Devenir une entreprise innovante, une question d'état d'esprit

Article publié dans l'édition automne 2016 de Gestion

Comment assurer une multitude d’innovations dans les produits et services et devenir une référence pour l’avenir tout en augmentant de façon significative les résultats de l’entreprise pour obtenir une performance exceptionnelle et durable ?

Et si tout ça n’était qu’une question d’état d’esprit ? Au-delà des stratégies et des processus, l’innovation doit être l’affaire de tout un chacun (et non pas uniquement de ceux qu’on dit créatifs ou innovants ou qui travaillent en R&D). À l’instar de l’installation d’un nouveau logiciel dans votre entreprise, il est possible de faire en sorte que tous les membres de votre personnel adoptent un état d’esprit d’innovation (MindNovaction^MD) et l’intègrent dans leur cœur et leur esprit. Votre avantage compétitif, très difficile à copier, et votre plus grande innovation resteront probablement d’avoir créé et instauré un état d’esprit d’innovation à toutes les strates de votre entreprise.

LIRE AUSSI: Dossier neurosciences - La Presse+: L'audace des pionniers

L’enjeu dans le cœur et dans l’esprit

Nous entendons beaucoup parler ces temps-ci de l’importance de placer le client au centre de nos préoccupations. Je pense que c’est une erreur. Votre enjeu doit être au cœur de votre entreprise et à l’esprit de tous vos partenaires clés (collaborateurs, collègues, patrons, fournisseurs, clients, consommateurs). Quel est votre enjeu ? Plus l’enjeu est grand, plus il s’intègre au cœur et à l’esprit des gens ; ainsi, plus vous pourrez les mobiliser, plus vous innoverez et plus vous performerez. Prenons l’exemple d’un casino. Vous ne jouerez pas de la même manière quand vous aurez misé 10 $ ou 10 000 $. Votre manière d’être ne sera pas la même. C’est la même chose pour votre entreprise. Vous mobiliserez tout le monde et pourrez créer un monde d’innovations si le jeu en vaut la chandelle.

Votre enjeu est donc votre raison d’être. Comme le demande Simon Sinek, conférencier britannique, auteur de livre sur le management et la motivation, pourquoi êtes-vous en affaires ? Dans le cas d’Elon Musk, PDG de SpaceX, Tesla Motors et PayPal, sa raison d’être est de changer le monde et l’humanité. Quant à Muhammad Yunus, fondateur de la Grameen Bank au Bangladesh, considéré comme l’inventeur du microcrédit et lauréat du prix Nobel de la paix en 2006, sa raison d’être est d’éradiquer la pauvreté dans le monde.

Même si votre raison d’être touche le cœur et l’esprit de tous, ça ne suffira pas. Vous vous devez de créer et de vous engager dans une véritable « mission d’être ». Comment saurez-vous que votre travail correspond bel et bien à votre raison d’être ? Pour Elon Musk, il s’agit de contribuer à la colonisation de Mars. Pour Muhammad Yunus, c’est la pauvreté zéro d’ici 2030.

Ici, votre engagement formel à réaliser votre « mission d’être » est crucial. Par exemple, vous avez choisi comme enjeu et comme raison d’être de changer les choses. Pour vous, ça veut dire changer la vie de vos partenaires en tant qu’enjeu du développement durable et de la vie en société. Mais comment saurons-nous que vous aurez changé la vie ? C’est là que le bât blesse. Tout le monde est d’accord pour dire que changer la vie est un enjeu très noble. Mais les choses se compliquent quand vous dites que l’atteinte de cet objectif signifie que vous devrez avoir inventé des technologies de rupture (qui changeront donc la donne pour vos clients et pour toute votre entreprise) d’ici la fin de 2017. Votre mission d’être s’exprime par l’entremise d’objectifs d’avant-garde. Vos objectifs sont avant-gardistes car vous ne savez pas comment les atteindre à l’heure actuelle. Malgré tout ce que vous savez du marché, de vos collaborateurs et de vos compétences, vous ne savez pas comment remplir ces engagements.

