Au moment d’assurer la transition à la direction générale, le conseil d’administration de la Fondation CHU Sainte-Justine était prêt. Et pour cause, car il avait entrepris de développer la relève à l’interne, et ce, depuis plusieurs années. Un choix judicieux et un parcours couronné de succès.

Delphine Brodeur a fait ses premiers pas à la Fondation CHU Sainte-Justine en 2015, à titre de directrice des communications, relations publiques et relations avec les donateurs. Cette expérience formatrice lui a permis de mieux comprendre les rouages et le fonctionnement de l’organisation philanthropique. Elle a ensuite rapidement grimpé les échelons et a assumé le poste de vice-présidente, puis celui de directrice générale adjointe à partir d’octobre 2021. Depuis le 1e avril dernier, elle est désormais à la tête de la Fondation en tant que présidente et directrice générale.

Delphine Brodeur

Delphine Brodeur, présidente et directrice générale de la Fondation CHU Sainte-Justine. Crédit photo : Stephan Ballard, CHU Sainte-Justine.

La recette du succès? L’un des ingrédients est sans nul doute un haut niveau de confiance et de transparence. «C’est assurément le mot d’ordre, car il n’y a aucune garantie ni d’un côté ni de l’autre que les choses vont fonctionner comme on le prévoit», explique Delphine Brodeur. Une prise de risque, certes, mais calculée, car comme le souligne Jacynthe Côté, administratrice de sociétés et présidente du conseil d’administration de la Fondation, le risque serait bien plus grand si on ne développait pas le talent…

Un processus structuré

Néanmoins, un tel processus ne s’improvise pas, et ce, d’autant qu’il vise à pourvoir un poste névralgique. Cette démarche à long terme demande aussi un investissement de plusieurs années avant que le candidat ne soit prêt à assumer ses nouvelles fonctions. Il est également nécessaire de bien identifier le profil requis et de s’assurer que la personne pressentie possède les aptitudes requises. «Nous avons effectué une évaluation externe structurée pour confirmer que ces compétences étaient bel et bien présentes», mentionne Jacynthe Côté.

Puis, il faut mettre en place un plan d’accompagnement structurant, incluant du coaching et des outils visant à renforcer les habiletés à améliorer. Enfin, on doit pouvoir compter sur un PDG généreux et prêt à laisser s’épanouir sa relève. «Ma prédécesseure, Maud Cohen, m’a offert un espace suffisant pour que je puisse grandir, et j’ai aussi bénéficié du soutien et de l’expertise du conseil d’administration», précise Delphine Brodeur.

Tout au long de ce cheminement qui exige un travail rigoureux, des points de contrôle ont permis de s’assurer de la bonne progression de la future PDG. «Il faut être patient, très transparent et faire preuve de bienveillance. Une rétroaction franche et des conversations ouvertes sont essentielles, de même que d’admettre qu’on peut se tromper et se donner le droit à l’erreur», recommande Jacynthe Côté, qui ajoute que dans sa démarche, la Fondation s’est inspirée des meilleures pratiques.

Un atout pour déjouer la pénurie de talents

Dans le contexte de pénurie de main-d’œuvre actuelle, développer ses futurs leaders à l’interne constitue une solution porteuse. «Les employeurs devraient amener leurs gens à atteindre leur plein potentiel, à devenir la meilleure version d’eux-mêmes», estime Jacynthe Côté. C’est pourquoi les organisations auront tout intérêt à apprendre à reconnaître et à détecter le savoir-faire et le savoir-être au sein de leurs équipes. Elles devraient aussi afficher leur volonté de les soutenir dans leur développement en mettant en place des plans de croissance, par exemple.

Mais les employés ont aussi un rôle à jouer. «À mon avis, c’est une coresponsabilité : chaque individu est responsable de sa propre croissance et devrait se manifester pour montrer qu’il est prêt à endosser de nouvelles responsabilités et à relever de nouveaux défis», indique Delphine Brodeur.

Cette façon de faire constitue d’ailleurs un facteur de rétention important. «Un professionnel de 35 ans qui a du potentiel ne devrait pas être confiné au même poste. Si on ne l’aide pas à grandir, il risque de quitter l’organisation dès qu’on lui offrira un emploi plus attrayant», prévient Jacinthe Côté.

Pour sa part, Delphine Brodeur constate que cet enjeu est particulièrement problématique pour les PME, dans la mesure où il n’est pas toujours possible de faire grimper les échelons à un professionnel, puisque les paliers hiérarchiques sont moins nombreux que dans une entreprise de plus grande taille. «Dans ce cas, il faut trouver un moyen de faire évoluer l’employé dans son propre rôle, en lui confiant par exemple des tâches ou des défis supplémentaires, en le faisant sortir de sa zone de confort, afin qu’il puisse évoluer, croître et grandir», conseille-t-elle.