Le 20 septembre dernier avait lieu à Montréal le Sommet québécois du Leadership conscient. Une tribune de choix pour aborder les questions qui se posent aux leaders d’aujourd’hui et de demain, notamment le sentiment que leur organisation est entraînée dans le tourbillon du dysfonctionnement de la société. Ce qu’André Coupet, complice et conférencier de ce Sommet, appelle l’angoisse écologique. Une angoisse qui pousse ces leaders à l’introspection et à la recherche de nouvelles façons de penser et de faire, tant pour eux que pour leur organisation.

Car être un leader conscient, ce n’est pas seulement comprendre ce qui se passe : c’est aussi participer activement au débat et proposer des réponses à ces questions essentielles. Au-delà des idées, des convictions et des théories, quelques précurseurs ont partagé avec nous leur expérience lors de ce Sommet. Nous y avons participé, de manière à nous inspirer de ces exemples audacieux pour mieux accompagner les organisations sur le chemin d’un leadership éclairé, modelé par des valeurs humanistes et s’inscrivant dans une perspective sociétale durable. Ce qui n’est pas sans nous questionner nous-mêmes pour devenir de meilleurs leaders, des artisans d’un monde meilleur.

L’incontournable Connais-toi toi-même

Lors de ce sommet, la pratique du yoga et de la méditation s’est imposé comme moyen de renouer avec soi-même de mener leurs aspirations à un niveau supérieur. David Côté et Mathieu Gallant, fondateurs de Crudessence, ont utilisé ces pratiques pour s’observer, s’ancrer à l’intérieur d’eux-mêmes, créer ou recréer le lien entre leur corps et leur esprit. De là, la raison d’être de leur organisation a refait surface et ils ont mis de côté la performance à tout prix pour se concentrer sur le dépassement de la seule satisfaction du client et pour donner une mission supérieure à l’organisation. Cette mission « supérieure » a eu pour effet de créer du sens, de rassembler les employés autour d’objectifs inspirants et de créer un fort sentiment d’appartenance et de mobilisation au sein de l’organisation. « Beaucoup de personnes m’ont contacté pour me dire que leurs habitudes alimentaires avaient été transformées », confiait avec fierté David Côté.


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L’éternelle quête de liberté

Suite à une intense et longue remise en question du modèle traditionnel de son organisation, Steve Bussière, Président de Bussière Groupe, est parvenu à la transformer en une organisation « libérée ». Aux méthodes de management top-down il a opposé une profonde confiance du leader envers ses employés. Comment ? En pratiquant l’écoute de soi et en se connectant avec les autres, ce qui a renforcé son écoute, sa disponibilité, sa présence. Et en adoptant de nouvelles pratiques, comme le fait de s’affranchir d’objectifs de croissance agressifs et d’accorder davantage d’autonomie et de responsabilités à ses employés. Exemple : les employés remplissent et approuvent eux-mêmes leurs feuilles de temps, incluant les heures supplémentaires. Un message de confiance qui a porté ses fruits, l’entreprise atteignant de meilleurs résultats que les années précédentes.

Le « Purpose* » comme pierre angulaire

David Côté, de Crudessence, a abordé la question du « purpose » avec autant d’enthousiasme que de conviction. Le constat est le suivant : le leader conscient doit réfléchir et se poser la question fondamentale de la raison d’être de l’entreprise, de l’organisation, voire de sa propre personne en tant que leader – pour qu’émerge le « purpose » qui sera le moteur de toutes les actions, toutes les décisions et… toutes les motivations à l’interne. Ce « purpose » ne peut plus et ne doit plus être la rentabilité à tout prix : il doit s’inscrire dans une vision plus large et répondre à la question suivante : qu’est-ce que nous apportons à nos clients et à la société, comment les faisons-nous évoluer vers de plus belles valeurs, de plus belles réalisations? Sans réponse à cette question, l’organisation n’aide pas la société à relever tous les défis auxquels elle fait face. À la limite, elle fait partie du problème…


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Le leader conscient n’est pas un modèle unique

Burn-out, crise existentielle et malaise sont autant d’états d’esprit qu’ont connus nos intervenants suite à des années passées dans un environnement qui ne répondaient pas à leurs valeurs. Ce qu’ils nous enseignent, c’est qu’il n’existe pas de leadership conscient unique : le leader conscient est d’abord et avant tout celui qui connaît ses valeurs, ses convictions, ses ambitions, et qui agit en adéquation avec ce qu’il est et ce en quoi il croit. De là, il existe autant de leaderships conscients que de leaders conscients et c’est précisément ce qui fait toute la force de ces démarches qui prennent leurs racines dans l’individu et qui se réalisent pour et avec le groupe.

Ces leaders refusent-ils la croissance et la performance ? Pas du tout. Au contraire, c’est en reconnaissant les limites et les conséquences de la croissance purement économique qu’ils développent une autre forme de croissance, autrement plus noble : celle des individus qui composent leurs organisations… incluant eux-mêmes.


* «purpose» pourra être traduit par raison d'être