hypertrucages (deepfakes) et d’autres attaques de désinformation favorisées par des technologies qui reposent sur l’intelligence artificielle.

Source : Kearney

Article publié dans l'édition Printemps 2023 de Gestion