Article publié dans l'édition Hiver 2020 de Gestion

Les conseils d’administration jouent un rôle capital dans la gouvernance des organisations. Les administrateurs assurent une fonction de surveillance et font profiter les dirigeants de leur expertise ainsi que de leurs réseaux de contacts. Mais comment créer la dynamique parfaite pour que votre conseil prenne les meilleures décisions ?

Au cours des vingt dernières années, des réglementations ont été adoptées afin d’optimiser l’efficacité des conseils d’administration en matière de contrôle. Au fil du temps, on a notamment exigé la présence d’un plus grand nombre d’administrateurs indépendants1.


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Plus récemment, on a mis l’accent sur la nécessité d’accroître la diversité des membres des conseils en s’assurant par exemple d’une meilleure représentation des femmes. Des recherches montrent d’ailleurs qu’une plus grande diversité en matière de genre, d’expertise ou même d’âge est susceptible d’améliorer l’efficacité des conseils2, notamment parce qu’elle limite les effets négatifs de la pensée de groupe3.

Au-delà des règles formelles de gouvernance et de la volonté des conseils de se doter des meilleures ressources qui soient, les organisations se préoccupent de plus en plus, de nos jours, du fonctionnement de leurs conseils d’administration. Ceux-ci peuvent en effet être considérés comme des équipes de travail dont la dynamique interne influence l’efficacité4.

Des équipes atypiques

Les administrateurs se réunissent plusieurs fois par année pour mettre en commun leurs compétences respectives afin de veiller aux intérêts des parties prenantes de l’organisation. Ils constituent donc une équipe de travail dotée de caractéristiques spécifiques :

La fréquence des travaux

Le conseil ne se réunit que de manière épisodique. Puisque ses membres font souvent partie d’autres organisations et peuvent siéger à plusieurs conseils, ils ne consacrent qu’une partie de leur temps au respect de leurs obligations fiduciaires envers chacune d’elles, ce qui peut se traduire par un engagement insuffisant de leur part, et ce, au détriment du fonctionnement du conseil.

La difficulté à évaluer les résultats

Puisque les tâches du conseil sont à la fois multiples (surveiller et conseiller les dirigeants, leur donner accès à des réseaux de contacts, entretenir des liens avec la communauté) et difficiles à mesurer, l’évaluation de la performance de cette instance est parfois ardue.

La nature des tâches à réaliser

Les tâches du conseil sont essentiellement de nature cognitive et la mise en application de ses décisions est confiée aux dirigeants. L’efficacité du conseil requiert ainsi une bonne communication non seulement entre les membres de l’équipe mais aussi avec les dirigeants de l’organisation qui mettront en œuvre les décisions prises au conseil.

Ces caractéristiques rendent particulièrement cruciale la prise en compte de la dynamique interne de l’équipe pour assurer le bon fonctionnement du conseil et pour optimiser le processus décisionnel.

Quelle dynamique interne faut-il rechercher ?

On peut diviser les dynamiques de groupe selon deux types de comportements : ceux qu’on juge fonctionnels et qui contribuent à accroître l’efficacité de l’équipe et ceux qui sont dysfonctionnels parce qu’ils ont l’effet contraire.

Les administrateurs qui œuvrent au sein de conseils d’administration jouissant d’une bonne dynamique débattent des problèmes auxquels ils doivent faire face de façon plus approfondie. Ils sont également plus ouverts aux différents points de vue soumis par leurs collègues et plus enclins à mettre à profit les connaissances et les compétences de chacun des administrateurs en cas de besoin.

Ces conseils n’hésitent pas à remettre en question leurs façons de faire pour atteindre leurs objectifs. Par ailleurs, les administrateurs qui entretiennent une bonne dynamique interne valorisent l’esprit d’équipe, se font confiance et sont solidaires.

