De plus en plus d’entreprises prennent un virage vers une meilleure gestion de la diversité et de l’inclusion (D&I). Comme le sujet reste sensible et complexe, le succès de ces démarches dépend beaucoup de la qualité de la communication.

Pour la professeure associée au Département de management de l’Université Laval, Hélène Lee-Gosselin, la gestion de la D&I s’inscrit dans un contexte de rattrapage visant à gommer un déficit démocratique causé par des discriminations basées sur le genre, l’origine ethnique et l’orientation sexuelle, entre autres. «Les décisions et actions des sociétés et d’autres types d’organisations ont des impacts potentiellement positifs ou négatifs sur l’ensemble de la population, donc tous les groupes qui la composent doivent avoir voix au chapitre», souligne-t-elle.

Au départ, cette correction se limitait à la diversité, c’est-à-dire la volonté d’assembler un effectif plus représentatif démographiquement. L’inclusion va bien plus loin. Elle suppose que tous les employés, à tous les niveaux hiérarchiques et dans tous les métiers de l’entreprise, pourront participer pleinement aux activités, réaliser leur potentiel et se sentir bien dans leur milieu de travail.

Récemment, l’élan vers la diversité s’est beaucoup accéléré en réponse à des mouvements sociaux, notamment Black Lives Matter. Cette dynamique peut toutefois générer des problèmes.

«Le débat sur l’inclusion n’est pas toujours bien compris, déplore Sébastien Arcand, professeur titulaire à HEC Montréal. L’impression que les entreprises réagissent pour ne pas subir les foudres des associations militantes cause des malentendus et même du ressentiment, particulièrement dans le groupe majoritaire, qui peut se sentir ciblé.»

Passer le message

La communication constitue donc un enjeu central de la gestion de la D&I. Or, pour bien communiquer, «les dirigeants doivent d’abord savoir pourquoi ils désirent plus de D&I dans l’entreprise et jusqu’où ils veulent aller», poursuit M. Arcand. Une fois que l’on a identifié les valeurs que l’on souhaite promouvoir et les raisons derrière ces choix, en parler devient plus facile.

La communication débute d’ailleurs au moment du diagnostic. Pour obtenir un portrait juste de la situation, il faut interroger les travailleurs. «On peut procéder par des entrevues, des sondages, des ateliers, etc., avance Brigitte Lavallée, CRHA, consultante et formatrice en D&I. En plus de fournir des données, ces activités préparent le terrain auprès du personnel. Elles lancent déjà le signal que l’on veut aller dans la direction d’une meilleure gestion de la D&I.»

Dans sa pratique, elle propose parfois aux employés de répondre par écrit et anonymement à certaines questions. Par exemple, avez-vous déjà subi de la discrimination dans l’entreprise? Avez-vous été témoin de harcèlement envers des collègues? Comment avez-vous réagi? Pourquoi?

Le simple fait de poser ces questions amène les gens à réfléchir à ces sujets délicats. La formatrice envoie ensuite un résumé des réponses aux membres du groupe, qui pourront en discuter lors d’un atelier. «Peu importe l’approche, le grand défi reste le temps, admet-elle. Les entreprises peinent à libérer leurs travailleurs pour participer aux activités.»

Rester constant

Armés des résultats du diagnostic, les dirigeants peuvent établir un plan de communication. Celui-ci peut prendre plusieurs formes : campagne de promotion sur l’inclusion, dénonciation de certains comportements, ateliers de formation, sensibilisation, exercices de rapprochement interculturel, etc. «La variété des méthodes est importante pour toucher tous les employés», croit Gaëlle Cachat-Rosset, professeure adjointe en sciences de l’administration à l’Université Laval.

Elle rappelle qu’il est crucial de donner un sens à la D&I. La communication doit expliquer en quoi c’est bon pour tout le monde. «Si l’on agit seulement de manière quantitative, par exemple en imposant des quotas dans l’entreprise, ça peut créer un sentiment de discrimination inversée et provoquer des tensions», prévient-elle.

Les efforts de communication doivent demeurer réguliers et le message doit rester constant. «Il ne s’agit pas de troquer sa culture organisationnelle pour une autre, mais de l’ajuster en lui ajoutant l’inclusion», observe Marie-Ève Dufour, professeure agrégée en sciences administratives à l’Université Laval. Elle invite les sociétés à ne pas hésiter à utiliser les méthodes qui ont déjà démontré leur efficacité dans l’entreprise.

L’important pour elle est surtout de faire participer les gens, de rester très concret et de mettre l’accent sur les aspects «pratico-pratiques», pas seulement sur des valeurs abstraites. Mieux vaut aussi comprendre que l’on s’engage dans un travail de longue haleine. «On lutte contre les stéréotypes, souligne-t-elle. Tout le monde en a, y compris les membres de la diversité. Donc, inutile de penser tout corriger d’un coup. On doit prendre le temps d’évoluer.»