Des organisations sportives qui œuvrent à l’échelle locale, nationale ou internationale se retrouvent régulièrement sous le feu des projecteurs. Et pas nécessairement pour les bonnes raisons... En effet, les affaires de corruption, de malversation ou tout simplement de mauvaise gestion font les manchettes et entachent leur réputation. Le moment est-il venu de réformer de fond en comble leur mode de gouvernance?

Les exemples ne manquent pas pour illustrer cette fâcheuse tendance. Au bout du compte, ce sont toutes les organisations sportives qui en payent le prix, subissant la méfiance du public et une certaine forme de désengagement. Les défis qu’elles doivent affronter sont majeurs et elles doivent trouver des pistes de solution pour favoriser la mise en place d’une saine gouvernance.

De petites organisations malmenées

Partout au Canada, y compris au Québec, le problème est bien réel. En 2019, Sport Canada a indiqué sa volonté de renforcer la gouvernance des organisations de sport et de loisir qu’il finance, notamment afin de s’assurer qu’elles tiennent compte des priorités du gouvernement fédéral.

D’ailleurs, la nécessité de surveiller la gouvernance a été récemment démontrée au Québec. Une analyse réalisée entre l’automne 2018 et l’automne 2019 par l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques auprès de 20 fédérations sportives québécoises et de 10 organismes nationaux de loisir a révélé une situation préoccupante. Ainsi, les 30 organisations ont été soumises à une grille d’évaluation composée de 45 indicateurs en matière de qualité de la gouvernance. Résultat? Leur piètre performance soulève des inquiétudes.

Or, la Politique de l’activité physique, du sport et du loisir Au Québec, on bouge! ainsi que les normes du Programme de reconnaissance des fédérations sportives québécoises et du Programme de reconnaissance des organismes nationaux de loisir font mention de la nécessité de renforcer la gouvernance des organisations dans ce domaine.

De plus, les conclusions d’une étude[1] commandée par la Direction du sport, du loisir et de l’activité physique du ministère de l’Éducation du Québec (MEQ) recommandent que l’attribution de financement public aux organismes de sport soit conditionnelle au respect de normes sur la saine gouvernance. Dans ces conditions, il est clair que les autorités publiques sont pressées d’agir pour mieux réglementer le milieu.

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Crises à répétition dans les organisations internationales

Ces dernières années, les institutions sportives internationales ont aussi été le théâtre de crises qui ont entaché leur réputation. Le Groupe de travail sur la gouvernance des fédérations internationales, créé en 2015 à l’initiative de l’Association des fédérations internationales des sports olympiques d’été, a d’ailleurs fait état à plusieurs reprises de lacunes et de pratiques répréhensibles dans la gouvernance des organisations sportives internationales.

Le Comité international olympique (CIO) n’y a pas échappé, puisque des scandales ont terni la tenue de Jeux olympiques (JO) récents. Ainsi, une enquête a mené à la mise en examen du vice-président du comité d’organisation des JO de Tokyo 2020, qui ont eu lieu en 2021. Il est soupçonné d’avoir participé au versement d’un pot-de-vin visant à soutenir la candidature de la capitale japonaise.

Lors des Jeux de Rio de 2016, le président du comité olympique brésilien, Carlos Nuzman, a été accusé et condamné à 30 ans de prison pour corruption, organisation criminelle, blanchiment d’argent et évasion fiscale. Une vaste corruption a aussi été évoquée lors des JO d’hiver de Sotchi de 2014.

Somme toute, la problématique de l’exercice du pouvoir dans les organisations est semblable, qu’il s’agisse du monde du sport, de la politique ou des affaires. L’univers des organisations olympiques est-il donc corrompu? Des changements de gouvernance devraient également être exigés afin d’éviter que de tels événements se reproduisent. Sinon, il est fort probable que le processus actuel continue de générer les mêmes problèmes.

