Empathie (n.f.) : faculté intuitive de se mettre à la place d'autrui, de percevoir de qu'il ressent - définition tirée du dictionnaire Larousse.

Être empathique, comprendre ce qui se passe dans la tête et le coeur de son interlocuteur, sentir conjointement la douleur et le désarroi de son vis-à-vis : tout cela constitue sans conteste un puissant atout dans l'arsenal du bon gestionnaire. Et à ce compte-là, nous serions sans doute les premiers à voter pour plus d'empathie dans nos entreprises et dans nos organisations! Mais, comme la Nature a horreur des extrêmes, on peut se demander si trop d'empathie ne serait pas contre-productif à la longue. Car, s'il faut en croire Adam Waytz, dans son papier « The Dark Side of Empathy » publié dans la Harvard Business Review, il arrive un moment où l'expression de l'empathie suit la loi des rendements décroissants et ne rapporte pas davantage. Pire encore, un excès d'empathie peut entraîner des conséquences néfastes pour la personne qui la manifeste et pour l'organisation elle-même.


LIRE AUSSI : L'écoute, l'alliée silencieuse


Les effets retors de l'empathie

D'abord, nous dit Adam Waytz, un excès d'empathie peut mener, sur le long terme, à une forme de désensibilisation (compassion fatigue) qui se traduira éventuellement par une incapacité à justement faire preuve d'empathie. Il s'agit là d'un phénomène bien documenté dans la littérature scientifique, et qui se manifeste notamment chez les personnes œuvrant dans les secteurs de la santé, de l'éducation ou de la philanthropie, par exemple. Les chercheurs s'étant intéressés à la chose ont par ailleurs identifié des cas d'empathie excessive, qui se traduit par la tendance à substituer ses besoins à ceux des autres. La présence de ces excès pourra éventuellement mener les personnes qui les manifestent à commettre des erreurs involontaires, à s'absenter du travail ou même à quitter leur emploi.

Par ailleurs, l'empathie n'est pas une ressource illimitée. De fait, l'empathie, suivant en cela le principe des vases communicants, tend à se répartir également d'un contexte à un autre. Une étude1 a révélé que les employés qui prenaient davantage le temps d'écouter les problèmes et les inquiétudes de leurs collègues, ou qui donnaient un coup de pouce lors d'une surcharge de travail, avaient plus de difficultés à maintenir un équilibre entre la vie professionnelle et la vie familiale.

Finalement, l'empathie peut également mener à une altération partielle, voire même à une perte totale, du sens éthique. Le rapprochement émotif et l'identification de la personne empathique avec son vis-à-vis peuvent mener la première à passer sous silence certains faits, certaines actions répréhensibles. Adam Waytz signale au passage que la majorité des scandales d'ampleur survenus au sein d'entreprises d'importance au cours des deux dernières décennies ont été souvent été révélés par des personnes qui ne gravitaient pas autour des coupables, et qui n'avaient pas d'attaches avec ces derniers. Ceci démontre cela...

Tout est question de mesure et d'équilibre

La ligne est évidemment difficile à tracer entre l'empathie bien tempérée et l'empathie excessive. Chacun, en toute connaissance de sa personnalité et de ses capacités, a une idée plus ou moins précise de l'endroit où doit être définie cette limite. À cet égard, la lucidité, le sens moral et la recherche du bien pour soi-même ou pour l'autre sont de précieux guides qui peuvent nous aider, tant dans la sphère professionnelle que la sphère personnelle, à établir correctement les limites de notre empathie. Car lorsque l'empathie entraîne, comme dans les cas mentionnés à la section précédente, des conséquences néfastes pour sa propre personne, pour les membres de son entourage ou pour l'organisation, peut-être est-il temps de penser davantage à soi-même.

1Halbesleben, J. R., Harvey, J., & Bolino, M. C. (2009). « Too engaged? A conservation of resources view of the relationship between work engagement and work interference with family ». Journal of Applied Psychology, 94(6), pp. 1452-1465.