Connaissez-vous l’ennui post-promotion ?
2025-03-18

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2025-03-26
Connaissez-vous l’ennui post-promotion ?
Ressources humaines , Stratégie

Cette perte de repères qui afflige certains employés ou gestionnaires après une avancée de carrière est plus répandue qu’on le pense. Explications et stratégies pour éviter ce mal-être.
Annie Boilard se spécialise depuis près de 20 ans en leadership et en gestion d’équipe. La présidente du Réseau Annie RH observe «assez fréquemment» une perte de sens après une promotion.
«On l’entend quand même souvent, dit-elle. Les gens vont nous dire “tout ça pour ça?”. Ça vient notamment d’une mécompréhension du nouveau rôle ou de l’environnement de travail. L’idée qu’on s’en faisait est confrontée à la réalité.»
Selon Annie Boilard, ce désenchantement touche tout particulièrement ceux qui deviennent gestionnaires pour une première fois. «On leur donne le leadership de l’équipe dans laquelle ils évoluaient. Ils s’aperçoivent alors que c’est le même travail, sauf en plus gros : plus gros projets, plus grosse équipe et plus gros budgets. Mais, fondamentalement, ça reste la même chose. Ça crée une déception.»
Arrêter de courir après le succès
La poursuite sans fin du succès peut par ailleurs nuire à l’épanouissement professionnel, estime Sylvie St-Onge, professeure titulaire au Département de management de HEC Montréal.
«On part avec l’idée qu’une promotion, c’est toujours une bonne chose. Il faut néanmoins s’assurer que notre définition du succès est vraiment celle qui va nous combler. Cette réussite doit nous rendre heureux, elle doit permettre de se développer», croit-elle.
Annie Boilard renchérit. «On peut déterminer le succès par l’argent, le prestige, un beau stationnement sur le bord de la porte ou un titre pompeux dans sa signature électronique. Ces facteurs extrinsèques ont toutefois un effet éphémère sur la mobilisation d’une personne.»
À l’inverse, faire grandir son équipe, aider ses collègues ou continuer d’apprendre font partie des motivations qui passent l’épreuve du temps.
Connais-toi toi-même
Que peut-on faire pour éviter tous ces sentiments négatifs postpromotion? Sylvie St-Onge conseille de miser d’abord sur l’introspection. Parfois, on se trompe sur ses motivations au travail, sur ce qu’on aime ou sur ses talents, avance-t-elle.
«Si je suis professeure à l’université et que j’aime vraiment la recherche et l’enseignement, un poste administratif peut m’emmener une perte de sens parce que je n’ai plus de temps pour faire ce que j’aime. Il faut se demander si on utilise pleinement ses compétences dans ses nouvelles responsabilités, si on est encore sur son X ou si on s’éloigne de son identité professionnelle.»
Annie Boilard estime aussi qu’une réflexion s’impose avant d’accepter une avancée de carrière. «Pourquoi veut-on la promotion? De quoi avons-nous besoin pour être bien au travail? Qu’est-ce qui nous nourrit, nous motive? Et est-ce que ces conditions seront présentes dans le nouveau poste? Ces questions aident à vérifier si on devrait dire oui ou pas.»
Mentorat et accompagnement
Les entreprises ont également un rôle à jouer afin de réduire l’ennui des nouveaux gestionnaires. La présidente de Réseau Annie RH leur donne trois conseils essentiels : choisir un candidat qui veut ce poste pour les bonnes raisons (pas seulement pour le salaire), lui expliquer avec transparence les limites et les possibilités qui viennent avec la promotion, et l’aider à se reconnecter sur ce qui donne du sens à son travail.
Lors d’un recrutement à l’externe, les responsables des ressources humaines doivent veiller à ce que leur définition de l’emploi colle le plus possible à la réalité.
«Il faut bien faire comprendre ce que le poste permet de faire, mais aussi trouver l’élément qui va allumer la personne, croit Annie Boilard. Ça peut être par exemple de la flexibilité, de l’autonomie ou, au contraire, l’impression de se sentir épaulé.»
Sylvie St-Onge suggère de son côté de jumeler l’employé promu avec quelqu’un d’expérience, qui pourra répondre à ses questions et le guider dans ses nouvelles fonctions. «On offre souvent du mentorat aux nouveaux employés ou aux gens qui viennent de l’extérieur, mais c’est également utile dans ce cas-là», souligne-t-elle.
Certaines entreprises réservent en outre du budget pour un coach de carrière. «Les six premiers mois sont garants du succès dans un poste supérieur. Il y a aussi un enjeu politique. On a un rapport différent avec ceux qui étaient nos collègues. Le coach peut nous montrer comment être accepté ou comment mobiliser nos gens.»
Face à une perte de sens, la professeure conseille surtout aux nouveaux gestionnaires de se donner du temps. «Un nouveau poste requiert une période d’apprivoisement, encore plus si c’est dans une autre entreprise. Il faut s’adapter au rôle, à l’environnement de travail et à la culture.»
Ressources humaines , Stratégie