Impossible, l’écoute active?
2024-10-04
French
https://www.revuegestion.ca/impossible-lecoute-active
2024-09-26
Impossible, l’écoute active?
Communication , Management
Écouter attentivement, sans interrompre ou exposer son point de vue. Dans un monde ultra connecté qui nous sollicite constamment, cet exercice peut relever du défi. L’écoute active présente pourtant des bénéfices pour toutes les parties prenantes, y compris dans le milieu du travail.
Le concept est né des travaux du psychologue américain Carl Rogers. Initialement développée dans le cadre des relations d’aide entre thérapeute et client, l’écoute active s’est progressivement invitée dans le monde du travail avec le même fondement : établir un lien avec l’autre dans un climat de confiance.
Un objectif qui demande à la personne qui écoute deux dispositions essentielles, selon Estelle Morin, professeure titulaire au Département de management de HEC Montréal. La première consiste à savoir faire taire son monologue intérieur. «Quand on écoute, une partie de notre attention est divisée pour intégrer ce qu'on entend et préparer notre réponse. Or, l'écoute active suppose d’écouter complètement la personne en face de nous.»
En second lieu, la chercheuse soutient la nécessité d’épouser le point de vue de l’interlocuteur. «La perception est égocentrique. Écouter de manière active, c’est pourtant s'efforcer de faire abstraction de qui je suis pour adopter la perspective de l’autre. C’est la base même de l'empathie.»
Une posture bien plus exigeante que de prêter une simple écoute à son interlocuteur, souligne Jennifer Gabriele, associée chez Humance et Lord Communication managériale et formatrice à l'École des dirigeants HEC Montréal. «Cela demande d'observer tous les indices : le choix de mots, le ton utilisé, les choses qu'on ne communique pas verbalement.»
Un déficit d’écoute?
Sommes-nous donc si mauvais en écoute active qu’elle s’érige aujourd’hui en concept? Certains signaux semblent l’indiquer, selon Jennifer Gabriele. «On observe que lorsque des gestionnaires écoutent attentivement un employé, sans hochement de tête et sans essayer d'émettre une opinion, la personne écoutée montre des signes d’inconfort au bout de 30 secondes. Elle n’est tellement pas habituée à avoir toute l'attention sur elle qu’elle réagit.»
La formatrice relève pourtant plusieurs retombées positives de l’écoute active en milieu de travail : elle améliore l’engagement des employés et permet d’installer une sécurité psychologique entre les personnes. Ce faisant, elles se sentent à l’aise dans leurs échanges, y compris lorsqu’il s’agit d’exprimer un désaccord. Un point essentiel à la performance d’une entreprise, soulève-t-elle.
Les techniques de l’écoute active
Outre les dispositions décrites ci-dessus, plusieurs approches permettent de soutenir l'écoute active. Parmi les principales figure le retour d’information, qui permet de faire savoir à l’interlocuteur que nous l'avons bien compris. Ce retour peut se faire sous forme de questions neutres ou par reformulation. «Cela permet deux choses : reconnaître le point de vue de l’autre, ce qui l’encourage à se confier davantage. Mais aussi valider notre compréhension pour savoir si nous sommes sur le même canal [que notre interlocuteur]», explique Estelle Morin.
Ne pas interrompre l’autre – autrement dit, l’écouter sans émettre de jugement, d'interprétation ou d’avis non sollicité – va lui offrir le temps et l’espace pour réfléchir, reprend l’enseignante. «C'est difficile, parce que le silence est anxiogène, alors nous avons tendance à le remplir. Mais une personne qui se sent écoutée va se sentir en sécurité, même dans le silence.»
Le respect de l’autre et de ses frontières est également primordial à l’établissement d’un lien de confiance, notamment lorsque la personne ne souhaite pas exprimer une opinion. «Ne pas la pousser où elle ne veut pas aller est une question de respect. Et c’est toute la posture de l’écoute active», indique Estelle Morin.
L’écoute active : quand et avec qui?
Parce que c’est demandant, écouter activement ne peut se faire dans toutes les circonstances. Aussi, mieux vaut reporter une conversation qui demande une attention que nous ne nous sentons pas en mesure de donner, souligne Jennifer Gabriele. «Si on est soi-même stressé ou préoccupé, l'écoute active va souvent diminuer. Et ce n’est pas nécessairement une question de volonté.»
À l’inverse, certaines situations sont particulièrement propices à mobiliser une écoute active. Notamment lorsqu’il s’agit de bâtir une relation avec un collaborateur ou de motiver quelqu'un qui n’est peut-être pas au rendez-vous au niveau de la performance, poursuit la professionnelle. «Les conversations n’auront pas nécessairement d’issue, mais l’écoute active aura créé le terreau pour développer des dialogues dans un climat de confiance, de collaboration et d'ouverture.»
Elle est également gage d’efficacité dans la conduite des réunions, soulève Estelle Morin, parce qu’elle favorise l'écoute mutuelle et permet de mettre sur la table des sujets difficiles. «L’écoute active, c’est aussi le parler-vrai et c’est essentiel si l’on veut être efficace. On tourne moins en rond.»
Elle se pratique d’ailleurs avec tout le monde et entre tout le monde, quel que soit le niveau hiérarchique. Y compris de la part des employés vers leurs gestionnaires qui, de l'avis des deux intervenantes, ont besoin de soutien eux aussi. «C'est important d'être à leur écoute pour les aider à s'exprimer. Que l’on soit davantage dans un échange où l’on s'associe à son chef pour lui offrir du soutien, plutôt que dans un rapport de réception de directives», conclut Estelle Morin.
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