Se rendre compte que l’on peut être un leader au sein d’une organisation sans en avoir le statut devrait nous inviter à élargir notre cercle d’influence. Mais comment y parvenir sans que cela se retourne contre soi?

«On doit comprendre que le leadership, ce n’est pas le pouvoir», remarque d’entrée de jeu Eric Brunelle, professeur associé à la Chaire de leadership Pierre-Péladeau, de HEC Montréal. Pour lui, il est erroné de lier le rôle d’un leader à une fonction de gestion de subordonnés. Faire preuve de leadership réside plutôt dans l’influence que l’on peut avoir sur un groupe d’individus. Eric Brunelle incite ainsi les employés qui occupent des postes de premier niveau à ne pas attendre de se voir confier un rôle de gestionnaire avant de prendre des initiatives, s’ils souhaitent démontrer leurs aptitudes de leader.

Patricia Hewlin, professeure associée à la Faculté de management Desautels de l’Université McGill, soutient pour sa part que la prise de leadership dans une organisation commence dès l’entrevue d’embauche. C’est en partie parce que vous avez montré une disposition à exercer de l’influence qu’un employeur a décidé de retenir votre candidature. Cette capacité ne s’efface pas une fois que vous avez accédé au poste. Il suffit de l’utiliser à bon escient et avec doigté selon l’environnement dans lequel vous évoluez.

Carrières

Construire des relations durables

«L’influence provient d’abord des relations qu’on développe autour de soi», explique Patricia Hewlin. L’une des priorités lorsque vous vous joignez à une nouvelle organisation serait donc d’aller à la rencontre de vos collègues. C’est à travers des échanges qui peuvent sembler anodins que la confiance s’installe entre deux personnes. C’est cette confiance qui vous aidera à mettre en évidence votre savoir-faire et, progressivement, à gagner le respect de vos pairs.

Pour Patricia Hewlin, cette forme d’influence permet parfois à des individus qui n’occupent pas de postes de gestion attitrés d’exercer davantage de leadership que leur supérieur, simplement en raison de la qualité de leurs relations interpersonnelles, d’où l’importance de l’inclure dans sa démarche.

À cet égard, Eric Brunelle suggère aux personnes nouvellement embauchées de prendre les devants, en invitant l’un ou l’autre de ses collègues à aller prendre un café, pour établir un contact. Selon lui, c’est en vous intéressant aux membres de votre équipe que ceux-ci s’intéresseront à vous.

Afin de vous mettre en valeur et d’étendre votre réseau au sein de l’organisation, il encourage également les initiatives suivantes : contribuer à l’organisation d’événements d’affaires, se joindre à des comités ou encore participer à divers groupes de travail.

Faire valoir son expertise

Une autre approche pour bâtir votre leadership est d’acquérir une expertise dans votre domaine professionnel. Pour Patricia Hewlin, l’employé subalterne qui aurait pris le temps d’analyser son secteur d’activité ainsi que la façon dont les compétiteurs se démarquent les uns des autres pourra fournir un apport considérable à son équipe.

En assumant avec brio les responsabilités que l’on vous confie et en offrant des conseils avisés lors de vos rencontres, vous pourrez gagner en crédibilité et en influence. Cette expertise vous conférera un certain pouvoir qui vous permettra ultimement de contribuer à la prise de décision, alors que votre description de tâches ne vous invitait peut-être pas à le faire. L’établissement de relations de confiance reste capital lors de cette approche, sans quoi vos interventions risquent d’être remises en doute.

Ce type de leadership, c’est-à-dire fondé sur l’expertise, doit par ailleurs être reconsidéré à mesure que vous gravissez les échelons. En effet, les personnes en situation de pouvoir sont aujourd’hui appelées à privilégier la mise en valeur des compétences de leur équipe, plutôt que de mettre en avant les leurs. Ainsi, plus vous avancerez dans votre carrière, plus vous serez amené à assumer un leadership davantage axé sur la question que sur la réponse. Comme l’explique Jack Welch, anciennement président-directeur général du groupe américain General Electric, dans son livre à succès Winning : «Avant d’être un leader, le succès consiste à vous faire grandir. Lorsque vous devenez un leader, le succès consiste à faire grandir les autres.»

Des faux pas à éviter

Personne ne désire se faire brusquer par un individu qui prétend avoir toutes les réponses alors qu’il débute dans l’industrie. «S’imposer, ce n’est jamais la bonne stratégie», résume Eric Brunelle, qui soutient aussi que «l’empathie, c’est probablement la meilleure clé». Reconnaître d’abord l’expérience et l’expertise de vos collègues est donc primordial. Cette capacité à comprendre la réalité de l’autre vous permettra de poser les gestes appropriés pour construire votre leadership.

La culture de l’entreprise influe également sur la démarche à suivre. «Parfois, les gens entrent dans une nouvelle organisation avec une vague idée quant à la manière dont ils souhaitent se faire connaître et faire valoir leur expertise. Toutefois, il est important de prendre du recul et de voir comment les réunions se déroulent, comment les gens y participent, comment les relations se développent», explique Patricia Hewlin. En tenant compte de ces considérations, cela vous permettra d’éviter de mettre un collègue ou un supérieur à dos au tout début de votre embauche.

Les organisations ont un rôle à jouer

Bien que le leadership résulte avant tout d’initiatives personnelles, les experts s’entendent généralement sur le fait que les organisations peuvent mettre en place des mécanismes qui vont contribuer à ce que leurs employés posent les gestes appropriés.

Pour inciter la relève à adhérer aux bonnes pratiques de l’organisation, vous devez d’abord déterminer quelles sont les valeurs qui animent votre entreprise et intégrer celles-ci dans les activités quotidiennes. Selon Eric Brunelle, ce sont ces valeurs qui assurent une cohérence entre la vision que les futurs leaders voudront privilégier et l’orientation que souhaitera prendre .

Patricia Hewlin soutient par ailleurs que les entreprises doivent chercher à équilibrer une culture commune d’une part et, d’autre part, une ouverture aux différences et à l’identité personnelle. «Créer un environnement qui accueille les individus avec des perspectives divergentes, tout en leur permettant de contribuer à l’organisation, est nécessaire pour promouvoir la prise de leadership», conclut-elle.