Pas facile de développer le tourisme en région éloignée! La coopérative de solidarité pourrait être un modèle d’affaires capable de rassembler expertises et énergies autour d’un même objectif : renforcer le pouvoir d’attraction et vitaliser le territoire. Le tout, au bénéfice des communautés locales.

Depuis le film La grande séduction, en 2003, Harrington Harbour (alias Sainte-Marie-la-Mauderne) est enfin sorti de l’anonymat. Le petit port de pêche nord-côtier de 260 habitants, sans routes ni voitures, est devenu en quelques années une escale touristique pour les croisiéristes du Saint-Laurent. Mais les années passent et l’effet Grande séduction s’émousse. De plus, les autres localités de la Basse-Côte-Nord, tout aussi attrayantes, ont bien du mal à susciter le même engouement touristique.


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« C’est de cette constatation qu’est née l’idée de créer une coopérative pour soutenir le développement touristique en Basse-Côte-Nord, » explique Alberte Marcoux, directrice générale de Voyages Coste, une coopérative de solidarité en tourisme équitable. « Pour des régions éloignées comme la nôtre, impossible d’attirer du monde si on n’unit pas nos forces », ajoute-t-elle.

Une étude de faisabilité, menée en 2009 et financée par les municipalités régionales de comté (MRC) de la Basse-Côte et de la Minganie, conclut qu’une coopérative de solidarité est le meilleur modèle d’affaires pour harmoniser capital touristique et capital humain. Un plan directeur du tourisme élaboré à la suite d’un forum en Basse-Côte a aidé les acteurs du milieu à développer leurs expertises dans une optique rassembleuse et en conformité avec deux priorités : le meilleur effet social pour un impact environnemental moindre. Financée par diverses institutions gouvernementales (ministères du Tourisme, du Développement économique de l’Innovation et de l’Exportation) et régionales (Centres locaux de développemnent de la Basse-Côte-Nord et de la Minganie, Conférence régionale des élus), la coopérative rassemble aujourd’hui 69 membres, usagers ou travailleurs, – compagnies d’aviation, établissements hôteliers, antennes touristiques, détaillants – engagés dans chacun des produits touristiques, notamment dans des forfaits sur le navire de croisières Bella Desgagnés (voir photo ci-contre). Quelque 1 200 visiteurs, dont une centaine originaires de France, ont découvert en 2015 ce lointain coin de pays grâce à la synergie des forces collectives.  Une synergie des forces qui, pour convenir à des territoires hors des grands axes touristiques, n’en exige pas moins un travail acharné et… durable comme c’est le cas à Vallée Bras-du-Nord, une coopérative de plein air située à Saint-Raymond de Portneuf (région de Québec).

« La coopérative est née d’une mobilisation des entreprises locales – tourisme, compagnies forestières – et des propriétaires terriens soucieux de protéger durablement ce territoire exceptionnel », explique son directeur général Frédéric Asselin.


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Canot-camping, vélo de montagne, randonnée, canyoning : la Vallée Bras-du-Nord est devenue en 15 ans l’une des destinations écotouristiques les plus dynamiques du Québec. La coopérative est d’ailleurs citée en exemple aux niveaux national et international, notamment pour son action en réinsertion sociale : son projet « En marche » emploie des jeunes aux prises avec des problèmes de dépendance ou d’échec scolaire. De plus, l’organisme a mis sur pied un programme plein air pour les élèves de 4e et 5e secondaire de l’école Louis-Jobin, à Saint-Raymond.

« Le modèle coopératif avec un bon leadership favorise l’expertise diversifiée et la démocratie participative, essentielles pour l’enracinement dans la communauté et la pérennisation des activités, affirme monsieur Asselin. Mais ce modèle n’est pas le plus naturel, surtout pour des entreprises privées, comme les compagnies forestières. Et les enjeux liés aux finances, aux ressources humaines et aux intérêts divergents sont parfois difficiles à concilier. »

Car économie sociale ou pas, une coopérative s’inscrit dans un cadre d’affaires et doit viser la rentabilité. Cette dernière constitue un objectif difficile à atteindre pour une structure économique « qui séduit peu les investisseurs privés à cause du manque de pouvoirs décisionnels qu’ils exercent et des revirements soudains susceptibles d’advenir lors des conseils d’administration », soutient Ronald Arseneault. Ce dernier est directeur général de la coopérative de solidarité Contact qui propose une expertise-conseil en développement durable (Contact Innovation); il possède également une usine de transformation du bois (Contact Signature) et, de plus, prévoit le développement d’un volet écotouristique dans les prochaines années (Contact Nature). Avec ses 70 membres, cette coopérative gaspésienne, choisie comme laboratoire dans le cadre de la Politique de développement rural en 2007, entendait favoriser dans un même élan société, économie, environnement et agriculture. Pour tenter de régler le problème de capitalisation, Ronald Arseneault explore depuis quelques années le mariage avec le secteur privé. En effet, la coopérative Contact est coactionnaire à 50 % d’une entreprise incorporée en partenariat avec Huttopia, une compagnie française qui construit des chalets préfabriqués avec le bois qui sort des usines de Contact Signature. Grâce à ce partenariat, la coopérative gaspésienne a multiplié son chiffre d’affaires, créé plusieurs emplois et s’inscrit désormais dans la durée. Un exploit dans une région en perte de vitesse.