Le recrutement de main-d’œuvre constitue le nerf de la guerre de bien des entreprises, en particulier dans les secteurs où les travailleurs qualifiés manquent à l’appel. Dans un tel contexte, la gestion territoriale des ressources humaines peut constituer une piste de solution. Aperçu des pratiques qui émergent dans les régions de Québec et de Chaudière-Appalaches.

La gestion territoriale des ressources humaines repose sur une vision élargie des enjeux de recrutement, qui tient compte à la fois des besoins des entreprises, de l’économie sectorielle, de l’économie du territoire et des liens pouvant être établis par différents acteurs étatiques ou associatifs ainsi que par d’autres intermédiaires, notamment Emploi-Québec, les chambres de commerce, les comités sectoriels de main-d’œuvre, etc.

Au-delà des défis propres aux employeurs, on apporte donc une réponse collective à l’enjeu de recrutement. À la clé : une gestion des ressources humaines à l’échelle sectorielle, à la fois plus efficace et plus dynamique.

Des besoins criants

Demandes simplifiées

Emploi-Québec établit, en collaboration avec le ministère de l'Immagration, de la Diversité et de l'Inclusion, une liste des professions admissibles au traitement simplifié pour l'embauche de travailleurs étrangers. En vigueur depuis le 24 février 2017, la liste la plus récente compte 58 métiers qui comprennent notamment les soudeurs, les développeurs de sites web, les designers graphiques, les machinistes, les analystes en informatique et les programmeurs, de même que... les agents de recrutement.

Source : Liste des professions admissibles au traitement simplifié pour le Québec établie selon la classification nationale des professions, février 2017.

Dans ce domaine, de nouvelles pratiques commencent à émerger, notamment dans les régions de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches, qui sont aux prises avec des défis majeurs en matière de recrutement de ressources humaines. Depuis plusieurs années déjà, la région de Québec frôle le plein emploi avec des taux de chômage historiquement bas (3,9 % en décembre 2017, comparativement à une moyenne provinciale de 4,9 %). En ce qui concerne Chaudière- Appalaches, pour la même période, on relève un taux de chômage de 2,4 % ! Avec de telles statistiques, nul doute que l’embauche constitue un vrai casse-tête pour les entreprises à la recherche de main-d’œuvre qualifiée.

À cet égard, la situation est particulièrement complexe pour l’industrie des technologies de l’information (TI). Les ressources humaines, très convoitées, ne sont pas suffisantes pour répondre aux besoins criants de ce pôle d’activité. Les recruteurs sont nombreux à tenter de dénicher des perles de plus en plus rares, aussi bien au sein du secteur public – la région de la Capitale-Nationale en abritant une large part – que dans le secteur privé. Les firmes-conseils, qui ont pour principal client le gouvernement du Québec, sont très friandes de cette main-d’œuvre, et il en va de même dans les domaines du divertissement numérique (multimédia, jeux vidéo, etc.), du développement de logiciels, etc. Le domaine de l’assurance et des services financiers, qui a une présence marquée dans la région avec 10 sièges sociaux et 370 entreprises, recherche constamment lui aussi des travailleurs qualifiés dans le secteur des TI.

Stratégie commune

Pour relever le défi de l’embauche, les entreprises ont élaboré des méthodes particulières, mais d’autres mesures adoptées par des acteurs locaux leur ont donné un bon coup de pouce. Ainsi, il existe par exemple une table de concertation des TI qui facilite le réseautage entre les intervenants clés de la région.

Ce genre d’initiative traduit la volonté de fédérer les diverses stratégies à l’œuvre, qu’elles proviennent des entreprises privées, du gouvernement, d’organisations comme les chambres de commerce, des établissements de formation universitaire et collégiale ou d’organismes comme Québec International.

Québec International joue d’ailleurs un rôle important et organise régulièrement des missions à l’étranger afin de recruter des ressources humaines en TI, notamment en France, en Belgique, en Tunisie et au Brésil. Un agent du gouvernement du Québec accompagne également ces missions afin de faciliter les démarches des candidats sélectionnés en vue de s’établir dans la région de Québec.

