Persuader un employé, un patron, un collègue, un bailleur de fonds, un partenaire d’affaires : vendre ses idées et rallier les troupes est essentiel dans le monde du travail. Si c’est plus naturel pour certains, il est toutefois possible de parfaire cet art.

Gaëtan Namouric l’avoue d’emblée. Quand il est arrivé au Québec, il y a plus de 20 ans, il était maladivement timide. Malgré cela, il a choisi un métier où les présentations et les contacts sont légion, d’abord comme publicitaire, puis en lançant Perrier Jablonski, une firme d’accompagnement stratégique, raconte-t-il. Convaincre fait donc partie de son quotidien. «Même si ce n’était pas naturel pour moi, j’ai appris à le faire.»

Selon lui, le seul secret, c’est… de se pratiquer! «Il faut faire énormément de présentations, en sachant que des fois, ce sera une réussite, d’autres pas. Mais avoir une moyenne parfaite au bâton, c’est impossible. Alors, même quand c’est perdu d’avance, je suggère de se lancer pour s’entraîner. Au fil du temps, on va finir par anticiper les questions, les commentaires», explique celui qui est aussi chargé de cours à HEC Montréal.  

Une vision que partage Isabelle Lord, CRHA, présidente de Lord Communication managériale. La coach, formatrice et auteure propose de tester vos habiletés sur des dossiers du quotidien. «On peut travailler son influence sur des sujets qui sont à notre portée, à plus petite échelle, comme convaincre un collègue ou soumettre des idées pour le party des employés», donne-t-elle en exemple. Cela permet de voir si c’est facile ou non pour vous de rallier les troupes et d’ajuster le tir. Beaucoup de livres ont aussi été écrits à ce sujet, ajoute-t-elle.

Tout ne part pas de soi

Pour convaincre, il d’abord faut vous mettre en tête que, même si vous pensez que vous avez la meilleure idée du monde, cela peut laisser votre interlocuteur de marbre, soulève Gaëtan Namouric. Le stratège vient d’ailleurs tout juste de faire paraître Ce que vous avez à dire n’intéresse personne, un livre dont le titre résume bien sa pensée. «Évidemment, quand on a mis son temps, sa passion, son énergie à développer une idée, on est certain que tout le monde va trouver ça génial. Alors qu’au fond, on doit d’abord se persuader que tout le monde s’en fout!»  

«C’est une erreur de croire que ce qui compte, c’est vous, poursuit-il. Je caricature un peu, mais certains se préparent en se regardant dans le miroir, en pratiquant l’enchaînement de leurs arguments. Mais ils oublient de prendre le temps de réfléchir à la personne en face d’eux. Est-ce qu’elle connaît votre industrie, votre produit? Est-ce qu’elle a des inquiétudes, des besoins particuliers? Est-ce qu’il y a des influences autour d’elle qui vont faire que ce n’est pas elle qui décidera?» 

En effet, plusieurs ont la fausse impression que, s’ils livrent leurs arguments, ils vont forcément obtenir une réponse positive, renchérit Isabelle Lord. Or, il faut adapter votre discours en réfléchissant aux résistances de votre interlocuteur, à ses réserves ou aux enjeux qui lui sont propres. «Se mettre dans les souliers de l’autre nous permet aussi de savoir à quoi s’attendre comme questions», soutient-elle. Autrement dit, «c’est en démontrant à la personne, dans sa logique, que l’idée est bonne pour lui qu’on a le plus de chance de le convaincre», résume-t-elle.

Une bonne préparation

En plus de préparer votre argumentaire, il faut aussi réfléchir à votre introduction. Un incontournable, selon Isabelle Lord. «Pour mettre la table, il faut d’abord présenter le contexte, expliquer les points qui seront exposés et le message à retenir.» Une façon d’aider votre interlocuteur à comprendre tout de suite la direction que vous prévoyez prendre. De la même manière, elle conseille de ne pas vous éparpiller. «Quelqu’un qui est capable de synthétiser, qui tient des propos simples et clairs, a vraiment plus de chances de convaincre.»

Elle suggère aussi d’interagir avec vos interlocuteurs pour sentir la température de l’eau et vous ajuster en cours de route. «Pour cela, on peut prévoir quelques questions d’interaction. Par exemple, on pourrait demander dans quelle mesure cela s’aligne avec votre vision. Comment ça peut se déployer dans votre équipe?» Car présenter n’est pas tout. Il faut parfois ouvrir la conversation pour rallier les troupes ou tout simplement les sensibiliser à certains enjeux.

Les secrets d’un bon pitch

«Pour faire un bon pitch, il faut tirer son auditoire vers nous, leur donner envie d’être avec nous sur la photo, illustre quant à lui Gaëtan Namouric. Mais cela ne suffit pas, il faut faire atterrir notre avion avec des arguments rationnels. Si on ne le fait pas et qu’on reste en haut, les gens vont se dire que c’est intéressant, mais qu’il est dans sa tête.» Bref, il est important de trouver le juste équilibre entre le côté plus créatif et le côté plus cartésien, en mettant de l’avant différents éléments de l’histoire, comme votre ambition, vos convictions, mais aussi votre crédibilité.

Il recommande également de faire du «reverse engineering» et d’expliquer la logique qui vous a amené à cette idée, à ce produit… «Cette histoire, il faut la raconter, car les gens en face veulent savoir que vous avez fait vos devoirs, que vous ne vous êtes pas réveillé un matin et que vous avez eu une sorte d’illumination.»

Mais surtout, rappelle-t-il, chaque présentation comporte sa part d’imprévus, et donc d’improvisation. «C’est sûr qu’il va se passer quelque chose, que le projecteur ne fonctionnera pas ou qu’il faudra présenter en anglais parce qu’il y aura des personnes de Toronto dans la salle.» Voilà pourquoi Gaëtan Namouric suggère de vous faire confiance et de relâcher un peu la pression. «Même si vous vous trompez, si vous avez fait vos devoirs, si vous avez étudié sérieusement la question, cela vous fera marquer des points. Et généralement, les clients achèteront votre démarche, plutôt que votre première idée.»

De grands principes qui peuvent s’appliquer non seulement pour vendre vos services, mais aussi pour convaincre votre équipe, votre collègue ou votre patron. Bref, il faut relâcher la pression et… oser.