Une entreprise qui vend des produits ou propose des services en ligne ne peut plus se permettre de négliger l’évaluation de la qualité de l’expérience vécue par ses utilisateurs. Et ce, peu importe ses moyens.

On peut aller très loin dans l’évaluation de l’expérience utilisateur comme le fait le Tech3Lab, un laboratoire de recherche appliquée dans le domaine, en utilisant différentes techniques telles que la reconnaissance des émotions faciales, la mesure de la sudation et l’analyse de l’activité cérébrale. Mais on peut aussi y aller simplement, en regardant les données de son site sur Google Analytics et en questionnant quelques utilisateurs notamment.

Si vous avez un site Web qui vend des chaussures, par exemple, vous êtes-vous assuré que les gens arrivent facilement à réaliser leur transaction? Parmi tout ce que vous pourriez mesurer, quantitativement ou qualitativement, ce serait la première chose à faire d’après Camille Grange, professeure agrégée au Département de technologies de l’information de HEC Montréal. «Si un grand pourcentage n’arrive pas à accomplir la tâche, il y a un gros problème», affirme-t-elle.

Pour le savoir, il faut aller chercher différentes données, comme son taux de conversion. C’est le pourcentage de transactions complétées par rapport au nombre total de visites de son site, une information qu’on trouve sur Google Analytics. «Il y a des moyennes par industrie, alors si notre taux de conversion est beaucoup plus bas, il faut chercher la cause», souligne Camille Grange.

Google Analytics peut aussi révéler à quelle étape de la transaction on perd ses utilisateurs.

«Y a-t-il un bouton qui ne marche pas? questionne la professeure. S’il ne semble pas y avoir de problème technique, il faut faire des tests avec des utilisateurs qui sont représentatifs de sa clientèle. On peut les trouver parmi ses collègues, dans un café ou sur la rue. On apprend plein de choses par ces petits tests.»

Démocratisation des outils

Plusieurs outils pour mesurer l’expérience utilisateur sont facilement accessibles pour les entreprises. «Google Analytics est un outil gratuit utilisé par 85 % des sites de la planète», indique Sylvain Amoros, professeur associé au Département de marketing de HEC Montréal.

Mais d’autres outils en ligne aussi abordables sont offerts, comme UserTesting. «On trouve sur ce site des dizaines de milliers de testeurs sur la planète.  Pour 50 $, vous pouvez publier un test à faire avec une tâche à réaliser et votre clientèle cible, explique-t-il. Le site trouvera un testeur qui correspond au profil recherché. Le vidéo de la personne en train de faire le test vous sera envoyé, de même que son compte rendu écrit.»

Vous pouvez aussi faire une foule d’autres actions relativement simples pour évaluer l’expérience utilisateur, comme créer un sondage sur votre site Web pour voir s’il répond aux besoins des gens ou analyser la transcription des sessions de clavardage en direct. «On y voit facilement les sources de frustration des gens», constate Sylvain Amoros.

Les neurosciences à la rescousse

Le temps et l’argent investis dans l’analyse de l’expérience utilisateur dépendront beaucoup de l’importance du site ou de l’application en question pour le succès de l’organisation. Si le produit ou le service numérique est crucial, une entreprise peut être prête à se tourner vers des techniques qui utilisent les neurosciences pour savoir ce que vit une personne lorsqu’elle interagit avec son système.

«Nous utilisons des outils pour voir ce qui se passe sans que la personne soit obligée de le verbaliser, parce qu’il est possible que la personne ne veule pas dire que le produit n’est pas bon, ou qu’elle ne se rappelle pas précisément ce qu’elle n’a pas aimé», explique Sylvain Sénécal, professeur titulaire au Département de marketing de HEC Montréal et codirecteur du Tech3Lab.

Pour savoir ce que vit vraiment l’utilisateur, le Tech3Lab utilise différents signaux simultanément. «Par exemple, nous mesurons la stimulation du système nerveux par un capteur, que nous installons sur la paume de main de la personne, précise le professeur. Plus elle est excitée, plus son niveau de sudation augmente. Mais ça peut être positif ou négatif. Nous pourrons le déterminer en combinant cette donnée avec les expressions faciales de la personne pendant l’interaction.»

Le Tech3Lab peut aussi installer un casque à électrodes pour électroencéphalographie et l’utiliser avec l’oculométrie. «On peut voir où regarde la personne exactement sur la page et, grâce au casque, voir dans quelle région du cerveau il y a plus d’activité à ce moment-là, mentionne-t-il. Ainsi, on verra si la personne vit beaucoup d’émotions ou s’il y a des choses difficiles à comprendre.»

L’évaluation de l’expérience utilisateur la plus efficace combine bien sûr les techniques qui analysent ce que vit la personne pendant l’utilisation et celles qui sondent la personne sur ce qu’elle se souvient de son expérience une fois que celle-ci est terminée. «Nous voulons être capables de dire au designer : voici l’élément sur lequel tout le monde accroche, affirme Sylvain Sénécal. Mais, au bout du compte, c’est certain que si tous les utilisateurs se rappellent seulement qu’ils ont eu bien du plaisir à utiliser le système, ils vont le réutiliser, et c’est ce qui est important pour son succès commercial.»