Article publié dans l'édition Été 2019 de Gestion

Les entreprises cherchent constamment des façons d’innover. Les fab labs s’inscrivent dans cette mouvance et ont gagné en popularité ces dernières années. Portrait de ces espaces de création collaborative.

Les « laboratoires de fabrication », ou fab labs, sont présentés comme de nouveaux lieux de collaboration ouverts à tous. On observe l’implantation de fab labs dans la plupart des pays développés et leur nombre augmente un peu plus chaque année, dans les grandes villes comme dans les zones rurales, de même que dans de nombreux secteurs d’activité (informatique, robotique, haute technologie, éducation, domaine culturel et artistique, etc.). À ce jour, on a répertorié près de 1 300 fab labs dans une trentaine de pays. Au Québec, leur nombre est sur le point de doubler : à la fin de l’année dernière, 20 fab labs existaient déjà ici, et on dénombrait 17 projets à des degrés divers d’avancement pour 20191. Mais à quoi ces laboratoires de fabrication servent-ils ? Comment expliquer cet engouement ?


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Qu'est-ce qu'un fab lab ?

Les fab labs sont des tiers lieux2 qui facilitent le travail hors des murs de l’entreprise3, à l’instar des laboratoires vivants, ou living labs, et des espaces de coworking, notamment. Or, les fab labs se distinguent de ces endroits à plusieurs égards. Le living lab est avant tout une démarche méthodologique4 transposée dans un lieu de rencontres et d’échanges dont la raison d’être est la réalisation d’un projet collectif et innovateur. Quant à l’espace de travail partagé ou de coworking, on y favorise l’émulation et le partage de connaissances, bien qu’il ne s’agisse pas là de ses vocations premières aux yeux de ses utilisateurs5. Pour sa part, le fab lab concourt à la conception ou à l’amélioration d’un produit particulier, voire d’un service qui pourrait en découler, en ayant recours à des compétences variées et à des outils mis à la disposition des participants dans le but de construire un prototype. Le fab lab offre ainsi un environnement favorable au processus d’innovation entrepreneuriale.

Quel intérêt pour les entreprises?

La coopération dans un fab lab peut permettre de créer des prototypes ou des produits à partir d’une imprimante 3d, d’une machine de découpe laser, etc. ainsi, l’atelier montréalais Fablab loue son imprimante 3D à des entreprises du secteur médical. Toujours à Montréal, ÉchoFab offre un accès gratuit à son laboratoire lors de journées portes ouvertes.En s’appuyant sur un fonctionnement informel qui favorise le développement de liens de confiance entre les créateurs, les concepteurs et les futurs utilisateurs, l’entreprise peut trouver dans ces ateliers collectifs un espace propice à l’incubation de prototypes innovants. L’entreprise tire avantage de ce lieu de partage de connaissances et de ressources entre personnes appartenant à différents domaines professionnels (technologies de l’information et de la communication, disciplines artistiques, sciences exactes et appliquées, etc.)6 et peut ainsi profiter d’une source de créativité à laquelle elle n’aurait pas accès autrement.

En somme, un fab lab permet à toute personne ou à toute entreprise ayant une idée de bénéficier d’un lieu pour faire des essais (prototypage) puis pour créer rapidement un objet matériel ou numérique grâce aux moyens mis à sa disposition. Plus encore, ces espaces contribuent à l’apprentissage des participants par la pratique et par le partage de compétences variées.


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Trois règles pour favoriser la collaboration au sein d'un fab lab

  1. Mettre en commun des ressources matérielles (une imprimante /D, par exemple).
  2. Susciter un climat propice aux échanges entre les membres du groupe, notamment en aménageant des espaces de travail ouverts ou des lieux de convivialités (pour un repas ou un café, par exemple).
  3. Faciliter la circulation des connaissances en organisant des ateliers de fabrication et d'exploration ou tout autre type de rencontre.

Des risques potentiels

L’activité des fab labs s’inscrit dans le mouvement « faites-le vous-mêmes » (do it yourself). Elle contribue à la démocratisation des savoirs, à une fabrication citoyenne et à l’autonomie des gens en matière de conception et de fabrication en vertu de ses valeurs éducatives, économiques et socioculturelles. Ces fab labs constituent des lieux d’expérimentation improvisée où la débrouillardise et la collaboration sont à l’honneur. Soustrait aux relations hiérarchiques traditionnelles en entreprise, leur fonctionnement est essentiellement de type coopératif, participatif, horizontal et ouvert. Toutefois, malgré ces possibilités fortes prometteuses, il peut exister des risques inhérents au travail avec certains appareils et outils potentiellement dangereux. Les utilisateurs doivent s’assurer d’avoir un savoir-faire suffisant et de respecter les règles de sécurité les plus élémentaires, à la condition bien sûr de les connaître et de les mettre en application. Enfin, la conception libre et partagée, en ouvrant la porte à la multiplication des créateurs amateurs, pourrait saper l’exclusivité dont profitent traditionnellement les entreprises en matière de compétences techniques et de connaissances de pointe. Par conséquent, celles qui décident de jouer le jeu du fab lab doivent accepter de s’ouvrir au collectif qui le compose.


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L’engouement croissant pour ces laboratoires de fabrication mérite une attention particulière, car ils peuvent apporter des réponses précises à des objectifs commerciaux d’entreprises et de particuliers. Les prochaines années nous diront si ces ateliers collectifs auront su nourrir l’innovation entrepreneuriale.


Notes

Fab Labs Québec, « Les fab labs au Québec – 52 fab labs, projets de fab lab et ateliers amis de Fab Labs Québec qu’on connaît », liste en ligne, dernière mise à jour faite le 10 janvier 2019.

Un tiers lieu est un endroit qui n’est ni le domicile ni le lieu du travail.

Oldenburg, R., the Great Good Place – cafes, coffee shops, community centers, Beauty Parlors, General stores, Bars, Hangouts and How they Get You through the day, New York, Paragon House, 1989, 338 pages.

Scaillerez, A., et Tremblay, D.-G., « coworking, fab labs et living labs – État des connaissances sur les tiers lieux », territoire en mouvement – Revue de géographie et d’aménagement, vol. 34, 2017, p. 1-17; Scaillerez, A., et Tremblay, D.-G., « Numérique, télétravail, développement des territoires ruraux – Analyse et résultats des politiques publiques québécoises », Économie et solidarités, vol. 44, nos1-2, 2014, p. 103-121.

Scaillerez, A., et Tremblay, D.-G., « Le télétravail comme nouveau mode de régulation de la flexibilisation et de l’organisation du travail : analyse et impact du cadre légal européen et nord-américain », Revue des organisations responsables, vol. 11, n° 1, mai-juin 2016, p. 21-31.

Bosqué, C., « Enquête au cœur des fab labs, hackerspaces, makerspaces – Le dessin comme outil d’observation », Techniques & culture, n° 64, 2015, p. 168-185.