Les valeurs reliées à l’équité, à la diversité, à l’inclusion (EDI), mais aussi au développement durable, pour ne nommer que celles-ci, ont fait leur chemin au cœur des organisations. Mais comment faire en sorte qu’elles ne soient pas qu’une façade ou un outil de marketing?

Sous la pression sociale, de nombreuses entreprises ont adopté des politiques en matière d’EDI ou de développement durable, par exemple, au cours des dernières années. «Plusieurs ont importé ces préoccupations sans même que cela soit le fruit d’une réelle réflexion», constate Joé T. Martineau, professeure agrégée au Département de management à HEC Montréal, dont l’un des champs d’expertise est l’éthique organisationnelle.

Car la tentation est grande de «surfer sur la vague» et d’en faire un argument de marketing ou de relations publiques, dans le but d’attirer les consommateurs, les talents ou les investisseurs. «On parle dès lors d’EDIwashing ou d’ethicwashing. Ce faisant, on passe complètement à côté des vraies valeurs sur le plan éthique», prévient la professeure. Dans ce domaine, elle remarque aussi qu’une autre erreur fréquente consiste à dissocier le travail des spécialistes en éthique organisationnelle de ceux en EDI, qui devraient pourtant œuvrer main dans la main.

Les risques du «découplage»

Or, en faisant des promesses qui ne sont pas en lien avec leur réalité, les organisations courent le risque que leurs engagements ne trouvent pas d’écho à l’interne. Au bout du compte, il se crée une certaine distance, un découplage (decoupling) qui génère une perte d’authenticité et une rupture du lien de confiance. Ultimement, cela peut aussi déboucher sur du cynisme et un désengagement par rapport à la culture de l’entreprise. «Il y aura un impact négatif important, sans parler de l’atteinte à la réputation. Les consommateurs ne sont pas dupes et se montrent de plus en plus méfiants à cet égard», explique Joé T. Martineau.

L’une des règles de base consiste donc à ne pas se lancer dans des campagnes et des initiatives uniquement pour la façade. «Sinon, on s’expose à un effet boomerang. D’ailleurs, il est préférable de ne rien faire du tout plutôt que de prendre des engagements artificiels», souligne Julie Carignan, psychologue organisationnelle, CRHA et associée chez Humance.

«Pour que cela fonctionne, l’organisation doit se baser sur une réflexion authentique qui tienne compte de sa réalité. En ce sens, elle devra poser un réel diagnostic, voir les mesures qu’elle peut appliquer de façon réaliste et se fixer des objectifs atteignables», ajoute Joé T. Martineau.

L’exemple et les actions tangibles devraient aussi partir de la haute direction, puis cascader jusqu’aux autres niveaux, mentionne Julie Carignan. Il faudra par la suite effectuer des suivis, célébrer le travail accompli et les résultats obtenus. Un investissement qui demande du temps, des efforts et un travail en continu, mais qui en vaut la peine.

Autre condition gagnante : appliquer une démarche que les autres parties prenantes et partenaires clés de l’entreprise pourront comprendre, s’approprier et à laquelle ils sont susceptibles d’adhérer.

Bien s’outiller

Que peuvent faire les gestionnaires pour devenir des courroies de transmission efficaces des pratiques EDI, notamment au sein de leurs équipes? «Le principe de base consiste à instaurer un climat de confiance mutuelle et de sécurité psychologique avec les employés, afin que chacun puisse s’exprimer et être accueilli dans son unicité. La bienveillance, l’écoute, l’ouverture créent assurément un terreau fertile pour atteindre ces objectifs», soutient Julie Carignan.

Travailler à se conscientiser soi-même et se munir d’outils sont d’autres incontournables. Par exemple, en se dotant de grilles d’entretien d’embauche ou de gestion de performance basés sur des critères bien établis, afin de garantir l’objectivité de la démarche.

«S’assurer de mettre en place des processus plus inclusifs en ce qui concerne l’accès aux postes exécutifs est tout aussi indispensable. Ainsi, des études ont démontré que lorsqu’il est question de promotion à l’interne, demander aux employés de manifester leur intérêt est discriminatoire envers les femmes, car même à compétences égales, elles ont moins tendance à le faire que les hommes. Pour contrer ce phénomène, il est donc préférable d’explorer et d’aller vers les gens dans les équipes», recommande Julie Carignan.

Elle émet toutefois une mise en garde, car selon elle, se montrer trop dogmatique nuit. «Pour éviter la perception d’exagération et afin de neutraliser les effets pervers, il est préférable de procéder par étapes et d’adopter une approche positive», conclut-elle, soulignant que les enjeux EDI ne sont pas un problème à résoudre, mais bien l’occasion de se montrer plus innovant et créatif.