Il est tentant de se persuader que les risques liés à l’éthique ne s’appliquent pas à notre contexte de travail. Mais l’actualité récente amène plusieurs gestionnaires à se demander si leur équipe est à l’abri de situations de dérive déontologique ou d’inconduite flagrante. Or, afin d’être mieux outillé, il faut tout d’abord connaître certaines vérités... à propos du mensonge.

Première vérité : les petits mensonges et les abus en apparence anodins sont souvent précurseurs de plus grandes transgressions

Les premiers actes d’inconduite sont en effet susceptibles d’entraîner une désensibilisation et de mener à des gestes plus graves. Les recherches récentes en neurosciences confirment d’ailleurs cette notion d’escalade : le cerveau s’adapte au mensonge1. La leçon pour le gestionnaire est donc claire : il faut agir dès que surviennent les premiers comportements répréhensibles, même s’ils nous semblent insignifiants. Sinon, l’aveuglement volontaire ou la banalisation risquent de nous jouer un vilain tour.


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Deuxième vérité : en général, les gens qui commettent des actes d’inconduite, qui transgressent les règles ou qui ont recours au mensonge ne sont pas très différents de leurs collègues plus honnêtes

C’est plutôt l’effet multiplicateur de certains facteurs qui peut être générateur de gestes déviants. Par exemple, un climat de forte pression afin d’atteindre les objectifs établis, une charge de travail élevée et du laxisme dans l’application des règles peuvent conduire des gens intègres à agir de façon malhonnête. Derrière la faute se cachent parfois des motivations élémentaires, notamment le désir de bien paraître ou un réflexe de survie. Même la fatigue accroît le risque d’entorses aux règles ! Ainsi, une vulnérabilité organisationnelle pouvant mener à une véritable crise est bien souvent le résultat de transgressions systémiques liées à de nombreux problèmes observables dans l’environnement social et organisationnel2.

Troisième vérité : l’existence de sanctions, même lourdes de conséquences, n’est pas nécessairement un facteur dissuasif

En d’autres termes, une personne peut décider de contrevenir aux règles en vigueur même si elle risque de se faire prendre la main dans le sac et de s’exposer à des mesures punitives. Afin d’instaurer une véritable culture d’intégrité, un gestionnaire doit investir le champ de la gestion des risques et miser sur une variété de stratégies. Même dotée d’un code d’éthique, de règlements clairs et de sanctions dissuasives, une organisation ne peut jamais prétendre qu’elle ne court aucun risque. Même Enron avait un code d’éthique ! On surestime toujours l’efficacité des règles et des directives en matière de gestion des comportements. Un cadre normatif fondé sur des sanctions et sur des mesures de contrôle suscite parfois de l’ambiguïté, alors que les enjeux d’éthique commandent de l’écoute, de l’accompagnement et de la responsabilisation3.

Pour une culture éthique

Pratiques propices

  • Être soi-même un modèle à suivre en matière d’intégrité

  • Exposer les effets de l’inconduite sur les groupes et sur les personnes

  • Mettre l’accent autant sur les processus que sur les résultats

  • Fournir les ressources nécessaires afin que les employés puissent donner leur plein rendement (exemples : temps, budget, équipement, charge de travail)

  • Renforcer une culture de communication et de transparence qui amène les gens à réfléchir aux risques de leurs actions

Pratiques à éviter

  • Embaucher des candidats talentueux sans sensibilité pour les dilemmes éthiques (culture de la réussite à tout prix, individualisme marqué, réputation douteuse)

  • Faire l’autruche et banaliser les transgressions

  • Négliger l’effet des facteurs environnementaux sur les comportements répréhensibles

  • Se fier uniquement aux règles et aux normes pour gérer les risques


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La gestion du mensonge et des infractions graves

En investissant le champ des valeurs organisationnelles, un gestionnaire permet à ses équipes d’intégrer des références communes qui leur serviront lorsqu’elles se heurteront à des dilemmes. Les employés observent leur environnement et leurs gestionnaires, testent les limites et peuvent ainsi reproduire ce qui semble toléré. Plus encore, le danger du relativisme dans ce qui peut sembler acceptable met à mal la prévisibilité souhaitée dans la gestion des équipes.

Ainsi, afin d’éviter la normalisation des gestes contraires aux règles énoncées, le gestionnaire doit miser en amont sur une socialisation des comportements. Ce faisant, il évite de se sentir impuissant devant un « désengagement éthique4» de la part de son équipe. Dans une approche destinée à renforcer l’autonomie du jugement individuel et la responsabilisation, une décision raisonnable peut également être appuyée et justifiée par des valeurs et des normes partagées.


Article publié dans l'édition printemps 2018 de Gestion


Notes

1. Garrett, N., Lazzaro, S. C., Ariely, D., et Sharot, T., « The brain adapts to dishonesty », Nature Neuroscience, 2016.

2. Legault, G. A., Professionnalisme et délibération éthique – Manuel d’aide à la décision responsable, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2003.

3. Lacroix, A., « L’insuffisance du droit en matière d’éthique ou les lois sur l’éthique : un voyage au pays de l’absurde ! » , Éthique publique, 2011.

4. Boardley, I. D., et Grix, J., « Doping in bodybuilders : a qualitative investigation of facilitative psychosocial processes, Qualitative Research in Sport, Exercise and Health »