Article publié dans l'édition Automne 2018 de Gestion

Fabrice Brunet, PDG du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) et du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine (CHUSJ)

Fabrice Brunet, PDG du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) et du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine (CHUSJ)

Fabrice Brunet, PDG du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) et du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine (CHUSJ) depuis 2015, a érigé l’innovation au rang de priorité. Il explique les défis qu’il a dû relever et comment il est parvenu à les surmonter.

Que représente l’innovation, selon vous ?

F. B. : Notre mission consiste à améliorer la santé des mères et des enfants du Québec grâce à des services, à de l’enseignement et à de la recherche, puisque nous sommes un hôpital universitaire. L’innovation est donc au cœur de notre travail. Elle doit être une source d’amélioration continue ; elle doit créer de la valeur en matière de santé et contribuer à la richesse sociale et économique. La nouveauté qu’elle représente s’inscrit de diverses façons dans la prise en charge de la santé des personnes : la technologie, l’organisation du travail, les avancées dans la recherche, etc.

Quels défis y a-t-il à introduire de l’innovation dans le système de santé ?

Le premier défi est le facteur humain, c’est-à-dire la culture de l’organisation et la gestion du changement. Il faut d’abord voir si le personnel est ouvert à l’innovation. Le deuxième défi réside dans certaines barrières comme la réglementation et les limites du financement. La structure organisationnelle représente le troisième défi : lorsqu’elle est trop rigide, elle peut faire obstacle à l’innovation. Si l’entité comprend des directions, des services et des programmes en grand nombre, si tout le monde travaille en silo et si, pour avancer, il faut demander des autorisations à plusieurs niveaux administratifs, c’est un frein à l’innovation. Auparavant, à l’hôpital Sainte-Justine, il y avait des gens créatifs et ouverts à l’innovation, mais ils n’avaient pas la parole, et ça bloquait à tous les échelons de la hiérarchie.


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En sept ans, on a consacré 1,25 milliard de dollars à l’innovation au CHUSJ. Qu’avez-vous mis en œuvre pour réussir ?

L’hôpital Sainte-Justine, qui compte 6 000 employés, innove depuis sa création, en 1907 : ça fait partie de sa mission. Afin de repérer les personnes créatives et de leur donner les moyens d’innover de façon concrète et durable, je suis allé sur le terrain et j’ai écouté les gens. La structure organisationnelle a ensuite été revue : nous avons créé des équipes composées de personnes avec des profils variés. Pour former une bonne équipe, on a besoin de tous les profils, pas seulement de gens innovants.

J’ai aussi lancé des projets. Le premier a été la création de la salle de chirurgie cardiaque hybride. Ç’a été un déclic pour les équipes : le projet était dans les cartons depuis 11 ans, mais il n’avait jamais été concrétisé. Au fil des projets, je me suis rendu compte des facteurs structuraux bloquants. Pour les surmonter, nous avons littéralement aplati la structure administrative afin que les initiatives proviennent de la base. Mon rôle ne s’est donc pas limité à celui d’un supérieur hiérarchique : j’ai cherché à être un facilitateur afin d’insuffler un esprit de créativité, d’amélioration continue et d’innovation.

Comment réussissez-vous à surmonter le défi du financement ?

Nous sommes dans un environnement contraint par la réglementation et par les limites du financement. Si on veut qu’elle soit financée, l’innovation doit accroître la performance des soins et apporter une valeur ajoutée pour la population. Nous avons instauré un mode de gestion par processus (lire l’article « Vers une gestion transversale des soins et des services »). Ainsi, ce sont les gens sur le terrain qui défendent leurs projets afin d’obtenir le financement nécessaire. Ils doivent en évaluer les effets potentiels. Pour décrocher des ressources, les gens ont aussi compris qu’ils doivent travailler ensemble. Ils sont interdépendants.