La coopérative de distribution française connaît un véritable succès sociétal et économique.

De ce côté-ci de l'Atlantique, le nom de famille Leclerc n'évoque pas grand-chose. Mais en France et hors de l'Hexagone, cette entreprise, portée par l'esprit coopératif, résonne fort dans le domaine de la distribution et dans la vie quotidienne de millions de Français, à côté de géants tels Carrefour ou Auchan.

Leclerc, école de commerce, école de vie!

Leclerc - données

De passage au Sommet international des coopératives 2016, qui se déroule actuellement dans la Capitale Nationale, Michel-Édouard Leclerc, le fils du fondateur Édouard Leclerc et de son épouse Hélène, est venu entretenir l'auditoire sur l'origine du groupe dont il a aujourd'hui la charge depuis maintenant une décennie, et sur les valeurs propres au groupe. Fondée en 1949 dans la petite commune de Landerneau, pas très loin de Brest, Leclerc est le fait d'une révolte, celui du patriarche Édouard, témoin du marché noir qui prévalait en ces temps difficiles de l'après-guerre : « Il voulait regrouper des commerçants, des distributeurs, qui allaient souscrire à une sorte de promesse sociétale visant à défendre le consommateur par l'entremise de la fonction commerciale », se remémore le fils Leclerc. Cette idée presque folle aura donné lieu à une véritable petite révolution dans la conception séculaire que l'on se faisait du commerce : « Mon père a créé en France le concept de distribution, nous a-t-il appris. Avant, lui, on était commerçant. Aujourd'hui, en France, on est distributeur. Le commerce, c'était "acheter le moins cher possible pour revendre le plus cher possible". La distribution, c'était "acheter le moins cher possible pour revendre le moins cher possible" », précise le dirigeant.

Bien au-delà de la révolte, de l'entreprise et du modèle d'affaires qui en découlera, E. Leclerc a aussi été, pour nombre de Françaises et de Français désireux de poursuivre leur rêve entrepreneurial, l'une des meilleures écoles qui soit. « Si je plaide aujourd'hui pour la coopérative, c'est d'abord parce que le modèle coopératif a vraiment permis à des gens sans moyens, vraiment sans moyens, de créer des magasins dignes de leur meilleurs rivaux capitalistes », énonce non sans fierté le chef d'entreprise. Et, bon joueur, Michel-Édouard Leclerc signale aussi au passage que des compétiteurs d'aujourd'hui, telles les chaînes Intermarché ou Système U, sont issus du mouvement E. Leclerc. « Le mouvement Leclerc a été ce creuset, cette école, au sein de laquelle de nombreux salariés passés dans la distribution ont pu devenir chefs d'entreprise et créer ce réseau. »

Le succès selon Michel-Édouard Leclerc

Avec le recul, le dirigeant est en mesure de mettre le doigt sur ce qui a fait, depuis la création du groupe au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le succès de cette coopérative sans pareil. De fait, si le terme « coopération » peut sembler parfois très éloigné de la logique, du raisonnement et des valeurs de rentabilité et de profitabilité inhérentes au capitalisme, Leclerc a su concilier, en quelque sorte, le meilleur des deux mondes dans le domaine de la grande distribution : « Cette coopérative a su construire une offre et une promesse commerciale en adéquation avec la demande des consommateurs. [...] La force du modèle Leclerc, c'est de s'être appuyé sur une vision, un projet, des valeurs, sur une organisation qui permettait l'exercice de ces valeurs. Mais d'abord, insiste-t-il, sur l'efficacité réelle de l'application de ces valeurs. » C'est là un constat qui, enchaîne le dirigeant, ne peut malheureusement pas s'appliquer à toutes les coopératives, dans la mesure où, historiquement, certaines de ces dernières offraient des produits et des services à des prix bien supérieurs à ceux de leurs concurrents, donc au détriment des intérêts économiques de leurs membres.

Et c'est sans doute là le plus grand défi des coopératives actuelles, a dit en substance Michel-Édouard Leclerc. À l'heure d'Internet, le modèle coopératif moderne doit s'interroger et s’interpeller sur sa capacité à conjuguer ses valeurs avec les impératifs d'efficacité et d'exigence. Les coopératives sauront-elle adéquatement relever ce défi, en cette ère d'individualisme effréné et d'infidélité chronique du consommateur?