Longtemps on a cru que la Terre était plate. D’ailleurs, l’Amérique aurait peut-être été « découverte » avant si les marins n’avaient pas craint d’atteindre les limites de l’océan… et de tomber dans le vide. Tant et aussi longtemps que les entrepreneurs croiront que la performance sociétale nuit à la performance financière, notre évolution sera à nouveau freinée et à nouveau pour de mauvaises raisons.

Heureusement, de plus en plus d’études démontrent que non seulement la performance sociétale ne nuit pas à la performance économique et financière des entreprises, mais qu’au contraire, elle a souvent pour effet de les tirer vers le haut. Des études tout ce qu’il y a de plus sérieux, notamment celles de la Harvard Business School en 2013, de France Stratégie en 2016 et de trois professeurs qui ont cumulé les résultats de 251 études réalisées sur le sujet entre 1972 et 2007.

La performance sociétale passée au crible de 3 études

Harvard Business School : une étude sur 18 ans

En 2013, une équipe de la Harvard Business School, dirigée par le professeur Robert G. Eccles, publiait un Working Paper intitulé The Impact of Corporate Sustainability on Organizational Processes and Performance. L’analyse portait sur les liens entre le degré d’engagement en faveur du développement durable et les résultats économiques de 180 entreprises américaines, et ce, sur 18 ans.

La bonne nouvelle ? Les entreprises qui se sont engagées de façon précoce dans le développement durable se sont avérées plus profitables que leurs concurrentes. Un investissement de 1$ en 1993 générait en 2010 un revenu cumulé de 15,80$ comparativement à 9,30$ pour les autres. Par « engagement », nous entendons la mise en place et la publication d’indicateurs très concrets qui tiennent compte des intérêts des différentes parties prenantes : les clients, les fournisseurs, les employés. Un peu plus de la moitié d’entre elles (53%) ont même lié la rémunération de leurs dirigeants à des indicateurs d’impacts environnementaux ou de performance sociale. Une pratique d’autant plus audacieuse que nous parlons d’engagements qui remontent à 1993. C’était il y a 25 ans !

France Stratégie : 8500 entreprises analysées

En 2015, France Stratégie publiait une étude basée sur les pratiques de 8500 entreprises françaises de 10 salariés ou plus. Leur conclusion : les entreprises qui se préoccupent concrètement de la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) ont une performance économique en moyenne supérieure de 13% par rapport à celles qui ne s’en préoccupent pas.

L’écart le plus élevé est observé chez celles qui se préoccupent beaucoup de leurs ressources humaines (+20%), ce qui confirme que l’investissement sociétal attire, fidélise, motive et rend plus productifs les salariés. Autre observation : plus les pratiques sont « intégrées » plutôt qu’additionnées, plus la performance économique qui en découle est grande. Pour les auteurs, c’est la preuve que les entreprises ont clairement intérêt à investir dans la RSE.


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251 études passées au peigne fin

Dans un ouvrage intitulé Does-it pay to be good… and does-it matter? A meta-analysis of the relationship between corporate social performance and financial performance, trois professeurs épluchent 251 études portant sur les liens entre la CSP (Corporate Social Performance) et la CFP (Corporate Financial Performance). Des études réalisées entre 1972 et 2007.

Leurs conclusions ne sont pas spectaculaires : poser des gestes concrets en matière de performance sociétale n’augmenterait pas de façon significative sa performance économique. Là où c’est intéressant, c’est que la masse d’information analysée permet de dire que non, la Terre n’est pas plate, les entreprises ne tombent pas dans le vide au bout de leurs investissements responsables. Leurs actionnaires n’ont donc pas à s’inquiéter des décisions prises par leurs dirigeants en faveur de la Société.

De bonnes nouvelles pour les entreprises progressites

Les ambassadeurs et promoteurs du concept d’entreprise progressiste ne peuvent que se réjouir des conclusions de ces études. Rappelons que l’une des caractéristiques de ce concept est l’application de stratégies qui intègrent l’économique et le sociétal. Comme l’écrit l’un de ses plus grands défenseurs, André Coupet, il s’agit pour l’entreprise « d’intégrer la RSE dans la Stratégie, et donc de passer d’une RSE palliative à une RSE stratégique en transformant les menaces en provenance de l'environnement de l'entreprise en opportunités d'affaires et en dégageant de nouveaux avantages concurrentiels. »1


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Plus les indicateurs seront au vert sur les tableaux de bord des entreprises qui adoptent les meilleures pratiques sociétales, plus il sera « gênant » pour les entreprises traditionnelles de ne pas changer de paradigme.

S’il reste beaucoup de chemin à faire, de telles études contribuent assurément à ce que les manières de penser et de faire… progressent.

Article écrit avec la complicité d'André Coupet

1 André Coupet, VERS UNE ENTREPRISE PROGRESSISTE - Porteuse de performance économique ET sociétale, 2015, www.entrepriseprogressiste.com