Les plus récentes données sur les postes vacants et l’emploi indiquent qu’au-delà des principales perturbations liées aux restrictions «pandémiques», le marché du travail demeure très serré au Québec. Les pénuries de main-d’œuvre régionales et sectorielles actuelles s’expliquent en partie par la vigueur de la reprise économique, mais leur principale cause est encore plus profonde. Le vieillissement accéléré de la population québécoise perturbera tous les aspects de la société et de l’économie du Québec d’ici 2030.

Mia Homsy

Mia Homsy est vice-présidente, Main-d’oeuvre et intelligence économique, à Investissement Québec.

Il n’existe malheureusement aucune solution magique qui éliminerait complètement les effets négatifs de la transformation démographique que nous vivons, pas même l’immigration ou la fiscalité. Il y a toutefois des pistes d’action qui permettraient d’en atténuer les conséquences indésirables. Elles peuvent être regroupées en quatre grandes dimensions :

  • la productivité;
  • le développement des compétences de la main-d’œuvre;
  • la gestion des ressources humaines et l’organisation du travail;
  • les talents internationaux stratégiques.

La mise en œuvre de ces solutions est complexe et exige de profondes transformations des paradigmes et des façons de faire. La capacité des organisations, tant publiques que privées, à agir efficacement sur ces quatre dimensions déterminera si le Québec sortira gagnant de la période de transition démographique qu’il traverse.

Le marché du travail demeure serré

Avec près de 250 000 postes à pourvoir dans l’économie au deuxième trimestre de 2022 et moins de 200 000 chômeurs disponibles pour les combler, le ratio du nombre de chômeurs par poste vacant est maintenant de 0,8, alors qu’il s’élevait à 5 pour 1 en 2016. Ces données démontrent la rapidité du changement qui s’est opéré sur le marché du travail en moins de six ans. Pour les six premiers mois de 2022, le taux de chômage au Québec était à un creux historique de 4,4%, soit le plus faible des provinces canadiennes.

Ce resserrement accéléré du marché du travail a entraîné une forte pression sur les entreprises, les dirigeants et les travailleurs, mais il a également démontré leur résilience. Le taux d’emploi des personnes de 25 à 54 ans, soit le principal groupe de travailleurs, a atteint un sommet et est maintenant le plus élevé au Canada. L’intégration des immigrants sur le marché du travail a fait un bond spectaculaire. Et l’Indice de l’emploi de l’Institut du Québec montre que la qualité des emplois s’est améliorée.

Les solutions existent

Malgré cette embellie, des embûches demeurent et perdureront au-delà de 2030. Voici les pistes les plus porteuses pour les surmonter.

Le principal levier dont disposent les organisations pour combattre les pénuries de main-d’œuvre est certainement l’intensification de l’adoption de solutions technologiques, notamment l’automatisation et la robotisation, afin d’augmenter la productivité. Comme le Québec demeure dans le bas du classement pour sa productivité – malgré les récentes améliorations –, c’est également là que se trouve le plus fort potentiel de gains. Il faut toutefois porter une attention particulière à un déterminant souvent négligé de la productivité: le développement des compétences de la main-d’œuvre.

Le resserrement du marché du travail a fait en sorte que beaucoup d’employeurs ont dû accroître la formation offerte en entreprise. Toutes les économies avancées font face à un vieillissement de leur main-d’œuvre et les organisations qui se démarqueront seront celles qui parviendront à développer les talents de leurs employés.

Chaque année au cours de la prochaine décennie, plus de 100 000 travailleurs devraient quitter leur emploi pour prendre leur retraite. Pour le groupe des personnes de 55 ans et plus, le Québec observe d’ailleurs un taux d’emploi qui demeure inférieur à la moyenne canadienne. La rétention – et donc, l’accommodement – des travailleurs plus âgés qui souhaitent rester actifs avec des horaires réduits et plus de flexibilité s’avère un élément clé pour les organisations.

Une autre solution aux pénuries de main-d’œuvre demeure la présence accrue de travailleurs internationaux. Les données à ce sujet témoignent des besoins: en quelques années, le portrait de l’immigration temporaire s’est métamorphosé. Entre 2016 et 2019, le solde des résidents non permanents est passé de 12 671 à 61 668. Ainsi, alors que le solde des immigrants temporaires représentait en moyenne 9% du solde des immigrants internationaux entre 2012 et 2016, ce pourcentage a grimpé à 64% en 2019.

Même si les pénuries de main-d’œuvre sévissent dans plusieurs régions, secteurs et professions, des solutions pour en atténuer les impacts existent. Maintenant, il faut accélérer leur déploiement à grande échelle, malgré les résistances qui persistent. Le défi est de taille, mais il n’est pas insurmontable.

Article publié dans l’édition Hiver 2023 de Gestion