Le bien-être au travail est un enjeu qui a pris de plus en plus d’importance au cours des dernières années. Et pour cause, puisque le lien entre celui-ci et la performance au travail a été établi clairement. Alors, comment une organisation et ses gestionnaires peuvent-ils prendre soin de leurs équipes?

Même si on y fait souvent référence, la notion de bien-être au travail demeure encore floue pour plusieurs d’entre nous. D’abord, il ne faut pas le confondre avec le bonheur, une émotion qui, par définition, ne dure pas. Le bien-être est plutôt le fait d’éprouver un sentiment de sécurité et s’appuie sur une forme de confort à la fois physique et psychologique. «Concrètement, cela signifie que l’on se sent à l’abri des dangers, tant d’un point de vue physique, mental que psychosocial», illustre Estelle Morin, professeure titulaire au Département de management de HEC Montréal et membre du Consortium de recherche sur l’intelligence émotionnelle appliquée aux organisations. Cela implique d’évoluer dans un climat de travail sain et libre de menaces, où l’on valorise et priorise le bien-être des employés, ajoute Julie Carignan, CRHA, associée et consultante chez Humance. «Le sentiment d’appartenance est également important, de même que le fait de sentir que la mission de l’organisation est alignée sur nos valeurs», complète-t-elle. Le bien-être est toutefois une responsabilité partagée qui relève à la fois de la personne, de l’organisation, mais aussi des gestionnaires. Voici un aperçu de quelques bonnes pratiques.

Le rôle de l’organisation

La culture organisationnelle et les politiques en place au sein de l’entreprise jouent un rôle prépondérant dans le bien-être des employés. «Le sentiment de sécurité relève beaucoup des pratiques de management», note Estelle Morin, qui précise qu’en tout premier lieu, l’entreprise doit assurer un emploi décent à sa main-d’œuvre. Par décent, on entend un travail dans un environnement sain, où l’on peut s’exprimer sans crainte des représailles, où l’on accorde des temps de pause et de récupération, ainsi qu’un salaire et des avantages sociaux convenables. «Lorsqu’une personne se sent en sécurité, dès lors elle disposera de l’énergie nécessaire pour s’investir et s’accomplir dans son travail, et celui-ci lui permettra d’apporter sa contribution non seulement à la mission de l’entreprise, mais également à la société», explique la professeure.

L’organisation pourrait aussi entreprendre une réflexion sur son approche de la productivité et son rapport au temps. «Il y a une différence entre être efficace au travail et devoir passer de longues heures au bureau», remarque Jacques Forest, CRHA, psychologue organisationnel et professeur au Département d’organisation et ressources humaines de l’Université du Québec à Montréal. Il constate d’ailleurs que les pays qui valorisent les loisirs sont aussi ceux où la productivité est élevée.

Le rôle des gestionnaires

Les gestionnaires ont aussi un rôle important à jouer. Apprendre à connaître les membres de son équipe et s’intéresser à eux de façon authentique et sincère font partie des pratiques à mettre en œuvre. «Il faut faire en sorte que les talents des individus soient en adéquation avec les tâches qui leur ont été assignées, afin que leurs capacités et compétences soient mises à contribution. Les employés doivent également avoir la possibilité de faire croître leurs connaissances et de se développer au sein de l’organisation», précise Julie Carignan. «Il est important de leur donner des outils et des occasions d’apprendre. C’est une bonne façon de stimuler l’intérêt et d’éviter qu’ils s’ennuient et perdent leur motivation», renchérit Estelle Morin. Favoriser le travail d’équipe ou adopter un style de gestion basé sur la collaboration sont aussi des conditions gagnantes. De plus, le chef d’équipe aura pour tâche de gérer les employés qui ont un impact négatif sur l’équipe, les personnes toxiques ou qui ont des comportements inacceptables, par exemple.

Julie Carignan ajoute que l’organisation devrait s’assurer, lors du processus d’embauche, de recruter des gestionnaires qui détiennent les compétences nécessaires pour remplir leur mission adéquatement. «Dans leur profil, il faudrait retrouver de l’empathie et la capacité de se préoccuper du bien-être d’autrui», souligne-t-elle.

Comment savoir si nos équipes ressentent du bien-être? Pour cela il est essentiel de demeurer à l’écoute, car, de l’avis d’Estelle Morin, les enquêtes de satisfaction auprès des employés sont littéralement inutiles et ne fournissent pas de bons indicateurs. «Les humains ne sont pas faits pour être satisfaits, mais pour résoudre des problèmes», fait-elle valoir. On devrait donc se montrer attentif à divers signaux, notamment une certaine rigidité dans le corps et la voix, ce qui peut révéler du stress ou de la frustration, l’absentéisme, la difficulté à se sentir impliqué dans les projets, etc. En contexte de télétravail, refuser systématiquement d’allumer sa caméra – même si cela peut être se comprendre ponctuellement – peut aussi être un indice que la personne se referme sur elle-même ou éprouve un sentiment de détresse. Il appartient aux gestionnaires de déployer leurs antennes!