La gestion du changement n’est plus ce qu’elle était : désormais, on ne parle plus de coffre à outils ou de livrables, mais plutôt d’une habileté à renforcer la capacité à changer de l’organisation, de façon à atteindre les résultats d’affaires voulus. Pour y arriver, il faut aborder le changement autrement.

En observant la manière dont les organisations performantes font évoluer leurs pratiques de gestion du changement (GDC) tout en s’adaptant à un contexte en mouvement, on peut déterminer des pistes qui permettent d’entrevoir différemment les initiatives de transformation, tout en tenant compte des ressources limitées (de temps, d’argent et de personnel) des entreprises.

Question de méthode ou de contexte?

Ce n’est pas tant les méthodes qui doivent changer que le contexte qui a évolué. Le nombre de projets en cours augmente, tout comme leur complexité, alors que les projets de transformation deviennent transversaux à travers l’ensemble de l’organisation et que de plus en plus d’acteurs y sont impliqués. À l’inverse, le temps alloué afin que l’organisation s’approprie les changements est de plus en plus court.

«Nous avons dû repenser et faire évoluer nos approches en gestion du changement en raison de la complexité des changements souhaités», avance Élise St-Aubin, vice-présidente, efficacité organisationnelle à la Banque de développement du Canada (BDC), dans le cadre d’un échange au colloque de l’Association of Change Management Professionals (ACMP) à l’été 2021. «Nous ne sommes plus seulement concentrés sur le changement technologique, par exemple, mais aussi sur la manière de cultiver de nouveaux comportements et de nouvelles façons de penser pour mieux accompagner l’organisation dans ces transformations.»

Pour cesser de gérer le changement «à la pièce»

Alors que les gestionnaires et les dirigeants considèrent la transformation et ses risques comme leur première source d’inquiétude selon une étude du Wall Street Journal menée en 2019, les résultats des grands projets de transformation confirment leurs craintes. Selon Gallup, 84 % des employés à l’échelle mondiale ne sont pas activement engagés dans leur milieu de travail. Selon Forbes, 900 milliards de dollars ont ainsi été gaspillés en 2018 dans des efforts de transformation numérique qui ont échoué.

Il est alors clair que le processus de transformation doit lui-même évoluer. Il arrive encore trop souvent que chaque secteur ou chaque équipe d’une organisation travaille en vase clos sur les changements à réaliser. Or, dans un esprit de transformation véritablement performant, il faut travailler de façon transversale : les projets des équipes doivent d’abord s’harmoniser à la vision de la cible de la transformation de l’organisation, afin d’ensuite être identifiés comme projets prioritaires et porteurs de la vision.  

Pour les équipes œuvrant à la gestion du changement dans les organisations, la priorité est de s’assurer que les leaders de chaque secteur aient la même vision cible de la transformation et que celle-ci soit communiquée dans l’organisation. Ces équipes doivent ensuite soutenir chaque secteur dans la gestion et le suivi de la mise en œuvre de la transformation. En se concentrant sur ces priorités, les équipes de gestion du changement contribuent ainsi à créer une forte cohérence qui facilite l’exécution de la transformation.

«En nous concentrant davantage sur le programme de la transformation plutôt que sur le portefeuille ou le projet, nous sommes mieux alignés et pouvons mieux gérer la cadence des changements», expose Diane Allain, anciennement vice-présidente, gestion des talents, chez UNI Coopération financière. «Grâce à la mise en place de nos indicateurs de performance (KPI), nous pouvons mieux cibler les mesures qui doivent être déployées. Notre vision est arrimée à notre nouvelle raison d’être et à nos valeurs organisationnelles, afin que chaque changement soit en harmonie avec cette vision.»

En laissant de côté les coffres à outils et les livrables pour se concentrer davantage sur le dialogue avec les différentes parties prenantes, les équipes de gestion du changement doivent souvent faire évoluer leurs connaissances et leurs compétences. En transformation, la solution n’est souvent pas connue d’avance. Il faut travailler en synergie afin de faire naître une vision et amener les gens à s’activer ensemble dans la définition de cette vision. C’est alors qu’émerge un véritable rôle de facilitateur.

Les facilitateurs de transformation, des acteurs qui ont une influence positive

Le rôle des équipes de gestion du changement évolue : elles deviennent des facilitateurs de transformation. Plus stratégique, leur rôle vise davantage à veiller à ce que les conditions de succès de la transformation soient présentes plutôt que de veiller à ce que des experts de méthodes et d’outils de gestion du changement soient à l’œuvre. Leur rôle vise ainsi à accompagner l’organisation dans son assimilation d’une culture d’évolution en continu.

Pour obtenir un véritable effet positif sur la transformation, les équipes dédiées à la gestion du changement doivent :

  • avoir une vaste maîtrise du contexte organisationnel et des enjeux d’affaires;
  • veiller à l’arrimage des différents projets à la vision stratégique de la transformation;
  • savoir proposer des mécanismes pour que l’ensemble de l’organisation comprenne et adhère à la vision de la transformation;
  • savoir intégrer les approches de développement organisationnel.

C’est ainsi que les compétences des équipes évoluent : il faut que ces équipes soient pluridisciplinaires, composées de membres aux multiples talents, capables d’avoir une vue systémique de l’organisation et de démontrer une capacité à faire développer cette dernière.

«Notre digital transformation office et notre project management office sont complémentaires. Nous nous assurons aussi d’être en harmonie avec les autres collaborateurs – comme les partenaires d’affaires en ressources humaines – afin d’avoir davantage d’influence», poursuit Élise St-Aubin. Dans le même esprit, Diane Allain souligne que les priorités d’aujourd’hui pour l’équipe de gestion du changement, c’est de se centrer sur la transformation plutôt que sur un changement de façon individuelle et de continuer à enrichir les compétences en gestion du changement des leaders. «Nous utilisons encore plus nos KPI pour progresser», précise-t-elle.

À partir du moment où on peut mesurer les effets des changements (grâce aux KPI), une organisation peut déterminer si ces actions ont de la valeur et comment elle doit les orienter afin d’atteindre les bénéfices et les objectifs. Il faut amener collectivement la transformation à créer ses propres bénéfices.

Puisque le contexte lui-même est en mutation, il est primordial que les équipes de gestion du changement évoluent afin de devenir des facilitateurs du processus transformationnel. En adoptant un regard stratégique, ces facilitateurs abandonnent le rôle traditionnel d’experts de méthodes et d’outils pour endosser celui de coéquipiers des gestionnaires de l’organisation, afin que celle-ci navigue vers une culture en évolution continue.