Quelle entreprise ne rêve pas de s'établir rapidement dans la ville où elle a jeté son dévolu pour lancer ses activités commerciales ? Quelle firme refuserait de traiter la paperasse en quelques jours, voire en quelques heures, plutôt qu'en plusieurs semaines ou en plusieurs mois? Portées par de multiples avancées technologiques, des villes dites numériques deviennent non seulement plus attrayantes aux yeux des investisseurs, mais aussi plus efficientes d'un point de vue financier. Portrait d'un nouvel environnement d'affaires innovateur à nos portes.

Dans le contexte de la révolution numérique entamée depuis plusieurs années, les entreprises capables de faire l’économie d’une lourde paperasse et de délais interminables grâce à l’infrastructure technologique de certaines municipalités auront une longueur d’avance sur les autres. Elles opteront sans hésiter pour les endroits où le climat d’affaires est propice aux échanges.

De leur côté, les villes tirent avantage des nouvelles technologies qui peuvent décupler leurs performances concurrentielles. Ces progrès techniques leur permettent notamment d’attirer plus de commerces, plus d’investissements et un plus grand nombre d’individus hautement qualifiés.

Les villes numériquement structurées parviennent de surcroît à diminuer les coûts de livraison de leurs services et le nombre d’erreurs dans les transactions qui en découlent. Résultat : les dépenses administratives sont réduites. Les économies d’échelle sont telles que les municipalités peuvent désormais espérer améliorer leur santé financière, au grand plaisir des entreprises qui y œuvrent et des personnes qui y vivent.

De nouveaux services ?

Les villes pourraient-elles bientôt facturer de nouveaux services, créant ainsi de nouvelles sources de revenus ? Plusieurs observateurs estiment que oui. Aux États-Unis, l’administration municipale de New York a misé sur la vente en ligne de produits promotionnels pour remplir ses coffres. Pari réussi : elle est parvenue à se passer des vendeurs intermédiaires pour offrir directement ses marchandises aux consommateurs. Salubrité des restaurants, transport collectif, services de santé : de nouvelles avenues risquent de s’ajouter au cours des prochaines années au sein des municipalités. Déjà, la chasse aux nouveaux revenus et aux nouvelles idées est ouverte.

Toutefois, un défi subsiste. Les données ouvertes mises à la disposition des citoyens sont souvent massives et non structurées : elles ne sont pas exploitables dans leur état actuel. D’où l’importance de les trier et de les hiérarchiser, de s’efforcer de les comprendre en faisant appel à des experts qui sauront en saisir toute la richesse. Si les hackathons parviennent souvent à en tirer profit en créant des utilisations innovantes et dignes d’intérêt, l’immense défi consiste cependant à inscrire ces applications dans la durée. En effet, deux ou trois jours après les hackathons (souvent très médiatisés), les bonnes idées meurent puisque personne ne reprend le flambeau, faute de moyens financiers.

Singapour, l’avant-gardiste

À cet égard, Singapour maîtrise les données ouvertes comme on le fait à peu d’endroits dans le monde. Non seulement le site Internet de cette ville-État d’Asie du Sud-Est est facile d’accès et ludique, mais l’internaute peut aussi y consulter rapidement de nombreux graphiques dès la page d’accueil, en plus de pouvoir trouver l’information désirée grâce à un moteur de recherche simple et efficace. Immobilier, transports, éducation, emploi : Singapour se présente sous toutes ses facettes et sans pudeur. Combien d’heures les habitants de la cité-État consacrent-ils au travail hebdomadairement ? Combien déboursent-ils pour leurs soins de santé ? Qui possède quelle marque d’automobile, selon l’âge et le sexe des propriétaires ? Quels sont les montants moyens des prêts bancaires accordés aux citoyens ? Les exemples ne manquent pas. Les données gouvernementales, comme celles relatives au budget, sont également étayées et décortiquées au grand jour sur cette plateforme invitante et dynamique.

Montréal et Lyon, bien positionnées

Montréal a pour sa part remporté plusieurs prix à l’international pour son engagement à privilégier les données ouvertes. Le « Portail données ouvertes Montréal » démontre une volonté concrète de la métropole québécoise d’aller de l’avant. La Ville s’est aussi dotée d’une véritable politique en matière de données ouvertes. « Montréal aspire à devenir un chef de file mondialement reconnu parmi les villes intelligentes et numériques », affirme le maire actuel de Montréal, Denis Coderre. Nul doute qu’il s’agit d’un « important levier en matière de transparence et un vecteur de développement économique ». « La stratégie de Montréal, ville intelligente et numérique, vise également à développer, en cocréation avec la communauté, des solutions aux enjeux urbains », résume-t-il dans le document cité plus haut.

Lyon s’est aussi dotée d’un site web dont la mission consiste « à répondre aux enjeux de la métropole intelligente. En donnant un large accès aux données publiques, cette démarche participe au dynamisme du territoire en favorisant la création de services et la participation citoyenne ». La ville admet cependant que ce « sujet novateur […] suscite de nombreuses incertitudes » tout en soulignant qu’il est « crucial que plusieurs approches [en matière de données ouvertes] coexistent ».

L’internet des objets : pour la suite du monde

L’Internet des objets et l’intelligence artificielle risquent de bouleverser nos façons de faire. Le citoyen laisse aujourd’hui une quantité phénoménale de données partout où il passe : bâtiments, routes et panneaux, pour ne nommer que ces éléments, recueillent en temps réel des quantités massives de données grâce à une multitude de senseurs. Une fois extraites et analysées, ces données peuvent en dire beaucoup sur les habitudes des citoyens. Malgré de nombreux défis à l’horizon en matière de sécurité, l’adoption, l’utilisation et l’effet des technologies de l’information dans les organisations publiques et privées ont encore bien des secrets en réserve. Gageons que celles-ci n’ont pas dit leur dernier mot.

Cinq types d’utilisations des technologies de l’information dans les villes numériques

  1. INFORMATIONNELLE
    Information des citoyens (exemples : contenu des programmes de loisirs, conditions de dépôt des soumissions)
  2. TRANSACTIONNELLE
    Paiement de services en ligne (taxes, contraventions)
  3. RELATIONNELLE
    Communication et échanges avec les citoyens (courriels, forums, médias sociaux)
  4. ÉMERGENTE
    Nouvelles formes d’utilisation des technologies, rendues possibles après la numérisation des villes (nouveaux revenus, environnement sans papier, conseils municipaux virtuels)
  5. INTÉGRATIONNELLE
    Partage de données et de services (avec différents paliers de gouvernement ou avec d’autres villes)

Article écrit en collaboration avec Francis Halin, journaliste