Les Putchistes promettent toujours des jours meilleurs. Qu'en est-il réellement?

Pour prospérer, l'Histoire nous enseigne que les sociétés ont besoin d'un certain degré, sinon d'un degré certain, de stabilité sociale, politique et économique. Un simple coup d’œ'œil au classement des nations les plus développées suffira à s'en convaincre. La chronologie contemporaine de contrées telles le Canada ou l'ensemble des pays scandinaves, par exemple, prend plutôt des allures de long fleuve tranquille, ponctuée ça et là de légers soubresauts. Mais rien pour écrire à sa vieille tante! À l'inverse, certaines régions du monde semblent abonnées aux actualités, enfilant les changements radicaux à intervalles plus ou moins longs.

Turquie-CanadaLe cas récent de la Turquie illustre bien ce fait. Le coup d'État manqué de la mi-juillet et la purge qui a suivi ne manquera pas, selon les observateurs avisés, d'avoir un impact sur l'économie de ce pays de presque 80 millions d'habitants (lire l'article de Nigel Stephenson intitulé « Turkey coup impact seen limited but instability fear remains », sur le site de l'agence britannique Reuters), qui avait auparavant connu trois coups d'État depuis 1960. Quant à ces impacts, il est évidemment trop tôt pour en déterminer l'amplitude...

L'exemple turc peut toutefois amener à s'interroger sur les effets d'un coup d'État sur l'économie d'un pays donné. Car la chose a son importance, évidemment pour les populations concernées et leurs partenaires économiques, mais également parce que les coups d'État sont monnaie courante, comme l'indique le professeur Erik Meyersson, dans son article publié sur le site Internet de la Harvard Business Review (lire « Turkey and the Economics of Coups »). Depuis 1950, 457 coups d'État ont été tentés (soit presque sept par année!) et la moitié (232) ont atteint leur objectif de renverser le pouvoir en place. Le quart de ces insurrections victorieuses ont chassé du pouvoir un gouvernement démocratiquement élu.

Un changement pour le mieux?

Tous les coups d'État, ou presque, sont menés au nom d'une situation jugée inacceptable ou intolérable, et promettent aux populations qui en sont témoin et qui les subissent des lendemains qui chantent. Mais qu'en est-il réellement? En observant de près l'évolution du PIB per capita des pays ayant connu des coups d'État réussis sur une période de onze années¹, le professeur Meyersson a fait la démonstration que dans les pays de tradition démocratique, le PIB par habitant chutait de 1,0 % à 1,3 % annuellement, et ce sur une période dix années. Dans le cas de pays qualifiés d'autocratiques par le chercheur, ce même PIB par habitant augmentait de 0,7 % par année, sur la même période étudiée. Mais attention! Dans ce dernier cas, le chercheur signale que cet effet positif est à tempérer fortement, puisque statistiquement plus imprécis. Donc, pas question de se faire l'apologiste des coups d'État comme outil de croissance économique dans le cas des pays autocratiques!

Ce qu'Erik Meyersson constate au final, c'est qu'un coup d'État s'avère, dans un cas comme dans l'autre, négatif pour le développement économique des pays concernés, et a fortiori lorsqu'un coup d'État survient dans un pays démocratique. Le chercheur signale que la concentration du pouvoir entre les mains des militaires (qui ne sont pas nécessairement les plus qualifiés pour diriger une économie, signale l'auteur!), la suspension de l'État de droit et des libertés civiles, la répression, l'émergence de la corruption et la réallocation des ressources du pays vers les secteurs jugés prioritaires par l'armée, et cela souvent au détriment de l'éducation ou de la santé, sont un lourd tribut à payer pour la population sur place.

Rien d'autre à ajouter à ce propos, sinon que de citer l'auteur latin Plaute : Homo homini lupus est, l'homme est un loup pour l'homme...


¹ Soit une année avant l'insurrection et une décennie suivant cette dernière.