Sébastien Fabre a cofondé en 2009 Vestiaire Collective, une plateforme communautaire d’achat et de revente de pièces de mode haut de gamme et de luxe d’occasion. Devenue leader européen, la start-up française, qui a levé 63 millions d’euros en 5 ans, magasine aujourd’hui dans le monde entier avec un égal succès.

Vous avez investi le marché nord-américain en 2015. En 14 mois, votre croissance y a augmenté de 260 %. Une heureuse surprise?

Nos espérances ont en effet été dépassées. Nous pensions que l’Amérique du Nord était essentiellement un marché d’acheteurs, les Américaines étant très friandes des marques européennes (leurs préférées sont Chanel, Hermès et Vuitton). Leur appétence se confirme d’ailleurs par la valeur moyenne du panier, qui est de 585 euros contre 385 euros dans le reste du monde. Mais nous avons été surpris de découvrir que les États-Unis surtout (Montréal et Toronto marchent très bien, mais le marché est moins important) pouvaient également être un pays de vendeurs. En effet, les Européennes adorent certaines de leurs marques comme Reformation, par exemple. Notre seul souci actuellement est de faire comprendre à nos clientes outre-Atlantique notre fonctionnement particulier, qui entraîne un petit délai de livraison, car nous ne sommes pas eBay!


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Vestiaire Collective n’est pas en effet un site marchand comme les autres, mais plutôt une sorte de « Facebook de la mode »?

Nous avons conçu notre site comme un réseau social, en partant du principe qu’on revend plus facilement à des gens qu’on a l’impression de connaître. Vous aimez un produit, vous le « likez » puis vous l’inscrivez dans vos préférences et c’est cette mécanique-là qui génère la vente. Il existe une vraie corrélation entre les interactions sociales autour du produit et la vélocité de la vente. Vestiaire Collective est devenue ainsi une vaste communauté forte de 5 millions de membres, avec des relais sur Facebook et Twitter. Une stratégie de fidélisation que nous entretenons par courrier électronique, grâce à une lettre hebdomadaire personnalisée qui ne comprend que des articles adaptés aux mensurations de nos clientes.

Votre spécificité vient aussi du fait que vous vendez uniquement des pièces très haut de gamme et en très bon état…

Le respect du produit est l’un de nos atouts et nous avons d’ailleurs signé récemment une charte anticontrefaçon avec toutes les marques de luxe. Les vêtements et les accessoires que nous recevons sont ainsi tous expertisés et authentifiés par des équipes de stylistes avant d’être expédiés. Nos experts rejettent environ 30 % des 4 000 produits qui nous sont proposés chaque jour (le catalogue de Vestiaire compte environ 450 000 pièces, NDLR). C’est ce processus qui nécessite un petit délai, mais qui fait notre différence. C’est aussi la raison pour laquelle nous prenons environ 25 % de commission. Nous sommes un marché secondaire et non un marché parallèle.


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Vestiaire Collective compte aujourd’hui plus de 250 employés, avec des bureaux à Paris, à New York, à Londres, à Berlin, à Milan et à Barcelone. En 2016, vous annoncez un chiffre d’affaires de 120 millions d’euros. Cette hypercroissance est-elle difficile à gérer?

Parce que nous avions sous-estimé notre potentiel de développement, nous avons dû déménager trois fois en moins de six ans et cela nous a coûté très cher! Mais la principale leçon que j’ai retenue est qu’il ne faut pas s’éparpiller. L’important est d’avoir les moyens de ses ambitions pour construire les conditions de l’hypercroissance. J’y passe 30 % de mon temps! Depuis nos débuts, nous sommes dans notre secteur l’une des start-ups les mieux financées au monde. Nous avons réalisé quatre collectes de fonds qui ont rapporté 63 millions d’euros. Et ce n’est pas terminé! L’un de nos points forts est d’être soutenus par des investisseurs reconnus dans la mode, tels que Condé Nast, propriétaire de GQ, de Vogue et de Vanity Fair, ainsi que par la marque Zadig & Voltaire, par exemple. Ce sont des cautions qui non seulement nous crédibilisent, mais permettent aussi d’augmenter les ventes de certains produits qu’ils labellisent sur leurs sites. Actuellement, 50 % de nos ventes se font à l’international et l’idée est de continuer cette stratégie, partant du principe que plus nous couvrons de pays, plus nous avons de produits et donc d’interactions sur le réseau et de transactions. Nous planifions prochainement une implantation en Asie, mais nous ne savons pas encore exactement si ce sera en Chine, en Corée du Sud ou au Japon. Cela dit, la croissance organique n’est pas l’unique option. Nous visons également des occasions d’acquisition, comme celle, à Hong Kong, d’un petit site similaire au nôtre. Et, pour 2017, nous en avons aussi au Canada…