Dans un contexte organisationnel marqué par la volatilité, l’incertitude, la complexité et l’ambiguïté (VICA), la gestion de portefeuille de projets (GPP) s’impose comme un levier stratégique incontournable¹.

Elle permet en effet de transformer la vision organisationnelle en résultats concrets, vers l’atteinte des objectifs, et elle joue un rôle clé pour naviguer dans un environnement où les priorités et les ressources doivent être continuellement optimisées².

La gestion de portefeuille de projets repose sur plusieurs piliers fondamentaux : l’alignement stratégique, la gestion des ressources et, surtout, le suivi rigoureux des bénéfices. Elle nécessite également une collaboration étroite avec les parties prenantes tout au long du cycle de vie du portefeuille, pour garantir une prise de décision éclairée ainsi qu’une exécution réussie³.

Pourquoi la gestion de portefeuille de projets est-elle indispensable?

Contrairement à la gestion de projets, la GPP adopte une approche holistique, qui vise à maximiser la valeur créée par l’ensemble des projets alignés sur les objectifs organisationnels¹. Elle permet plusieurs choses que voici.

- Aligner les projets sur les objectifs stratégiques
Chaque projet sélectionné doit soutenir directement la mission, la vision et les priorités stratégiques de l’organisation². Un exemple concret : dans une entreprise technologique, les projets axés sur l'innovation et le développement de nouvelles solutions numériques pourraient être privilégiés.

- Prioriser les initiatives
Les ressources – humaines, financières et matérielles – étant limitées, la gestion de portefeuille de projets aide à s’assurer qu’elles sont investies là où elles offriront la plus grande valeur ajoutée.

- Suivre et maximiser les bénéfices générés
Une gestion efficace garantit que les bénéfices tangibles (comme l’augmentation des revenus) et intangibles (telle l’amélioration de la satisfaction client) sont mesurés et maximisés¹. Par exemple, une entreprise qui implémente un progiciel de gestion intégré (système ERP en anglais : pour enterprise resource planning software) devrait suivre non seulement les gains d’efficacité, mais aussi les améliorations au chapitre de la satisfaction des utilisateurs finaux.

- Gérer les risques pour garantir la pérennité des investissements

La gestion des risques en ce qui concerne le portefeuille s’avère primordiale pour s’assurer que celui-ci progresse sans compromettre la tolérance aux risques de l’organisation². En établissant et maîtrisant les risques globaux, l’organisation est à même de définir des seuils clairs de tolérance et d’appétit au risque, guidant ainsi les décisions d’investissement et la priorisation des projets³ au sein du portefeuille. L’intégration de cette discipline dans la gouvernance du portefeuille permet non seulement de limiter l’exposition aux risques excessifs, mais également d’optimiser la création de valeur.

Dans un environnement VICA, la GPP devient dès lors une discipline stratégique, offrant une structure et une méthode pour naviguer dans un monde complexe et incertain². Elle permet de prendre des décisions éclairées, de s’adapter rapidement aux changements et de rester alignée sur la vision à long terme.

La gestion des parties prenantes : un levier crucial à chaque étape

Il faut garder en tête qu’un portefeuille de projets n’existe pas en vase clos. Son succès repose en effet sur la collaboration efficace entre les différentes parties prenantes, qui jouent un rôle clé à toutes les étapes : sélection des projets, gouvernance, exécution et suivi des bénéfices¹.

Au cœur de cette dynamique, le responsable du portefeuille de projets agit comme un facilitateur stratégique et un point de convergence entre les différents acteurs². Son rôle consiste à coordonner et aligner les attentes des parties prenantes, tout en veillant à ce que chaque initiative s’inscrive dans une vision globale cohérente³.

Voici des exemples de parties prenantes et leurs rôles :

Les promoteurs de projets
Ils défendent les initiatives auprès de la gouvernance, gardent à l’œil leur alignement stratégique et veillent à ce que les objectifs soient atteints.

Les équipes de gestion des risques
Elles évaluent les risques des projets et s’assurent que ceux-ci sont alignés sur l’appétit pour le risque de l’organisation.

Les équipes financières
Ces équipes surveillent les budgets, garantissent que les ressources sont disponibles et évaluent les bénéfices financiers des programmes.

Les équipes d’architecture d’affaires
Elles conçoivent et optimisent la structure, les processus et les capacités organisationnelles afin de garantir l'alignement entre la stratégie d'entreprise et son exécution en facilitant la transformation et la création de valeur,

Les leaders stratégiques
Ils définissent les orientations globales et assurent une cohérence entre les initiatives.

L’importance d’une collaboration étroite

Chacune de ces parties prenantes apporte une perspective unique, garantissant que les décisions prises tiennent compte des aspects stratégiques, opérationnels et financiers des projets. Une collaboration continue améliore non seulement la qualité des décisions, mais aussi l’adhésion organisationnelle. Par exemple, une entreprise pharmaceutique pourrait inclure ses équipes R et D, marketing et réglementaires dans le choix des projets, pour avoir la certitude que ceux-ci répondent aux exigences du marché et de la conformité.

