Le Québec s’est taillé une place de choix dans le domaine des arts numériques. Qu’il s’agisse de jeux vidéo, de multimédia, d’effets visuels ou d’animation, l’expertise québécoise est internationalement reconnue et attire de grandes productions et des studios de renom. Mais comment relever le défi de la main-d’œuvre dans cette industrie où on s’arrache les talents ?

Mais toute médaille a son revers : en effet, les différents acteurs du milieu s’entendent pour dire que la forte demande de main-d’œuvre, notamment dans certaines catégories d’emploi, exerce une pression sur la performance du secteur. « Notre industrie connaît une croissance en accéléré et doit relever des défis importants en matière non seulement de recrutement mais aussi d’attraction et de rétention de la main-d’œuvre », souligne Catherine Émond, directrice générale d’Alliance numérique, le réseau d’affaires de l’industrie des nouveaux médias et des contenus numériques interactifs du Québec.Bien peu de secteurs d’activité peuvent se vanter d’afficher une croissance aussi soutenue que celui des arts numériques. À lui seul, le segment du jeu vidéo croît de 16 % en moyenne depuis 15 ans, alors que la filière audiovisuelle (effets visuels et animation) connaît une croissance annuelle de 27 %.

Même son de cloche du côté de TechnoCompétences, le Comité sectoriel de main-d’œuvre en technologies de l’information et des communications (TIC). « Dans le domaine des jeux vidéo, certains postes sont particulièrement difficiles à pourvoir et la concurrence est assez robuste », affirme Vincent Corbeil, directeur général intérimaire de cette organisation.

Attirer et retenir

Par compétition robuste, on sous-entend un maraudage intensif entre les entreprises du milieu, ce que confirme Nathalie Vallières, directrice des ressources humaines au studio Behaviour Interactif, qui emploie 340 personnes à Montréal. « Tout le monde se bat pour les mêmes talents, en particulier pour les candidats qui ont de l’expérience », dit-elle.

Pour garder leurs meilleurs éléments, les employeurs chouchoutent donc leur main-d’œuvre. « Le secteur des TIC, notamment le domaine des jeux vidéo, est un précurseur en la matière. Il a élaboré une offre de rémunération et de développement professionnel complète et avant-gardiste. Nous investissons aussi massivement dans la formation et cherchons à établir une bonne adéquation entre la culture de l’entreprise et les recrues », précise M. Corbeil.

Espace de détente chez Ubisoft

Une équipe de design intérieur a optimisé les espaces de travail et de détente d'Ubisoft à Montréal.

Chez Ubisoft, un gros joueur qui compte près de 4 000 employés au Canada, dont 3 000 uniquement à Montréal, on insiste beaucoup sur la qualité de l’environnement de travail et sur les avantages extrasalariaux. « Par exemple, nous proposons une large gamme d’activités sportives – hockey, escrime, spinning, badminton, etc. – ainsi qu’un grand nombre d’activités sociales. Ces dernières sont aussi ouvertes aux familles des employés afin qu’elles participent à la vie d’Ubisoft », illustre Cédric Orvoine, vice-président des ressources humaines et des communications. « Bien sûr, nous avons aussi une table de baby-foot et une machine à expresso, mais nous voulons aller plus loin en ayant un effet positif sur la vie de nos travailleurs. C’est particulièrement important pour la génération des “milléniaux”, qui veulent nouer des relations significatives au travail et œuvrer pour une entreprise qui respecte leurs choix », ajoute-t-il. Ubisoft a également mis sur pied des communautés de partage pour divers métiers, favorisant ainsi l’émergence de meilleures pratiques et d’un esprit de collaboration.

Petits et gros joueurs

Toutefois, les studios de petite taille peinent à concurrencer l’offre des gros joueurs. Ils parviennent néanmoins à garder la tête hors de l’eau en proposant des tâches plus variées, en déléguant davantage de responsabilités et en faisant preuve de créativité.

Au studio Behaviour Interactif, par exemple, on mise sur la qualité de vie et sur les heures supplémentaires réduites au minimum, une rareté dans ce secteur où les périodes de production sont souvent intenses. En cas de besoin, ces heures supplémentaires sont converties en temps compensatoire, des heures de congé que les employés peuvent utiliser à leur guise. « Et contrairement aux pratiques en vigueur dans les grands studios, ceux qui développent des projets personnels en périphérie de leur travail peuvent en conserver la propriété intellectuelle », ajoute Nathalie Vallières.

