Article publié dans l'édition printemps 2016 de Gestion

Au cours de leur carrière, de 30 % à 50 % des gestionnaires risquent de trébucher avant d’avoir atteint leur plein potentiel, souvent en raison d’une incapacité à adapter leurs comportements à leurs nouvelles fonctions. Pour qu’elle soit réussie, une transition vers un poste de direction doit donc s’anticiper en étant bien au fait des dérailleurs de succès potentiels.

Plus on monte dans une pyramide organisationnelle, plus les postes sont rares et difficiles d’accès. La compétition est forte et la marge d’erreur est mince. Or, chacune des transitions liées à l’ascension hiérarchique sollicite des forces et des comportements différents, et plusieurs négligent de s’ajuster en conséquence. Prenons par exemple les relations interpersonnelles. Les recherches sur la personnalité effectuées à partir du système d’évaluation Pathfinder indiquent qu’à titre de cadre intermédiaire, vous devriez davantage prêter attention aux besoins des gens qui vous entourent et œuvrer à trouver des solutions gagnant-gagnant. Or, lorsqu’un leader joue un rôle de direction, on attend plutôt de lui qu’il inspire ses troupes, qu’il soit un modèle et qu’il ait le courage de prendre des décisions difficiles.

Voici quatre conseils pour éviter les principaux pièges qui se trouveront inévitablement sur le chemin de votre réussite.


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1 - Maîtrisez vos angles morts

Un dérailleur est avant tout un angle mort chez un leader. Il s’agit d’un comportement – par exemple une tendance à consulter avant de décider des actions à entreprendre – que vous adoptez à votre poste actuel, disons celui de directeur. Ce comportement a probablement alimenté votre succès au niveau précédent en tant que superviseur, où vous étiez perçu comme étant ouvert et participatif. Mais les décisions à prendre sont maintenant plus complexes. Par ailleurs, la pression est plus forte pour décider rapidement. Votre approche inclusive vient freiner votre capacité à réagir efficacement. Votre patron constate que vous êtes souvent débordé. Il commence à trouver que vous êtes désorganisé.

Un dérailleur peut donc être un comportement naturel pour vous, mais il peut aussi avoir perdu de sa pertinence maintenant que vous évoluez dans un autre contexte. Réfréner et modifier un comportement que vous avez tendance à sur-utiliser va exiger beaucoup d’efforts. À l’inverse, il peut aussi être un angle mort associé à une de vos faiblesses, par exemple la difficulté à vous affirmer face à votre patron. Il s’agit alors d’un comportement qui n’est pas naturel pour vous et que vous devrez développer de façon consciente.

2 - Tentez de déceler les dérailleurs potentiels

La liste des dérailleurs possibles peut être longue, mais ceux-ci sont les plus fréquents :

  • UNE CONNAISSANCE DE SOI DÉFICIENTE. Ne pas solliciter la rétroaction (le feedback) chez les autres, résister à tout exercice d’introspection et ne pas se remettre en question sont autant de comportements qui conduisent tout droit au déraillement.

  • UN STYLE INTERPERSONNEL INAPPROPRIÉ. Être perçu comme étant trop direct et même abrasif par vos nouveaux collègues et vos subordonnés laisse des traces. Pour avoir de l’influence, un leader qui occupe un poste de direction doit susciter la confiance et obtenir l’engagement de tous.

  • DE LA DIFFICULTÉ À PASSER EN MODE STRATÉGIQUE. Gérer l’exécution du travail de trop près et accorder trop d’attention aux détails moins cruciaux plutôt que de développer et de communiquer une vision sont tous des comportements associés à ce type de dérailleur.

  • UNE GESTION D’ÉQUIPE INADÉQUATE. En occupant un nouveau poste de gestion, vous risquez de bâtir une équipe constituée principalement de gens qui vous ressemblent ou d’accorder trop d’importance à seulement un ou deux membres considérés comme des ressources clés au sein de votre équipe.



3 - Prenez conscience que vos dérailleurs et le contexte sont liés

Certains comportements risquent de vous faire dérailler si vous les démontrez dans un contexte où ils ne sont plus souhaités. Par exemple, la nouveauté, omniprésente en contexte de transition, est un élément qui a le potentiel d’accroître le stress et le sentiment d’obligation en ce qui concerne les résultats à obtenir et l’intégration rapide au sein de l’équipe. Vous serez alors porté à avoir trop souvent recours aux comportements qui vous viennent facilement, ceux avec lesquels vous êtes à l’aise, même s’ils sont beaucoup moins appropriés au nouveau contexte.

Il y a alors tout un travail de réflexion à faire pour déterminer les exigences ou les normes inhérentes à cette nouvelle situation, les comportements ou les habitudes que vous devrez abandonner et ceux, moins naturels, que vous devrez adopter pour avoir du succès dans ce nouveau rôle.

4 - Soyez prudent : votre organisation peut vous piéger sans le vouloir

Il est légitime de vous demander si vous recevez tout l’appui nécessaire de la part de votre organisation. Le développement de la connaissance de soi ne devrait pas seulement être un point de départ mais plutôt une quête constante pour bien vous adapter à votre nouveau poste.

Vous devrez peut-être solliciter toute la rétroaction dont vous aurez besoin pour réduire vos angles morts au moyen d’outils psychométriques ou d’évaluations à 360 degrés et vous assurer de recevoir l’accompagnement adéquat (coaching ou mentorat) de la part de votre organisation.


Pour en savoir plus

  • Hogan, J., Hogan, R., et Kaiser, R. B., « Management derailment – Personality assessment and mitigation », American Psychological Association Handbook of Industrial and Organizational Psychology, American Psychological Association / Sheldon Zedeck, vol. 3, 2010, p. 555-575.
  • Lupien, S., Par amour du stress, Les Éditions au Carré, Montréal, 2009, 150 pages.