La pandémie a mis à rude épreuve la flexibilité et la capacité d’adaptation des travailleurs. Plusieurs d’entre eux ont cependant découvert qu’ils étaient plus souples qu’ils le croyaient. Ça tombe bien, car ces compétences comportementales sont plus que jamais recherchées par les recruteurs.

Depuis mars 2020, la vie du travailleur moyen n’est plus vraiment la même qu’avant. Visioconférences, plateformes collaboratives, travail en présentiel et à distance : ces réalités font désormais partie de son vocabulaire et de son quotidien. De gré ou de force, il lui a fallu s’adapter et faire face au changement.

Certes, la pandémie a constitué une brusque accélération, mais la tendance était déjà bien amorcée auparavant. Aujourd’hui, tout bouge et évolue constamment; c’est pourquoi les entreprises ont besoin d’employés capables de suivre la cadence, tant d’un point de vue technologique qu’en ce qui a trait aux méthodes de travail.

Série Compétences

De la souplesse!

Quelles sont ces compétences si convoitées? Pierre Lainey, maître d’enseignement au Département de management de HEC Montréal, parle de flexibilité comportementale. Autrement dit : la capacité à modifier ses comportements même si on ne change pas fondamentalement qui on est. À cela se greffe l’adaptabilité contextuelle, c’est-à-dire l’aptitude à choisir les compétences dont on a besoin en fonction du contexte.

Ces deux éléments se recoupent, et selon Marie-Claude Gaudet, CRHA, professeure adjointe au Département de gestion des ressources humaines de HEC Montréal, de manière générale, on pourrait les définir comme la capacité à bien réagir en situation de changement. «C’est notre ouverture à modifier un plan, un comportement; à transformer des situations imprévues en occasions; à apprendre une nouvelle façon de faire ou même de chercher des solutions devant un nouveau problème», dit-elle. «La capacité d’adaptation implique également de ne pas résister ou de paniquer lors d’imprévus. Dans ce domaine, les deux dernières années ont été un bon test, parfois extrême!» lance la professeure.

«C’est aussi la capacité à se remettre en question, à apprendre et à sortir de sa zone de confort. On accepte de changer d’attitude et de comportement au lieu de se braquer», renchérit Michel Di-Lillo, CRHA, vice-président, Formation et services-conseils, au sein de la firme Actualisation IDH.

Développer sa flexibilité et la faire valoir

Les gestionnaires ont donc tout intérêt à compter dans leurs équipes des personnes qui présentent ces caractéristiques. Ils peuvent même les aider à les développer. Pour y parvenir, il faut bien sûr en parler à ses gens et les sensibiliser à ce sujet, mais il importe aussi de donner l’exemple en faisant soi-même preuve de flexibilité. Offrir du soutien et des ressources à ses employés, leur donner de la rétroaction et du mentorat tout en favorisant une culture d’apprentissage : voilà d’autres méthodes gagnantes. Pierre Lainey met également de l’avant la notion d’agilité et la nécessité d’investir dans des activités variées. «Pour développer des comportements plus adaptatifs chez ses employés, le gestionnaire devrait leur offrir une bonne variété de tâches, afin qu’ils se familiarisent avec différents contextes», illustre le maître d’enseignement. On peut aussi leur assigner un projet totalement nouveau et leur proposer des défis qu’ils n’ont pas l’habitude de relever, par exemple.

«Mais attention : si on demande aux travailleurs de sortir de leur zone de confort et qu’on valorise la prise de risques afin qu’ils apprennent à faire preuve de plus de souplesse, parallèlement à cela, il faut aussi leur donner le droit à l’erreur», prévient Michel Di-Lillo.

De leur côté, pour accroître leur flexibilité et leur capacité d’adaptation, les employés pourraient réclamer des dossiers qu’ils connaissent un peu moins ou pas du tout. Et que les résultats soient concluants ou pas, l’essentiel est d’avoir pu réaliser des apprentissages et d’identifier les raisons pour lesquelles on a réussi ou non à mener à bien le projet. «Il faut s’exercer à comprendre les émotions éprouvées lors de changements, à faire des transitions et à accepter des défis en accomplissant des tâches nouvelles, mais aussi réfléchir aux occasions que cela peut amener», résume Marie-Claude Gaudet. Pour progresser, il est également nécessaire de demander de la rétroaction et d’en discuter avec d’autres, pour réaliser qu’on n’est pas seul à être aux prises avec des difficultés d’adaptation.

Une fois qu’on a acquis ou développé ces compétences, encore faut-il être en mesure de les faire valoir, éventuellement aux yeux d’employeurs potentiels. Or, le propre des compétences générales (soft skills en anglais) est qu’elles sont difficiles à mettre en lumière, puisqu’elles peuvent difficilement s’illustrer par écrit dans un CV… Qui plus est, il est possible qu’on ne soit même pas conscient qu’on possède de telles habiletés, ou alors qu’on les minimise. «Dans ces conditions, ce sont les personnes qui nous entourent – collègues de travail, anciens collègues ou superviseurs – qui seront les mieux placées pour en témoigner», fait remarquer Pierre Lainey. Ainsi, elles pourront parler en bien de soi si on les mentionne comme références dans le cadre d’une recherche d’emploi.