Des pistes de solution

À l’échelle du Québec, même si les défis ne sont pas aussi importants ni les conséquences aussi graves, les autorités sont bien conscientes qu’il est nécessaire de donner un coup de barre en matière de gouvernance. C’est pourquoi, en collaboration avec différents acteurs du milieu, le gouvernement a publié en mai 2021 le Code de gouvernance des organismes à but non lucratif (OBNL) de sport et de loisir, qui repose sur le principe général suivant : «Le conseil d’administration a le devoir d’exercer son leadership en s’assurant qu’il s’acquitte de toutes ses responsabilités en utilisant au mieux l’expérience, le savoir-faire et la disponibilité de ses membres, mais aussi de collaborateurs externes.»

Les auteurs de ce code soulignent qu’il s’agit d’un «changement de culture majeur visant à dépasser les exigences minimales d’une gouvernance fiduciaire et légale, et à baser leur gouvernance sur des pratiques innovantes». Par ailleurs, le code ne prétend pas se substituer aux lois, politiques, règlements ou pratiques en vigueur, mais plutôt à les compléter. Précisons que dans plusieurs pays, dont le Royaume-Uni et l’Australie, les gouvernements ont déjà adopté un code de gouvernance auquel sont soumis leurs organismes sportifs nationaux.

Le code québécois, qui vise donc à fournir un cadre de référence clair en matière de politiques et de pratiques de gouvernance, s’adresse aux organismes qui sont reconnus ou soutenus par un financement public récurrent du MEQ. On parle ici de fédérations sportives, d’organismes nationaux de loisir, d’organisations régionales de loisir et de sport, de centres régionaux d’entraînement multisports, d’instances régionales, de centres communautaires de loisir et même de camps de vacances, qui sont bénéficiaires d’un programme gouvernemental de soutien ou d’aide financière.

Le code concerne avant tout les administrateurs actifs au sein d’un conseil d’administration, mais aussi les membres qui exercent leur rôle en assemblée générale, les cadres gestionnaires chargés de la mise en œuvre des plans, des politiques et programmes, ainsi que les autorités politiques et réglementaires responsables du bon usage des fonds publics.

Les auteurs de ce code de gouvernance reconnaissent que ses normes sont exigeantes. Ils ont cependant fait en sorte qu’elles soient applicables de façon modulable, en fonction de la culture, de la taille et de la géographie politique de l’organisation. «Les modulations apportées au Code ont pour but de permettre à un organisme de petite taille de structurer son cadre de gouvernance en utilisant au mieux ses ressources ainsi que l’expérience, le savoir-faire et la disponibilité de ses administratrices et administrateurs», peut-on lire. Des critères précis, comme le financement annuel octroyé par le MEQ ou le budget annuel récurrent de l’organisme, permettent d’effectuer un classement par niveau – minimum, moyen ou élevé – qui déterminera les règles de gouvernance qui s’appliquent à chacun des organismes.

Fait à noter, un élément particulier sera certainement à la source de grands changements et pourrait aussi générer des problèmes de recrutement importants. Il s’agit de l’article 6.5, qui définit la composition du conseil d’administration et souligne qu’un nombre minimal d’administrateurs devra être réputé indépendant. Désormais, seront exclus notamment les entraîneurs et les athlètes, ainsi que les parents d’un athlète ou d’un entraîneur.

Face aux nombreux défis auquel est confronté le monde sportif, qu’il soit professionnel ou amateur, l’une des solutions envisagées est de lui imposer les mêmes exigences que celles auxquelles doivent se soumettre les entreprises ou les organisations publiques. Ainsi, l’indépendance des administrateurs est une modification majeure à laquelle devront se plier les fédérations sportives. Cependant, remplacer les sportifs ou les parents de sportifs par des administrateurs indépendants présentera également des risques majeurs. Par exemple, un changement dans la composition du conseil pourra entraîner des modifications des objectifs stratégiques ou une révocation des dirigeants, décisions qui relèvent du seul pouvoir des administrateurs. L’introduction de ce nouveau code n’est donc pas un simple changement, mais le début d’une série de modifications desquelles découlera une nouvelle culture de gouvernance.

Article publié dans l'édition Été 2022 de Gestion


Référence

[1] «Étude sur les relations entre les fédérations sportives québécoises et canadiennes – Rapport final» (document non publié), SportCopywriters, 31 mars 2019, 118 pages.