Un nombre grandissant d’entreprises prennent en compte les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans l’élaboration de leur stratégie. Intégrer ces critères de manière engagée nécessite toutefois le développement de compétences particulières par les gestionnaires.

E, S et G. Trois lettres renseignant sur les bonnes pratiques environnementales, sociales et de gouvernance des entreprises. Souvent confondus ou mis sur le même pied que la responsabilité sociale d’entreprise (RSE), les critères ESG n’en sont en réalité qu’un fragment. Ils servent de cadres, d’indicateurs de la performance des entreprises à être «responsables». «La RSE s’insère elle-même dans un débat plus large qui est celui du développement durable et du rôle que les organisations ont à y jouer», résume Luciano Barin Cruz, professeur titulaire au Département de management de HEC Montréal et formateur à l’École des dirigeants HEC Montréal*.

Dans le radar des investisseurs

Aujourd’hui, 91% des 200 plus grandes sociétés canadiennes[1] rendent compte de leurs performances en matière de durabilité ou de critères ESG, selon une étude réalisée par le cabinet d’audit KPMG en 2022. Bien qu’elles n’y soient pas contraintes légalement, trois raisons peuvent pousser les entreprises à intégrer les critères ESG à leur modèle d’affaires, explique le professeur : les raisons stratégiques, de gestion de risque et le choix moral. Mais celles-ci s’entrecroisent bien souvent : «Les critères ESG peuvent représenter une opportunité d’atteindre un marché qui va se développer. Mais les adopter peut aussi relever de la gestion du risque : une entreprise qui ne les prend pas en compte d’ici quelques années pourrait perdre des investisseurs potentiels».

Car les informations relatives à ces indicateurs sont de plus en plus prisées par l’industrie financière, qui les utilise pour affiner ses prédictions, précise-t-il : «Quelqu’un qui investit dans une entreprise qui a de l’immobilier en Floride va peut-être avoir l’œil sur les actions qu’elle va prendre au cours des 5-10 prochaines années pour sortir de cette région où les risques physiques d’inondation vont augmenter».

Former les dirigeants, un devoir

L’intérêt marqué des investisseurs pour les indicateurs ESG des entreprises est le corollaire d’une prise de conscience qui s’opère au niveau global, estime le professeur : «On parle de moins en moins de développement durable et de plus en plus de transition socioécologique, ce qui signifie qu’on reconnaît l’importance d’agir. L’heure est maintenant à la transition vers une économie à bas carbone, et qui se préoccupe davantage des questions sociales».

Une transition qui passe par la formation des dirigeants d’aujourd’hui et de demain, croit Luciano Barin Cruz, qui ajoute qu’il en va de la responsabilité des universités : «Parce que, que ça plaise ou non, l’économie évolue dans cette direction-là. Je ne peux pas imaginer qu’un gestionnaire soit formé à HEC Montréal sans être un minimum compétent sur ces questions».

Un leadership rigoureux et lucide

Et les compétences, sur les questions de transition socioécologique, s’acquièrent sur trois niveaux, estime l’enseignant : le savoir, le savoir-faire et le savoir-être : «Un gestionnaire doit d’abord et absolument savoir ce que de grands enjeux de société comme les changements climatiques ou la biodiversité signifient et impliquent pour une organisation dans ses différentes fonctions : marketing, logistique, finance, management, etc.»

Luciano Barin Cruz plaide aussi en faveur de la formation des gestionnaires à la maîtrise d’un certain nombre d’outils leur permettant de travailler avec méthodologie, par le biais notamment de techniques d’analyse : «Tout le monde va devoir savoir comment réaliser une matrice de matérialité ou comment évaluer le scope 1, 2 et 3 dans le calcul des émissions de CO2

Il s’agit enfin de travailler avec les individus pour qu’ils comprennent le lien qu’entretiennent les organisations avec l’écosystème. «On vit dans un environnement fini, au sein duquel nous sommes tous connectés par la biodiversité. Il est normal que l’on essaie de gérer les organisations à l’intérieur des limites de la planète», soutient le formateur.

Au bout du compte, ces compétences visent à permettre aux dirigeants de développer un niveau d’action et d’influence qui puisse tendre vers le collectif, reprend Luciano Barin Cruz : «En le faisant avec rigueur et en connaissance de nos limites».

Par où commencer?

Deux formations sur ces enjeux sont offertes à l’École des dirigeants de HEC Montréal :

Cette formation donnée par Julien Le Maux et Valérie Cecchini a pour but de permettre aux administrateurs et aux dirigeants d’acquérir des connaissances et des outils sur la finance durable, les risques climatiques et ses principaux défis, afin de mieux maîtriser les enjeux ESG et de les intégrer au sein de leur organisation.

Animée par Yves Plourde, cette formation outille les participants pour comprendre les enjeux des changements climatiques, cibler les occasions de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et mettre en place des démarches concrètes pour améliorer la performance environnementale de leur entreprise.


Note 

*Luciano Barin Cruz pilote également la Direction de la transition durable et dirige le pôle IDEOS de HEC Montréal.

[1] KPMG, De grands changements en petites étapes, Sondage sur les rapports sur le développement durable : Étude canadienne, 2022.