Les défis propres à la gestion de portefeuille de projets

Malgré ses nombreux avantages, la GPP comporte plusieurs défis, qui nécessitent des stratégies bien précises pour être surmontés.

1 - Gestion des ressources

Le défi : L’équilibre entre les demandes croissantes de projets et la disponibilité limitée des ressources reste un enjeu central. Les organisations doivent souvent choisir entre plusieurs initiatives prioritaires, ce qui peut entraîner des tensions entre les parties prenantes.

Les solutions : Investir dans des outils avancés de planification des ressources, tels que les logiciels de GPP intégrant l’intelligence artificielle.

Mettre en place des mécanismes de priorisation dynamique, qui permettent de reconfigurer les priorités en fonction des contraintes actuelles.

2 - Prise de décisions difficiles 

Le défi : Arrêter un projet en cours peut sembler hasardeux ou coûteux, mais poursuivre des initiatives qui ne génèrent pas de valeur risque de conduire à des gaspillages encore plus importants.

Les solutions : S’appuyer sur des analyses coût-bénéfices régulières pour évaluer la pertinence des projets.

Utiliser des matrices de priorisation pour maintenir l’attention sur les projets à plus forte portée.

3 - Suivi et gestion des bénéfices : au-delà des KPI vers les OKR

Le défi : Trop souvent, les bénéfices attendus des projets sont mesurés par l’intermédiaire d’indicateurs clés de performance (KPI en anglais : pour key performance indicators) isolés, qui peuvent conduire à des comportements contre-productifs. Un exemple classique est l'effet cobra, ou quand une mesure mal conçue incite à des actions qui résolvent superficiellement un problème, mais en aggravent les conséquences à long terme.

La solution : Pour éviter ces dérives, il est nécessaire de compléter les KPI par la gestion par objectifs et résultats clés (OKR en anglais : pour objectives and key results). Ce type de gestion permet de garder une perspective stratégique en liant les résultats mesurables aux objectifs plus larges de l'organisation. Par exemple, au lieu de simplement mesurer le temps de réalisation d'un projet (KPI), la gestion par objectifs et résultats clés peut inclure l'incidence stratégique de ce projet sur l'innovation ou la satisfaction client.

La gestion de portefeuille de projets comme levier stratégique majeur

Un portefeuille de projets bien géré agit comme un catalyseur stratégique pour les organisations, et ce, de plusieurs façons.

En alignant les initiatives sur la vision organisationnelle
En définissant des critères d’évaluation clairs, les organisations s’assurent que les projets soutiennent leurs priorités stratégiques. Par exemple, une entreprise énergétique pourrait orienter ses projets vers des initiatives de durabilité pour répondre aux attentes des parties prenantes.

En créant une valeur mesurable
En gestion de portefeuille, la valeur représente l’incidence positive qu’une initiative cherche à générer, ainsi que les gains qu’elle apporte à l’organisation. Toutefois, cette valeur n’est pleinement réalisée qu’après avoir pris en compte le coût du projet. Ainsi, le bénéfice correspond à la différence entre la valeur créée et les ressources investies.

En se concentrant sur les bénéfices tangibles et intangibles, les organisations maximisent la valeur créée. Cela inclut non seulement des indicateurs financiers, mais également des éléments tels que l’amélioration de la réputation de l’entreprise et la fidélité des clients.

En facilitant les ajustements stratégiques
Dans un environnement en constante évolution, faire preuve d’une flexibilité pour ajuster les priorités s’avère essentiel. Une gestion de portefeuille agile permet de réagir rapidement aux transformations qui ont cours dans le marché; pensons ici à l’émergence de nouvelles technologies ou à l’annonce de changements réglementaires, pour n’en nommer que quelques-unes.

Une gestion intégrée pour maximiser la valeur des organisations

En résumé, la gestion de portefeuille de projets est bien plus qu’une méthodologie; elle constitue une discipline stratégique qui aide les équipes à naviguer dans un environnement complexe et changeant. En mettant en œuvre une gouvernance robuste, une gestion rigoureuse des ressources et un suivi précis des bénéfices, les organisations la voient devenir un catalyseur de transformation organisationnelle.

Pour réussir, ces dernières doivent cependant adopter une approche intégrée, qui repose à la fois sur une collaboration continue avec les parties prenantes et sur une attention constante portée aux objectifs stratégiques. En alliant inclusivité, rigueur et adaptabilité, elles seront en mesure de maximiser leur valeur et de renforcer leur résilience dans un monde marqué par la complexité et l’incertitude.


Bibliographie

1- Project Management Institute, The Standard for Portfolio ManagementThird Edition, Project Management Institute, Newtown, 2013, 189 pages.

2 - Kerzner, H., Project Management: A Systems Approach to Planning, Scheduling, and Controlling11th Edition, Wiley, Hoboken, 2017, 1296 pages.

3 - Artto, K. A., Dietrich, P. H., et Nurminen, M. I., «Strategy alignment in project portfolio management»,International Journal of Project Management, vol. 22, no 7, 2004, p. 53-64.