Le processus de recrutement de travailleurs immigrants est différent des méthodes traditionnelles d’embauche de candidats d’origine canadienne. Nous devons diffuser nos affichages de postes dans des réseaux différents et faire des efforts supplémentaires pour comprendre l’expérience et les compétences des postulants. Nous devons ensuite nous assurer qu’une fois embauchés, les nouveaux employés soient bien intégrés. Voici comment nous recrutons afin de favoriser la diversité.

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Lorsque nous pourvoyons un poste, nous sommes particulièrement à l’écoute des candidats qui viennent en entrevue : nous devons comprendre leurs compétences et leurs aptitudes. Nous recrutons principalement des ingénieurs, des techniciens et des dessinateurs. Dans notre domaine, la main-d’œuvre est rare. Difficulté additionnelle : nous recherchons souvent des compétences très pointues, qui vont de l’expertise en fermentation du lait à une spécialisation en procédés de fabrication de la bière. Nous recevons donc rarement des cv qui correspondent exactement à nos besoins du moment. Se contenter d’afficher des offres d’emploi et d’attendre le coup de fil du candidat idéal, ce serait illusoire.

Les compétences connexes

Pascale Daher, gestionnaire des ressources humaines chez Laporte

Pascale Daher, gestionnaire des ressources humaines chez Laporte


En plus d’examiner l’expérience des candidats, nous évaluons systématiquement leur potentiel. Les compétences qu’ils ont acquises peuvent-elles être transférées ou être utiles à nos projets ? Un ingénieur avec une spécialisation en chimie ou en pétrochimie, par exemple, est peut-être incapable, pour le moment, de concevoir un nouveau procédé de fabrication de la bière. Toutefois, en analysant les connaissances, les compétences, la capacité d’adaptation, les intérêts et les passions d’un candidat, nous jugerons peut-être qu’il pourrait mettre ses aptitudes à profit dans un nouveau domaine. Par exemple, un ingénieur mécanique d’Arabie Saoudite spécialisé en climatisation pourrait sans doute apprendre très vite à concevoir des systèmes de chauffage.

Une écoute attentive

Nos entrevues ne se déroulent pas de façon conventionnelle : elles sortent des canevas habituels. Nous faisons toujours en sorte de bien comprendre l’expertise et la formation d’un nouvel arrivant. Lorsque nous rencontrons de jeunes diplômés tout juste sortis d’écoles québécoises ou canadiennes, nous connaissons bien leur programme d’études : nos gestionnaires sont par- fois passés par les mêmes universités. Or, un immigrant n’a pas cet avantage. Nous cherchons alors d’autres bases communes, par exemple la connaissance des normes et des standards nord-américains des secteurs où nous œuvrons.

Bien sûr, la facilité avec laquelle nous évaluons certains candidats dépend souvent de leur pays d’origine. Si un candidat est français, nous cernons rapidement son savoir-faire. Mais si nous recevons une personne originaire de l’Ouzbékistan ou de l’Éthiopie, c’est différent. Lorsque les candidats sortent tout juste de l’école, nous leur demandons des relevés de notes et la liste des cours qu’ils ont suivis afin de les évaluer. Lorsqu’il s’agit d’ingénieurs expérimentés, nous leur faisons détailler certains projets concrets qu’ils ont réalisés, par exemple une boucle de refroidissement dans un hôpital. Dans ces cas-là, les discussions prennent rapidement un angle technique. Les gens que nous rencontrons ont ainsi l’occasion d’exposer leur véritable savoir-faire.

Au cours d’une entrevue, nous nous assurons aussi que la personne est ouverte et démontre une propension à la tolérance et à l’acceptation des autres. Nous évaluons également sa compréhension de la culture québécoise et canadienne. Dans cette démarche, le savoir- être est particulièrement important.

Premier arrivé, premier servi

En plus d'annoncer nos postes par les moyens traditionnels, nous recrutons dans les centres qui aident les nouveaux arrivants à se trouver du travail, notamment à la clef pour l’intégration au travail des immigrants, à Montréal. Cette approche nous donne plus de chances de recruter la perle rare en premier. Nous avons ainsi réussi à engager des gens qui venaient à peine d’immigrer. C’est notamment le cas de Michel Zaky : nous l’avons embauché alors qu’il était arrivé d’Égypte à peine deux semaines plus tôt. Son expérience comme ingénieur mécanique dans le domaine pharmaceutique était très pertinente. Cinq ans plus tard, il est aujourd’hui membre de l’ordre des ingénieurs de l’Ontario et directeur de nos bureaux ontariens.

Une intégration réussie

Dans tous les cas, lorsque nous recrutons un nouvel arrivant, la première semaine de travail est déterminante. Dans le cadre de notre programme d’intégration, nous rencontrons la personne régulièrement afin de lui expliquer notre entreprise et notre mode de gestion. Nous y abordons des éléments comme les normes techniques et nos manières de bâtir les projets, de même que des enjeux plus humains comme le travail en équipe ou le code vestimentaire.

Nous organisons également des mini-rencontres avec les différentes équipes où nous donnons aux nouveaux employés l’occasion de se présenter.

Il y a par ailleurs un avant-midi « 8 à 10 » de bienvenue. C’est une rencontre plus informelle avec les associés et le fondateur de Laporte durant laquelle chacun se présente et parle d’une facette de lui-même qui n’apparaît pas sur son cv. Les discussions tournent ainsi autour d’histoires personnelles, des passions et de la culture de chacun.

Pour la suite des choses, nous jumelons chaque nouvel employé avec un mentor. Cela donne l’occasion de poser des questions plus librement et moins officiellement qu’avec les responsables des ressources humaines.

Au final, l’entreprise ne s’impose pas d’objectif de diversité. Mais grâce à nos méthodes de recrutement et d’intégration, nous construisons des équipes dont les membres viennent de partout dans le monde. Je crois que cette mosaïque est aussi le résultat naturel de notre décision tout à fait volontaire de privilégier l’expertise plutôt que l’origine ethnique dans notre processus de recrutement.

Saeed BabaeiSaeed Babaei

Iranien d’origine, Saeed Babaei s’établit à Montréal en novembre 2016. Puisqu’il connaît bien l’anglais mais ne parle pas le français, il entreprend les démarches auprès de l’Ordre des ingénieurs de l’Ontario pour pouvoir y exercer son métier. Il commence toutefois sa recherche d’emploi à Montréal, où il réside. En anglais, il raconte ceci : « J’ai été chanceux, car mon entretien d’embauche avec Laporte a été ma première entrevue pour un emploi au Canada. Je suis entré en poste trois mois plus tard, au démarrage du projet sur lequel je travaille actuellement. » Aujourd’hui, il apprend le français en suivant des cours tous les soirs dans un centre de francisation et deux fois par semaine au travail, à l’heure du dîner. Il est actuellement concepteur mécanique et a entamé le processus d’obtention de son titre d’ingénieur au Québec.

Article écrit en collaboration avec Simon Lord, journaliste