Certes, devenir parent est un grand bonheur à titre personnel, mais aussi une nouvelle responsabilité. Le retour au travail après un congé parental représente donc toute une transition à gérer, tant pour l’employé que pour son gestionnaire. À la clé : une motivation renouvelée.

Lorsque Marie* a quitté temporairement son emploi dans le secteur bancaire pour son congé parental, elle n’avait que sept mois d’expérience dans son nouveau poste. À son retour, un an plus tard, avec un bébé né prématurément qui ne faisait toujours pas ses nuits, la transition s’est montrée exigeante.

«Cela prendrait comme un minicamp de réintégration, fait valoir la responsable de produits numériques. Tu passes à être 100% concentrée sur les besoins d’un petit humain à devoir travailler sur un écran et jongler avec plusieurs dossiers. Une nouvelle charge mentale est aussi présente. La fatigue physique et cognitive est intense.»

En effet, laisser son bébé à quelqu’un d’autre, puis gérer les aléas de la garderie tout en reprenant ses repères au travail peut rendre le retour dans le monde professionnel stressant pour le parent lui-même comme pour le coparent.   

«C’est comme un nouveau départ», confirme Yarledis Coneo, responsable du centre d’expertise Concilivi, un organisme à but non lucratif qui se spécialise dans la conciliation travail-famille. Être parent représente un nouveau rôle qui s’est ajouté dans la vie de la personne; cette dernière devra donc apprendre à composer avec cette nouvelle réalité.

Le piège est de se mettre trop de pression, selon Sébastien Héroux, directeur des ressources humaines à l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA).

 «J’ai dû revoir mes critères de performance personnels, explique à ce sujet Marie. Mais, en même temps, j’ai eu l’impression qu’on s’attendait à ce que je sois la même personne. J’ai obtenu un retour progressif à quatre jours par semaine, mais la charge de travail n’a pas été adaptée.»

Moduler ses attentes et sécuriser l’employé

«Comme gestionnaire, il faut aussi moduler ses attentes, conseille Sébastien Héroux. Les premières semaines ne seront pas représentatives du potentiel futur; c’est normal que ce soit un peu chaotique.»

Outre prévoir un temps nécessaire de réadaptation, sécuriser l’employé s’avère important. Après tout, le nouveau parent doit reprendre sa place après une longue absence, et la vie de l’entreprise a continué; il est donc normal, dans de pareilles circonstances, de faire face à une baisse de confiance en soi.

Par conséquent, la communication se révèle primordiale pour que le retour au travail se passe bien. Il importe donc d’organiser une rencontre entre le gestionnaire et l’employé quelques semaines avant le retour de ce dernier et d’échanger avec lui sur ses craintes potentielles ainsi que sur sa situation familiale. Avec une préparation en amont, le salarié sera en mesure de faire part de ses propositions pour un retour progressif, par exemple. Néanmoins, il est possible qu’il ne se sente pas à l’aise du tout de parler de ses vulnérabilités à son employeur.

Dans tous les cas, c’est au gestionnaire de faire preuve d’ouverture. «Prends ton temps, reviens à ton rythme, on est là pour te soutenir» : telle est l’attitude que conseille Yarledis Coneo. C’est aussi le temps de rassurer l’employé sur son rôle et sur ses compétences : «La personne sera peut-être moins disponible, mais pas moins compétente», rappelle l’experte.

Changement de vie, changement professionnel aussi?

S’il s’agit d’adopter une approche bienveillante et humaine, il reste que la motivation et la rétention des employés sont ici en jeu. D’après un sondage de Concilivi publié en 2024, près des deux tiers des parents d'enfants de 0 à 5 ans envisageraient de changer de carrière pour jouir d’une meilleure conciliation travail-famille.

La question se pose donc : changer d’emploi au retour d’un congé parental est-il une bonne idée?

Alors qu’elle pensait retourner dans son ancien poste, Andrée-Anne Meloche-Moreau s’est fait contacter par des recruteurs à cinq reprises pendant son congé parental. Entre le confort de son ancien poste et l’excitation liée à des défis dont elle avait rêvé, elle a opté pour la nouveauté : une nouvelle mission et une charge de cours à l’université.

Elle ne regrette en rien sa décision, d’autant plus que son environnement de travail est très flexible. Toutefois, elle le reconnaît : la marche est haute.

«Je fais un gros travail pour trouver l’équilibre, dit-elle. En ce moment, je trouve que j’en ai trop entre le travail, le petit et la vie familiale.» Entre passer plus de temps avec son fils et participer à davantage de projets qui l’animent, que choisir? Et qu’en est-il du temps consacré à prendre soin d’elle-même? Jongler entre ses différentes aspirations n’est pas chose aisée pour la salariée devenue mère…

Cette dernière avait anticipé que conjuguer deux nouveaux défis professionnels pourrait être difficile en cette première année de retour à l’emploi; heureusement, elle aura l’occasion de réduire sa charge de travail cet hiver.

Selon Sébastien Héroux, de l’Ordre des CRHA, la bonne question à se poser est la suivante : «Ai-je assez d’énergie pour changer d’emploi?»

Si cela fait un moment que la motivation n’est plus au rendez-vous, alors oui, le congé parental peut permettre une transition professionnelle. Cependant, c’est là un changement important, qui s’ajoute à la nouvelle réalité familiale; ainsi, il est crucial de peser soigneusement le pour et le contre d’une telle décision.

Si un changement d’emploi dès le retour du congé parental n’est pas toujours opportun, il reste que cette longue pause est propice à la réflexion personnelle et professionnelle. Dès lors, elle constitue assurément un moment privilégié pour reconsidérer ses priorités.

 

* Un prénom fictif a été employé afin de préserver l’anonymat de la personne.