Ancré dans le courant de la psychologie positive – soit l’étude scientifique du fonctionnement humain optimal–, l'optimalisme se présente comme une approche équilibrée de la vie qui nous encourage à reconnaître et accepter les expériences humaines tout en cultivant la résilience et la gratitude.

Ce concept a été proposé par Tal Ben-Shahar, chercheur, auteur et enseignant israélo-américain dans le domaine de la psychologie et du leadership, dans son livre L’apprentissage de l'imperfection1.

L’optimalisme représente une alternative positive, adaptative et saine au perfectionnisme. Ces deux pôles forment un spectre vers lequel nous sommes susceptibles de tendre selon le contexte et notre personnalité. À cet effet, il apparaît particulièrement bénéfique de cultiver une conscience de nous-mêmes pour bien distinguer nos tendances perfectionnistes de celles qui sont réellement optimalistes.

Voici une exploration des quatre principes clés pour tendre vers une posture optimaliste, selon Ben-Shahar. 

1 - Repenser notre relation à l’échec

Le seul sort que les perfectionnistes sont disposés à accepter totalement est celui qui ne comporte pas de trace d’échec, quitte pour eux à ajuster leur perception de la réalité en conséquence. Ils fuient donc les activités qui présentent un risque d’échec, et s’ils devaient (inévitablement) se retrouver face à un résultat imparfait, cela ne ferait qu’amplifier et confirmer leur peur de l’insuccès.

Bien que les optimalistes n’aiment pas non plus échouer, ils restent conscients que les difficultés et les écueils sont inéluctables. Mieux vaut les reconnaître, les accueillir et, le cas échéant, en tirer des conclusions, le tout de manière franche. Cette attitude offre un potentiel d’apprentissage et de résilience.

Ben-Shahar soutient notamment qu’il est nécessaire de porter attention au parcours (processus) autant qu’à l’objectif (résultat), et d’y accorder de la valeur. D’ailleurs, le parcours n’est pas une ligne droite prévisible; il prend plutôt la forme d’une spirale ascendante qui se révèle sinueuse. En faisant preuve d’indulgence, d’ouverture et d’adaptation, et en nous ouvrant à la complexité inhérente de la vie, nous pouvons nous lancer pleinement dans de nouvelles quêtes à la fois riches et imprévisibles. 

2 - Reconnaître et accueillir nos émotions

Les perfectionnistes «aspirent généralement à vivre une succession ininterrompue de sentiments positifs»2, alors que les optimalistes perçoivent la vie comme étant fluide, changeante et dynamique. Les émotions, qu’elles soient agréables ou non, font partie intégrante de cette expérience qui consiste à être en vie. Ben-Shahar souligne d’ailleurs que vivre des émotions désagréables est profondément humain… et que les seuls à s’en passer sont les psychopathes et les morts!

L’optimalisme nous appelle dès lors à accueillir pleinement et avec sincérité l’ensemble de nos émotions. Cela implique notamment de reconnaître qu’elles nous affectent et que nous ne nous sentirons peut-être pas mieux par la suite. «Pour être authentique, l’acceptation des réactions affectives ne doit être ni conditionnelle ni incidente. Si je ne m’autorise à être humain que pour parvenir à mes fins, par exemple pour augmenter mes chances de réussite, alors je m’engage dans la voie de |...| la pseudo-acceptation. Et ça ne fonctionne pas»3, indique l’auteur.

3 - Apprécier et célébrer les réussites

De manière paradoxale, les perfectionnistes ont tendance à éviter de vivre des succès en poursuivant des objectifs hors d’atteinte, ou encore en s’évaluant durement lorsqu’ils réussissent. Ainsi, ils n’en retirent que peu de gratification, voire pas du tout.

Adopter une posture optimaliste permet de définir des critères de réussite qui sont tout aussi ambitieux que réalistes. Cela rend également possibles une appréciation et une célébration de la réussite lorsqu’elle arrive. D'ailleurs, le verbe «apprécier» porte pour l’auteur deux significations complémentaires, soit «aimer quelque chose, en éprouver de la reconnaissance» et «accorder du prix à».

4 - Accepter la réalité

«Combien de pattes un chien a-t-il, si nous convenons que sa queue est une patte? Toujours quatre, et pas une de plus; appeler "patte" la queue d'un chien n'en fera pas une patte pour autant.» Cet aphorisme, attribué à Abraham Lincoln, illustre bien l’élément clé de la position optimaliste : manipuler la réalité pour qu’elle corresponde à notre vision du monde ne change pas l’essence des choses.

Alors que les perfectionnistes nient la réalité (en totalité ou en partie), les optimalistes s’engagent à l'accepter comme elle est, dans toute sa complexité qui, inévitablement, nous dépasse. Cela suppose de reconnaître et suspendre les croyances et les préjugés qui sont susceptibles d’altérer notre perception, et de tendre vers une vision plus large et englobante des choses. «Accepter la réalité» est, en quelque sorte, une démarche d’exploration et de clarification de nous-mêmes, une quête de clarification de notre authenticité.

Accueillir nos vulnérabilités et nos imperfections

Nous gagnons à laisser tomber notre recherche illusoire de contrôle et de perfection pour nous connecter à notre intention personnelle de servir le monde tout en reconnaissant et accueillant collectivement nos propres vulnérabilités et imperfections. À cet effet, les quatre principes de l’optimalisme gagnent à être cultivés à la fois pour nous-mêmes et au sein de nos équipes, pour contribuer à un monde du travail plus sain et plus humain.

En pratique 

Voici quelques questions qu’il est impératif de nous poser pour mettre en pratique les quatre principes optimalistes quand nos tendances perfectionnistes se manifestent.

Repenser notre relation à l’échec

- Quelles sont nos attentes quant au résultat à obtenir? En quoi celles-ci sont-elles réalistes et ambitieuses (ou tout simplement irréalistes)?

- Devant un résultat insatisfaisant, quels apprentissages pouvons-nous faire? S’il n’y a absolument rien à en retirer, comment cette expérience désagréable peut-elle contribuer à forger notre résilience?

Reconnaître et accueillir nos émotions

- Quelles émotions, agréables ou désagréables, se manifestent en nous?

- En les reconnaissant et en les accueillant, qu’est-ce que ces émotions peuvent nous dire sur ce que nous sommes en train de vivre?

Apprécier et célébrer les réussites

- De quelle manière les bons coups sont-ils célébrés dans notre équipe et de notre côté?

- Quels rituels, individuels et collectifs, pourrions-nous mettre en place pour formaliser des moments d’appréciation et de célébration des succès?

Accepter la réalité

- Quelle histoire sommes-nous en train de nous raconter? Quelles croyances, quelles valeurs et/ou quels préjugés sont susceptibles d’influencer notre lecture de la situation?

- En reconsidérant les informations et le cadre de notre histoire d’un œil différent, quelles autres interprétations serions-nous à même de faire de la même situation?

 


Notes

1 Ben-Shahar, Tal (2011). L’apprentissage de l’imperfection, Pocket, 320 p.

2 Ben-Shahar, Tal (2011). L’apprentissage de l’imperfection, Pocket, p.88.

3 Ben-Shahar, Tal (2011). L’apprentissage de l’imperfection, Pocket, p.93.