Vous en arrivez à la conclusion que l'équité, la diversité et l'inclusion (EDI) sont une priorité pour votre entreprise. Vous réalisez également qu'il s'agit d'une tâche demandant une expertise de pointe, et tout comme vous confiez vos finances à un comptable, vous laissez le soin de ce grand thème à une personne experte : un professionnel de l'EDI. Excellente idée! Attention, toutefois, de ne pas commettre les mêmes erreurs que les autres entreprises...

Le nombre d'entreprises canadiennes qui ont mis en œuvre une politique en équité, diversité et inclusion a augmenté ces dernières années, selon un sondage de The Harris Poll datant de juin 2022. Jusqu’à 40 % des entreprises canadiennes mentionnent qu’elles ont une politique EDI, contre 35 % au second semestre 2020, et près d’une entreprise sur cinq (17 %) envisage d’instaurer une telle politique. Parmi celles qui prévoient le faire, 9 % disent vouloir en implanter une d'ici la fin de l'année. Fait à noter : les grandes entreprises (58 %) sont deux fois plus susceptibles que les petites entreprises (26 %) d'appliquer une politique EDI. C’est pourquoi la demande pour des professionnels de cette approche ne fera que croître dans l’avenir.

Or, c’est précisément là que le bât blesse. Bien que le nombre de professionnels de l'EDI ait doublé aux États-Unis entre 2015 et 2020, leur taux de roulement dans les organisations est très élevé; on parle d'une moyenne de trois années en poste. Comment expliquer pareil phénomène? Un article du Wall Street Journal évoquait les trois raisons principales pour lesquelles ces personnes finissent par quitter leur poste :

  1. des attentes irréalistes;
  2. des justifications constantes;
  3. le manque de ressources, de soutien et d'orientation.

Analysons-les ici une par une.

Des attentes irréalistes

Espérer qu'une seule personne, au sein d'un effectif constitué de plusieurs centaines d’entre elles, soit capable de changer les mentalités et de mettre en place des pratiques qui n'ont jamais été vues auparavant, sur un sujet aussi délicat, est disons plutôt… optimiste, pour ne pas dire voué à l'échec!

Pour comprendre pourquoi les changements de poste sont à ce point fréquents du côté des responsables principaux de la diversité (ou chief diversity officers [CDO] en anglais), il faut savoir que, dans la plupart des organisations, l'équité, la diversité et l'inclusion ne sont pas considérées comme des fonctions commerciales essentielles. C'est donc rarement un poste qui dépend de la haute direction. Pourtant, cela n'empêche pas les organisations de fixer des objectifs très audacieux – par exemple doubler le nombre de femmes embauchées dans une industrie traditionnellement masculine – sans collaboration particulière avec les autres départements de l'entreprise.

L'équité, la diversité et l'inclusion doivent être vues comme une force d'affaires au sein des organisations. Par conséquent, la personne responsable de l’EDI doit dépendre de la direction et être intimement liée aux décisions d'affaires. Cela permet également de s'assurer que la personne qui est principalement responsable de la diversité ne sera pas cloisonnée dans les questions de conformité, de recrutement ou d'image de marque, en relevant du service juridique, des ressources humaines ou des communications, par exemple.

Des justifications constantes

Certes, mesurer l'équité, la diversité et l'inclusion se veut une tâche hardue, comme on a pu le voir dans une chronique précédente. C'est souvent intangible; on parle de sentiment d'inclusion, de perception de la justice, d'égalité des chances, d'appartenance... Bien que ces notions soient – et cela est documenté – intimement liées à l'engagement du personnel et à ses contributions professionnelles, il n’existe pas de moyens faciles d’établir un lien direct de cause à effet. Pourtant, c’est souvent ce que les directions d’entreprise demandent : prouver par 1 + 2 le succès d’un investissement en EDI. Cela révèle souvent un manque de compréhension, de la part de la direction, de ce que sont l’EDI et ses avantages pour l’organisation. La justification d’une telle démarche retombera donc très probablement sur les épaules du responsable principal de la diversité. Pour éviter qu’une telle chose se produise, il est primordial d’établir des mesures de succès claires et atteignables, cocréées par cette personne et la direction.

Au sein d’une organisation, certains postes relèvent directement de la direction, et cela semble évident : le service du contentieux, la comptabilité, l’équipe responsable de l'innovation de produits, etc. Or, l'EDI, pas toujours… et même rarement, selon nos observations. Il est donc important que les autres chefs de département apportent le plus grand soutien possible en s'exprimant sur l'engagement de l'organisation en matière d'équité, de diversité et d’inclusion et sur son importance. Lorsque d'autres dirigeants s'expriment, cela soutient et valorise le travail effectué dans ce domaine.

Le manque de ressources, de soutien et d'orientation

Les programmes d'EDI ont besoin d'un financement adéquat, avec un budget réfléchi, pour être inscrits dans la pérennité, ce qui n'est malheureusement pas toujours le cas. De telles initiatives sont souvent rattachées aux ressources humaines, et plus encore au recrutement – en font foi les nombreux affichages de postes dont l'intitulé est «responsable recrutement, diversité et inclusion» –, ce qui constitue un problème pour plusieurs raisons, dont le fait, notamment, ne pas avoir de budget qui y soit consacré. À l’évidence, les responsables principaux de la diversité sont des agents de changement, mais celui-ci ne se produit pas dans le vide : il faut un budget pour obtenir des résultats.

Selon le Harvard Business Review, pour remédier à de telles lacunes, les organisations doivent donner aux responsables principaux de la diversité les moyens d’induire des changements à long terme en investissant du temps et des ressources. En outre, la direction doit être tenue responsable de l'alignement de l'EDI avec les stratégies commerciales globales.

Si vous n’êtes pas encore convaincu de l’importance de mettre toutes les chances de votre côté en vous assurant que votre responsable principal de la diversité reste avec vous, demandez-vous combien cela coûterait à l'entreprise de voir cette personne partir. À cet effet, je vous laisse avec les bons mots d'Aarti Shyamsunder, responsable internationale de la diversité, de l'équité et de l'inclusion à YSC Consulting (appartenant à Accenture) : «Il ne s'agit pas du coût de remplacement d'une embauche; il s'agit du message qu'il envoie, de la perte de réputation, de la suspicion ou de la peur qu'il peut susciter, en particulier dans l'esprit des membres des groupes marginalisés. Avec tous ces coûts intangibles, il est impossible de mettre un montant dessus.»