Les recruteurs du domaine des technologies de l’information ne sont pas les seuls à se lancer dans des campagnes à l’échelle internationale. Le secteur manufacturier, aux prises avec ses propres enjeux en matière de développement et de relève, est à la recherche de soudeurs et de machinistes. Là encore, Québec International apporte sa contribution en favorisant l’embauche à l’étranger.

Cette agence de développement a réussi à soutenir adroitement les besoins des différentes entreprises sur son territoire en demeurant en contact étroit et permanent avec elles. Cette stratégie a fait ses preuves : depuis 2008, ce sont pas moins de 2 000 travailleurs (3 600 personnes en tenant compte de leurs familles) qui sont venus s’installer sur le territoire de la région de Québec grâce à des missions à l’étranger. Ces nouveaux venus affichent aussi un excellent taux de rétention et nombreux sont ceux qui, au bout du compte, demandent la résidence permanente afin de s’établir définitivement dans la région.

Ainsi, les responsables des ressources humaines aux prises avec des enjeux de recrutement considérables, voire quasi insurmontables s’ils devaient les affronter seuls, y répondent en recourant à l’intelligence collective. Les entreprises, grandes ou petites, tirent ainsi parti de l’expertise d’acteurs intermédiaires et institutionnels. Compte tenu des résultats obtenus, voilà une gestion territoriale des ressources humaines vraiment efficace.

Le secteur des TI dans la région de Québec

Le secteur des TI dans la région de Québec

Le rôle fédérateur de Québec International

Nicolas Clusiault, directeur des ressources humaines chez Momentum Technologies

Nicolas Clusiault, directeur des ressources humaines chez Momentum Technologies

Depuis 10 ans, Momentum Technologies recrute à l’extérieur du pays avec l’aide de Québec International. Chaque année, cette entreprise embauche de six à huit nouveaux employés en provenance de la France, de la Tunisie, de la Colombie ou du Brésil. Cette année, compte tenu de la pénurie de main-d’œuvre au Québec, elle a entrepris des démarches en vue de l’embauche d’une vingtaine de candidats étrangers. « L’écosystème et les partenariats formés dans la région ont des retombées majeures pour les entreprises comme la nôtre, dit Nicolas Clusiault, directeur des ressources humaines chez Momentum Technologies. Sans l’expertise acquise par Québec International, on ne serait jamais capables de recruter autant à l’extérieur du pays. »


Le recrutement international à Québec en quelques chiffres

2 000

Depuis mars 2008, 2 000 travailleurs qualifiés ont été recrutés grâce à des initiatives d’attraction de talents déployées par Québec International et par ses partenaires. Si on ajoute les conjoints et les enfants, cela représente plus de 3 600 nouveaux arrivants dans la ville de Québec et dans sa région métropolitaine.

33

Nombre de missions de recrutement organisées par Québec International et par ses partenaires depuis 2008. Effectuées en personne ou de manière virtuelle, ces missions ont eu lieu au Brésil, en Colombie, au Mexique et en France, notamment. Des dizaines d’entreprises actives dans les secteurs des technologies de l’information, des jeux vidéo, du textile, de la boucherie, de l’ingénierie, de l’administration et de l’usinage y ont pris part.

44 550

Nombre total d’immigrants établis dans la région de Québec en 2016, soit 5,7 % de sa population totale, comparativement à 32 875 immigrants, soit 4,4 % de la population de la région, en 2011.

75,2 %

Taux d’emploi des immigrants âgés de 15 à 64 ans en 2016 dans la région de Québec.

La Capitale-Nationale est ainsi la région la plus performante de la province en matière d’intégration au marché du travail et arrive cinquième au Canada après Regina, Guelph, Winnipeg et Brantford. En comparaison, le taux d’emploi de la population totale âgée de 15-64 ans dans la région métropolitaine de recensement de Québec s’établissait à 78,8 % en 2016. Sur l’île de Montréal, le taux d’emploi des personnes immigrantes était de 54,6 % en 2016, alors que celui de la population totale âgée de 15-64 ans s’élevait à 69,3 %.

Sources : Québec International, Québec en tête et Statistique Canada.

Article écrit en collaboration avec Emmanuelle Gril, journaliste, publié dans l'édition printemps 2018 de Gestion