Article publié dans l'édition printemps 2017 de Gestion

Le succès d’un transfert dépend toujours non seulement de la qualité des comportements et du degré de compétence des parties en présence mais aussi de l’adoption d’un plan de formation de la relève et d’un plan stratégique.

Un transfert réussi se fonde essentiellement sur une approche de collaboration entre les gens impliqués. Leur façon de se comporter les uns envers les autres et les compétences de chacun dicteront le degré de réussite et le temps requis pour réussir un transfert. En effet, le cédant sera rassuré quant à son avenir et la relève sera enthousiaste et plus confiante de pouvoir assurer la pérennité de l’entreprise. Une attitude de collaboration parents-enfants se traduira par une relation teintée de conseils, de travail acharné et d’encouragement.


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Le comportement

On a souvent tendance à croire que la notion de comportement est un principe qui va de soi. Or, c’est tout le contraire. La manière dont un propriétaire d’entreprise se comporte et réagit influence grandement l’ensemble de l’organisation en tout temps, surtout lors du transfert familial. Il s’agit d’une condition essentielle au succès lors de l’apprentissage des jeunes en vue d’occuper la présidence de l’entreprise.

De façon concrète, un comportement teinté de patience est de mise au cours de cette période. C’est d’abord le fondateur qui doit mettre de l’eau dans son vin et passer en mode écoute-conseil. Il doit toujours faire attention à la teneur de ses remarques lors des discussions avec les anciens de l’entreprise et ne pas s’attarder à des remarques négatives de la part de certains employés en ce qui concerne les changements à venir, car, oui, il y aura du changement, et ce, pour le mieux. La sincérité, l’enthousiasme d’apprendre et la façon de réagir lors de divergences d’opinion sont des gages de succès pour la relève. Il ne faut jamais oublier que la meilleure recette pour renforcer le comportement d’une personne est le travail d’équipe.

Les jeunes n’ont pas à mentionner qu’ils deviendront les dirigeants de l’organisation, car dans une entreprise familiale, tout le monde le sait depuis longtemps. Ils doivent donc foncer avec leur style et leur personnalité propres en gardant toujours en tête l’immense chance qu’ils ont de faire partie de la famille propriétaire.

La compétence

Il est important d’apprendre les rouages des compétences requises qui mènent à la direction d’une entreprise familiale : les jeunes de la relève passent ainsi d’un rêve familial à la réalité de la continuité de l’entreprise. Ils doivent apprendre et comprendre l’ensemble des caractéristiques de l’entreprise. S’ils ne savent pas lire des états financiers, par exemple, ils auront du mal à accéder à la présidence de l’entreprise. S’ils sont incapables de concevoir et de mettre en œuvre un plan stratégique, ils doivent envisager d’occuper d’autres fonctions que la direction de l’entreprise. S’ils ne comprennent pas l’importance du marketing et du service des ventes au sein de l’entreprise, la direction n’est pas encore pour eux.

Les deux premières actions concrètes à entreprendre lors de l’année du transfert doivent être la mise en œuvre d’un plan stratégique et l’adoption d’un plan d’évaluation et de formation des ressources humaines.

L’élaboration de ces deux plans prendra quelques mois, mais ils dicteront la façon d’agir et de faire des affaires de la part de la relève pendant de nombreuses années. Tout ce travail sera planifié et réalisé par la relève, aidée par des consultants si nécessaire et, bien sûr, appuyée par le propriétaire. Au cours de cette année charnière, le principe de collaboration entre toutes les parties impliquées (relève, propriétaire cédant, personnel, consultants, avocats, comptables, psychologues industriels, etc.) aura une importance primordiale.

Le plan de formation

Un plan de formation constitue la première étape de tout processus de transformation ou de transfert d’une entreprise.

La relève doit être au fait des forces et des faiblesses du personnel qui l’entoure. Lors de cette étape clé, elle doit faire connaître la nouvelle mission et la vision qu’elle souhaite instaurer dans l’entreprise afin que le personnel les vive de façon positive.

En premier lieu, la relève doit procéder à une évaluation sommaire de tous les employés en fonction de trois critères : le comportement, la compétence et le sens du leadership. On évalue ainsi chaque personne selon chaque critère. Pour la relève, le principe consiste à chiffrer ses impressions globales : cela lui donne l’occasion de consacrer du temps à chaque employé de l’organisation et de mieux le connaître. On demande aux autres dirigeants de faire le même exercice, puis on compare les résultats. Il s’agit d’un processus au cours duquel on peut avoir bien des surprises !

