Depuis l’appel au confinement du 13 mars dernier, les routines de télétravail se sont mises en place progressivement. Les enjeux technologiques sont désormais résolus, les façons de communiquer ont évolué, les processus ont été ajustés à la nouvelle réalité. Une fois ces éléments essentiels réglés, les gestionnaires constatent que leurs efforts d’adaptation ne sont pas terminés pour autant. Il reste encore à revoir leur façon de gérer et d’évaluer les progrès des membres de leur équipe.

Peu à peu, les gestionnaires prennent conscience qu’en télétravail, plusieurs des repères qui leur étaient pratiques par le passé ont désormais disparu. Auparavant, ils pouvaient constater sans effort les heures de présence de leurs employés, le temps dédié aux bavardages ou à travailler avec concentration. Ils réalisent également à quel point les informations glanées spontanément autour de la machine à café ou en sortant d’une réunion leur étaient utiles. Anodines en apparence, elles permettaient presque intuitivement de prendre le pouls de l’équipe sur une base régulière. En télétravail, ces contacts impromptus manquent cruellement. Il leur faut donc apprendre à évaluer les progrès malgré la distance, ajuster les façons de gérer pour s’adapter à la nouvelle réalité.

Le principal écueil à éviter est de se mettre à douter d’emblée de l’assiduité de ses employés. Lorsqu’ils sont réunis sur un même plancher, il est facile d’identifier les absents et les moins performants. En télétravail, certains gestionnaires trouvent difficile de faire confiance et craignent que leurs employés n’abusent de la situation pour aller promener le chien, faire du lavage ou préparer le souper sur les heures normales de travail. Certains gestionnaires inquiets testent régulièrement leurs employés en envoyant des messages afin de vérifier qu’ils sont bien en train de travailler. Ils adoptent des comportements de microgestion alors qu’en temps de crise, la flexibilité est cruciale. Pensez seulement à ceux qui ont de jeunes enfants à la maison, ou des aînés à s’occuper. Ils sont peut-être plus efficaces à des moments de la journée qui n’auraient jamais été envisagés avant la pandémie.

En télétravail, les heures passées devant l’écran ne sont pas nécessairement un gage de productivité. Par exemple, répondre instantanément à tout message est loin d’être profitable. Pourtant, des employés s’y sentent obligés pour démontrer hors de tout doute qu’ils sont à l’œuvre. Ces interruptions fréquentes entraînent des inefficacités. Et les employés deviennent de plus en plus anxieux, victimes du manque de confiance de leur superviseur. En cette période éprouvante, les employés recherchent l’appui, la confiance, et la bienveillance de leur superviseur, et non l’inverse.

Faire confiance, malgré la distance

Adapter votre style de gestion en télétravail exige de revoir vos attentes, de revenir à l’essentiel. Et ce qui est essentiel, c’est l’atteinte des résultats.

La gestion par résultat requiert un changement de paradigme pour certains, qui est à l’opposé de la supervision du nombre d’heures travaillées. Votre attention porte alors sur ce qui est produit, plutôt que de vous attarder à la façon d’arriver au résultat.

Pour gérer par les résultats de manière efficace, voici quelques principes de base :

  • Assurez-vous auprès de votre employé que vos attentes sont claires : résultats à atteindre, date visée, efforts attendus, niveau de profondeur et de qualité;
  • Donnez l’autonomie à votre employé de s’organiser de façon optimale, adaptée à sa réalité, qui n’est plus ce qu’elle était. Soyez flexible dans l’approche, mais discipliné dans le suivi des progrès;
  • Entendez-vous sur les étapes intermédiaires, et les résultats attendus à chacune de ces étapes;
  • Convenez de la fréquence des suivis;
  • Offrez votre soutien indéfectible pour répondre aux questions et aider à surmonter les enjeux qui pourraient émerger.

Vos interactions avec les membres de votre équipe ne doivent pas se limiter pour autant à discuter du travail en cours. Plus que jamais, il est essentiel de s’intéresser à la santé physique et mentale vos employés, de faire preuve d’empathie et de bienveillance. Car il se peut, bien entendu, que certains employés manquent de motivation, et que leur productivité en soit affectée. Ils ont alors besoin d’un soutien additionnel, soit de leur gestionnaire, soit d’un professionnel de la santé.

Gérer la surproductivité

Dans les faits, nombre de gestionnaires sont plutôt confrontés à l’inverse depuis le début de la pandémie. Les équipes de gestion que j’accompagne rapportent toutes ce fait surprenant : la productivité des employés a augmenté, et de façon significative dans bien des cas. Quelles que soient les motivations de chacun — reconnaissance d’avoir préservé son emploi, peur de perdre son emploi, engagement envers la survie de l’organisation, distraction de l’anxiété causée par le confinement —, le nombre d’employés travaillant davantage d’heures qu’avant la pandémie est phénoménal.

Le souci, toutefois, c’est que le télétravail n’est pas un sprint. C’est un marathon. Ce mode de travail pourrait durer des semaines, voire des mois. Il pourrait même devenir la norme à l’avenir.

Protéger les employés contre eux-mêmes relève aussi de votre responsabilité de gestionnaire. Clarifier les attentes, réduire l’anxiété par des propos qui rassurent et font du bien, aider à trouver des solutions adéquates aux problèmes soulevés par cette crise interminable sont autant de façons de donner votre soutien.

Les gens se souviendront et soutiendront les leaders qui auront fait preuve d’empathie et de bienveillance, en ce temps de pandémie mondiale.