Dans le domaine des effets visuels et de l’animation, la concurrence est tout aussi forte, mais la dynamique est un peu différente, car la main-d’œuvre est constituée à 60 % de contractuels très mobiles. « Les projets prestigieux attirent les candidats les plus expérimentés, car ceci leur permet de bonifier leur portfolio et leur CV tout en améliorant leur employabilité », explique Romain Paulais, directeur du secrétariat de la Grappe audiovisuelle au Bureau du cinéma et de la télévision du Québec.

Afin de dénicher la relève, plusieurs entreprises s’associent à des établissements d’enseignement ; à ce titre, mentionnons notamment le concours universitaire Ubisoft. Elles s’impliquent aussi dans le milieu de la recherche universitaire, par exemple en intelligence artificielle, afin de garder et d’attirer au Québec les meilleurs éléments.

Et lorsque cela ne suffit pas, il faut alors se tourner vers l’extérieur pour recruter les talents, les plus convoités étant ceux qui possèdent de l’expérience. Pour y parvenir, des recruteurs prennent part à de nombreuses rencontres d’envergure internationale ou participent à des missions à l’étranger.

Les travailleurs embauchés, qui doivent généralement être munis d’un permis de travail temporaire, proviennent majoritairement de France, de Grande-Bretagne, d’Espagne, de Belgique, des États-Unis, du Brésil et de certains pays d’Europe de l’Est. Même dans le domaine des jeux vidéo, trouver la perle rare est loin d’être un jeu d’enfant…

L'industrie du jeu vidéo au Québec

L'industrie du jeu vidéo au Québec

NOMBRE D’EMPLOIS : 9 970

MOYENNE D’ÂGE : 32 ans

SALAIRE ANNUEL MOYEN DES PROFESSIONNELS

EN PRODUCTION : 64 000 $

PROPORTION DE MAIN-D’ŒUVRE FÉMININE : 16 %

MÉTIERS ET SPÉCIALITÉS DANS LE SECTEUR : plus de 60

NOMBRE D’ENTREPRISES : 230, essentiellement à Montréal et à Québec

POIDS DANS CE SECTEUR AU CANADA : 29 % des entreprises et 55 % de la main-d’œuvre

Source : Profil de la main-d’œuvre dans l’industrie du jeu électronique au Québec en 2016 (7e édition annuelle), TechnoCompétences, Montréal, 2016, 32 pages.

Les postes les plus difficiles à pourvoir dans le secteur du jeu vidéo

Les postes les plus difficiles à pourvoir dans le secteur du jeu vidéo

DESIGN : designer économique, designer de présentation, directeur technique LD

ANIMATION : rigger, directeur technique et animateur technique, animateur gameplay, animateur démontrant une grande maîtrise du mouvement

ARTS GRAPHIQUES : artiste technique, UI / UX, artiste d’effets spéciaux

PROGRAMMATION : architecte physique et audio, animateur

AUDIO : artiste audio, directeur audio

Source : Profil de la main-d’œuvre dans l’industrie du jeu électronique au Québec en 2016 (7e édition annuelle), TechnoCompétences, Montréal, 2016, 32 pages.

L'industrie de l'animation et des effets visuels dans la grappe audiovisuelle

L'industrie de l'animation et des effets visuels dans la grappe audiovisuelle

NOMBRE D’ENTREPRISES : 33

NOMBRE D’EMPLOIS : 2 738

AUGMENTATION ATTENDUE DU NOMBRE D’EMPLOIS

D’ICI 2020 : 82,5 %, soit 450 postes par année

Source : Diagnostic des besoins de main-d’œuvre et d’adéquation formation-emploi – Secteur des effets visuels et animation, Bureau du cinéma et de la télévision du Québec, Conseil emploi métropole, Montréal, 2016, 18 pages.

Les postes les plus difficiles à pourvoir en animation et en effets visuels

Les postes les plus difficiles à pourvoir en animation et en effets visuels

Designer graphique et illustrateur ; producteur, directeur technique, créatif et artistique, gestionnaire de projets ; programmeur et développeur en médias interactifs ; technicien en graphisme ; auteur, rédacteur, écrivain ; technicien en enregistrement audio et vidéo

Source : Diagnostic des besoins de main-d’œuvre et d’adéquation formation-emploi – Secteur des effets visuels et animation, Bureau du cinéma et de la télévision du Québec, Conseil emploi métropole, Montréal, 2016, 18 pages.