Vous vous engagez en vous fondant sur ce que vous savez produire et réaliser, ce que vous appelez les processus prévisionnels (ou forecasting, par opposition à ce que j’appelle le pastcasting). Ces engagements sont basés sur le passé. En ce qui concerne la plupart des choses que nous faisons dans la vie, c’est bien suffisant et ça nous permet de survivre. Dans le contexte d’une entreprise engagée sur la voie d’une performance avant-gardiste et innovatrice, on doit progresser en fonction de sa raison d’être et de sa mission d’être sur un terrain complètement inconnu. Fondés sur l’avenir et non sur le passé, ces engagements nous permettent de créer le futur, de créer la vie et de vivre au lieu de survivre. C’est la condition sine qua non pour vraiment transformer votre entreprise et commencer à instaurer un véritable état d’esprit d’innovation. Cet engagement authentique n’est pas un simple objectif très ambitieux qu’on va peut-être tenter d’atteindre. Ce genre d’engagement concerne votre intégrité la plus profonde. Et c’est seulement avec des enjeux ou des engagements de cette nature que vous réussirez à ne pas vous faire rattraper par votre zone de confort.

Si vous voulez établir une relation constructive avec vos consommateurs et vraiment les surprendre avec de belles innovations, vous devrez maîtriser l’art de la connexion transformante. Celle-ci commence avec votre propre connexion avec vous-même, c’est-à-dire avec votre cœur et votre esprit. Qui osez-vous déclarer être ? Votre déclaration doit pouvoir orienter votre esprit, votre cœur et votre corps vers un même objectif. C’est le meilleur antidote contre l’ego, qui peut jouer des tours dans une telle aventure en vous incitant à rester dans votre zone de confort. Cette connexion doit ensuite se faire avec le cœur et l’esprit de tous vos collaborateurs pour ensuite se diffuser à tous vos partenaires.

Pourquoi ? Puisque vous osez vous engager à faire une chose qui n’a jamais été faite, les probabilités d’échec sont grandes. Si vous parvenez à vous connecter au cœur et à l’esprit de vos collaborateurs au-delà de leurs compétences, dans un contexte où vous aimez – oui – chacun d’eux pour ce qu’il est (et non pas nécessairement pour ce qu’il fait), et si vous réussissez à faire en sorte que chaque collaborateur soit connecté avec tous ses collègues et avec vous-même, que chacun d’eux se sente responsable de son succès et de celui de tous ses collègues (et non pas en concurrence), alors vous aurez une force incommensurable, car ils sauront eux-mêmes se connecter avec tous les partenaires clés de votre entreprise. L’innovation viendra d’où vous ne vous y attendrez pas. L’innovation deviendra ainsi l’affaire de tous.

LIRE AUSSI: Les underdogs entrepreneurs: quand l'adversité crée des bâtisseurs

Finalement, pour tenir dans la durée et pouvoir faire face aux situations difficiles, vous devrez maîtriser l’« honneur-être », c’est-à-dire honorer votre parole quoi qu’il arrive. Dans l’adversité et face à des problématiques nouvelles, qui allez-vous être ? Allez-vous rester engagé ou abandonner ? Devant les difficultés, toutes les raisons deviennent bonnes pour abandonner. Nous les avons toutes entendues : « C’était vraiment trop ambitieux. Nous devrions réévaluer nos ambitions. Nous nous sommes rendus là, c’est déjà bien… » Honorer qui vous êtes et ce que votre parole vaut véritablement fera toute la différence entre l’échec et la victoire. Comme le disait Thomas Edison : « Beaucoup de ceux qui ont échoué ne se sont pas rendu compte qu’ils étaient aussi près du succès quand ils ont abandonné. »

Tout commence avec un leader qui est prêt à oser l’impossible. Que votre organisation soit en approche ascendante ou descendante, vous aurez besoin d’un leader qui porte la raison d’être et la mission d’être et qui en garantit l’intégrité. Ce genre de leader est un changeur de donne. Une nouvelle réalité – ou une nouvelle donne – commence toujours en osant la déclarer. Alors, qu’allez-vous déclarer ?