À l’opposé, certaines dynamiques internes peuvent s’avérer dysfonctionnelles et nuire à l’efficacité des conseils. Parmi les problèmes les plus graves, signalons le manque d’engagement des administrateurs, les conflits à caractère essentiellement émotif, la gestion inadéquate du temps lors des réunions ainsi que les marques d’incivilité et d’intimidation.

Diversité et style de leadership

Quels sont les moyens à prendre pour optimiser la synergie entre les membres d’un conseil d’administration ? En théorie, les études5 font ressortir deux facteurs décisifs : la diversité des membres – tout particulièrement l’équilibre hommes-femmes – et le style de leadership du président du conseil.

Nos résultats montrent que les conseils plus diversifiés sont généralement plus exigeants quant aux efforts attendus de la part des administrateurs. L’assiduité et la bonne préparation des membres constituent donc des préalables incontournables. Les membres de ces conseils font preuve d’un plus grand respect mutuel et se font davantage confiance.

Nous avons également noté qu’une plus grande mixité des genres tend à réduire les comportements irrespectueux entre les membres. Ainsi, un conseil d’administration diversifié est davantage susceptible de bien exercer son rôle.

Quant au style de leadership adopté par le président du conseil pour motiver ou pour influencer ses membres, il a bien sûr un effet marqué sur la dynamique interne du conseil. Les présidents qui exercent un leadership éthique ou authentique se montrent ouverts aux opinions divergentes, témoignent de cohérence et de transparence, tiennent compte des intérêts de toutes les parties prenantes et favorisent les décisions prises de façon juste et équilibrée.

Il existe un lien étroit entre ce style de leadership et les comportements jugés bénéfiques pour la dynamique interne d’un conseil d’administration. En définitive, ce style de leadership favorise les comportements positifs et réduit ceux qui sont à proscrire.


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À l’opposé, les présidents qui optent pour un style de leadership autocratique en tenant peu compte de l’opinion des autres membres et en imposant leurs points de vue ont pour effet de susciter des comportements dysfonctionnels chez plusieurs de leurs administrateurs. Le style du président d’un conseil d’administration s’avère donc déterminant quant au bon fonctionnement de celui-ci.


Notes

1 Dans le rapport Dey, on définit l’administrateur indépendant, qu’on nomme « administrateur non relié », comme étant « libre de tout intérêt et de toute autre relation qui pourrait interférer avec sa capacité à agir dans l’intérêt de l’entreprise ». Traduction libre du rapport Dey, Where Were the directors? Guidelines for improved corporate governance, Toronto Stock Exchange Committee on Corporate Governance in Canada, 1994, 71 pages, cite dans L’indépendance des administrateurs : un enjeu de légitimité, Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP), 2008, 22 pages.

2 Voir notamment : Post, C., et Byron, K., « Women on boards and firm financial performance – A meta-analysis », academy of Management Journal, vol. 58, no 5, octobre 2015, p. 1546-1571 ; Byron, K., et Post, C., « Women on boards of directors and corporate social performance – A meta- analysis », corporate governance – an international review, vol. 24, no 4, juillet 2016, p. 428-442.

3 Le chercheur en psychologie et professeur américain Irving Janis décrivait déjà, dans les années 1970, la pensée de groupe comme un mode de pensée qui privilégie l’unanimité par rapport à l’examen attentif des options disponibles au cours d’un processus de prise de décision.

4 Francœur, C., Aubé, C., Sponem, S., et Farzaneh, F., « What do we know about what is going on inside the boardroom? », team performance Management – an international Journal, vol. 24, nos 5-6, 2018, p. 250-264.

5 Voir notamment : Francœur, C., Labelle, R., et Sinclair-Desgagné, B., « Gender diversity in corporate governance and top management », Journal of Business ethics, vol. 81, n° 1, août 2008, p. 83-95 ; Guerrero, S., Lapalme, M.-È., et Séguin, M., « Board chair authentic leadership and nonexecutives’ motivation and commitment », Journal of Leadership & organizational studies, vol. 22, n° 1, février 2015, p. 88-101.