Autrefois vue comme un talent, la créativité est plutôt considérée aujourd’hui comme une compétence. Comment la définir et, surtout, la cultiver? 

À l’heure actuelle, toutes les entreprises veulent innover pour se démarquer de la concurrence. Pour ce faire, elles cherchent des gens créatifs et audacieux. Cependant, malgré ces vœux pieux, toutes ne sont pas prêtes à mettre en place les conditions nécessaires pour attirer ou développer ces talents, comme le fait remarquer Michel Di-Lillo, CRHA, vice-président, Formation et services-conseils, au sein de la firme Actualisation IDH. Petit guide et mode d’emploi.

Série Compétences

De quoi est faite la créativité?

De l’avis de Marie-Claude Gaudet, CRHA, professeure adjointe au Département de gestion des ressources humaines de HEC Montréal, la créativité fait référence à la capacité d’un travailleur à générer ou à concevoir des idées qui ont de la valeur pour son équipe ou son organisation. «Elle est liée à notre pensée divergente, c’est-à-dire à notre capacité à générer des idées nouvelles qui sortent des sentiers battus. Elle nous aide aussi à trouver des solutions innovantes aux problèmes complexes, omniprésents dans le monde actuel», explique-t-elle.

Pour sa part, Laurent Simon, professeur titulaire au Département d’entrepreneuriat et innovation de HEC Montréal, segmente la créativité en deux volets. Tout d’abord, il y a l’empathie, grâce à laquelle on saisit mieux les besoins des autres – les clients et les employés, par exemple –, et on y répond avec des propositions novatrices et adaptées. Puis il y a la collaboration, où la créativité se traduit de façon collective et non plus individuelle, pour pouvoir faire face à la complexité. «La créativité est nourrie par l’appréhension des besoins, orientée vers l’action, et s’exprime de façon collective», résume Laurent Simon.

Selon lui, on n’est plus en mesure de se passer de la créativité. «Dans une économie mondialisée au sein de laquelle la compétition est féroce, elle peut permettre de tirer son épingle du jeu. Pour y parvenir, on doit réinterpréter son équation de valeur; faire mieux, autrement et plus vite, en travaillant sur la personnalisation, l’empathie et la créativité», estime-t-il.

Si cette compétence a été longtemps boudée par les gestionnaires, elle est désormais très appréciée en temps de crise, comme on l’a vu durant la pandémie. «Actuellement, on assiste aussi à une transition vers une forme de créativité plus entrepreneuriale, basée sur la capacité à imaginer les choses et à se projeter en avant, et à se positionner sur de grands idéaux et enjeux sociétaux comme l’inclusion, la diversité, le développement durable, etc.», fait-il valoir.

Cultiver la créativité

Les perspectives ont beaucoup évolué depuis les années 1980. Aujourd’hui, on estime que la créativité est un muscle qui peut s’entraîner et se développer. En ce sens, le défi des gestionnaires est de fournir aux employés l’environnement et les ressources dont ils ont besoin pour faire croître cette compétence.

Bonne nouvelle : des études ont démontré que la capacité de pensée divergente et de créativité peut être améliorée chez les gens par le biais de formations, plus précisément par des simulations, des exercices pratiques et des mises en commun d’idées en groupe. La création d’un contexte qui favorise les échanges et la mise en place du coaching font aussi partie des stratégies possibles. Pour sa part, Michel Di-Lillo recommande aux gestionnaires d’offrir des ateliers sur l’innovation et les remue-méninges. On peut aussi avoir recours à des méthodes comme Design Thinking et Lean Start Up.

Mais ce n’est pas tout. «On doit également favoriser le sentiment de sécurité psychologique et la culture d’apprentissage dans les équipes, tout en donnant aux employés l’espace mental et le temps nécessaires pour développer leur créativité. Car il est bien difficile d’être créatif quand on a la tête sous l’eau et des montagnes de préoccupations…», soulève Marie-Claude Gaudet.

De l’avis de Pierre Lainey, maître d’enseignement au Département de management de HEC Montréal, l’avenir appartient aux entreprises qui innoveront. Les gestionnaires devront donc créer les conditions adéquates pour cela, notamment en incitant les gens à travailler ensemble et en s’assurant de mettre sur pied des équipes diversifiées, ce qui favorisera l’émergence d’idées novatrices. «En plus de fournir les ressources et les outils aux équipes, il faut aussi leur donner le droit à l’erreur et encourager la prise de risques», ce qui n’est pas toujours du goût de toutes les organisations, reconnaît-il…

Ainsi donc, comment peut-on développer cette compétence en tant qu’employé? En gardant l’esprit ouvert et curieux, en s’informant sur son entreprise et son industrie et en demeurant attentif aux besoins de la clientèle, estime Laurent Simon.

Pour faire valoir sa créativité dans son CV, l’idéal est de mettre de l’avant des réalisations concrètes qui démontrent sa capacité à trouver des solutions, à changer et améliorer les pratiques ou à proposer de la valeur. Allez, on fonce!