Dans un deuxième temps, on recommande d’offrir diverses séances de formation afin de renforcer les aptitudes des personnes par rapport aux trois critères d’évaluation retenus. Par exemple, une formation sur le travail d’équipe augmentera le savoir-être, la connaissance des fonctions de l’entreprise améliorera les compétences, etc.

Le plan stratégique

Une fois qu’on a réalisé le travail de réflexion en ce qui concerne les ressources humaines, on passe au plan stratégique. Ici, c’est vraiment le coup de départ vers la compréhension totale de l’entreprise.

C’est le repreneur qui doit diriger l’élaboration du plan stratégique avec l’aide d’un consultant. Les propriétaires ne sont pas présents lors de ces sessions de travail mais sont bien sûr tenus au courant du processus. C’est là une occasion unique pour la relève de prendre possession de l’entreprise et de son avenir.

C’est à cette occasion que le futur président travaillera seul avec l’équipe de direction pour la première fois. Il pourra donc approfondir son opinion sur ses plus proches collaborateurs. C’est ici que la relève doit se démarquer en posant les jalons de sa démarche future, car un transfert d’entreprise signifie souvent un changement d’orientation, d’objectifs et de stratégie.

Le plan stratégique déterminera la façon de faire des affaires sous le règne de la relève : l’élaboration de ce plan représente une occasion d’apprentissage intensif de tous les segments de l’entreprise. Si, bien souvent, la mission de l’entreprise demeure à peu près la même lors des premières années suivant un transfert, c’est au chapitre de la vision qu’on verra la signature distinctive des repreneurs. En ce qui concerne les valeurs, il s’agira pour les nouveaux dirigeants de perpétuer et de valoriser les caractéristiques de l’entreprise familiale. Les familles en affaires sont souvent des modèles au chapitre des valeurs.

Lors de l’analyse des possibilités et des risques reliés au marché ainsi qu’aux forces et faiblesses des concurrents, c’est là une occasion unique pour la relève de s’immerger totalement dans le noyau dur du commerce. Quoi de mieux, pour des jeunes, que de prendre le temps d’accompagner des représentants pour visiter des clients actuels ou potentiels ainsi que des clients insatisfaits des services de l’entreprise ? Jumelées à l’analyse des marchés et de la clientèle, ces visites renforceront leurs aptitudes à élaborer la stratégie et les tactiques ayant trait à la clientèle.


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Le volet financier

Un plan stratégique comporte toujours un volet financier majeur avec lequel la relève doit être parfaitement à l’aise. Si ce volet constitue une zone d’inconfort, cette question doit être réglée le plus vite possible. Ici, il ne s’agit pas de devenir un expert en finance mais d’être en mesure d’analyser des états financiers sans dépendre totalement des autres. Être à l’aise avec les données financières représente un atout indéniable lors d’une présentation de l’entreprise auprès de banquiers ou, tout simplement, lors du renouvellement des ententes bancaires. D’un point de vue stratégique, la fixation d’objectifs financiers permettra de confirmer la puissance de l’organisation pour atteindre les rendements visés. Les objectifs établis par la relève doivent être réalistes et honnêtes.

Enfin, lors de la mise en œuvre du plan stratégique, on doit favoriser la création de tableaux de bord (finances, exploitation et ressources humaines). Ces indicateurs permettent de résoudre les situations difficiles et de se remettre sur le chemin défini lors de l’élaboration du plan stratégique.

Une fois le plan stratégique accepté, la relève doit prendre le temps de rencontrer tous les employés, par petits groupes, afin d’expliquer ses projets. La formation d’un comité consultatif ou d’un conseil d’administration représente un outil puissant pour la relève avant, pendant et après le transfert.

Les derniers moments du transfert peuvent être plus difficiles pour le propriétaire. Il peut exister un sentiment de frustration ou de jalousie par rapport aux succès de la relève et à la bonne entente au sein de l’entreprise en ce qui a trait à cette nouvelle dynamique. Cependant, n’est-il pas normal de comprendre et d’accepter que les enfants puissent faire aussi bien, sinon mieux, que leurs parents ? Bien souvent, l’élève dépasse le maître.