En milieu de travail, certaines personnes adoptent des comportements qu’on peut qualifier de difficiles. Parmi les différents types observés, quatre ressortent particulièrement du lot. Voici comment identifier et mieux composer avec des comportements passifs-agressifs.

 Les personnes qui agissent de manière passive-agressive passent presque toujours sous le radar des cadres. Pourquoi? Principalement pour deux raisons. Les comportements passifs-agressifs sont tout d’abord provoqués par des situations hiérarchiques où l’enjeu est l’autorité. Il est donc possible qu’une personne agisse d’une manière passive-agressive dans certaines situations, mais pas dans toutes les situations. La deuxième raison découle du fait que l’hostilité ressentie par ces personnes est souvent cachée et se manifeste donc par des réactions passives. Un exemple typique? Lors d’une réunion où tout semble se dérouler rondement, un employé garde un air buté et les bras croisés. Lorsqu’on lui demande si quelque chose le contrarie, il répond : « Non, tout va bien » ou encore « Je n’ai rien à dire ». Cette attitude, conjuguée à d’autres indices, porte à croire qu’on est bel et bien confronté à un type passif-agressif. Mais quelle est la dynamique derrière ces comportements toxiques et comment les désamorcer?

Série Comportements toxiques au travail

Agressivité cachée et manipulation

 Les comportements passifs-agressifs sont ceux d’une personne qui n’a pas appris à s’affirmer, et si elle le fait, c’est au travers des autres. Elle est passée maître dans l’art de la manipulation, afin que d’autres agissent à sa place. « Cela reflète sa relation conflictuelle avec l’autorité, car cette personne ne sait pas exprimer ouvertement un désaccord ou une dissension. Par conséquent, elle refoule son hostilité et la laisse transparaître de façon détournée, notamment en boudant ou en se victimisant », explique Estelle Morin, professeure titulaire au Département de management à HEC Montréal et membre du Consortium de recherche sur l’intelligence émotionnelle appliquée aux organisations.

Sa dynamique ambivalente fait en sorte qu’elle semble se conformer aux attentes des cadres, bien qu’elle soit en désaccord avec eux et ne l’exprime pas clairement, ce qui laisse planer un malaise. « On ne sait jamais à quoi s’en tenir avec un passif-agressif, confirme Kathryn Peterson, formatrice, conférencière et coach, Groupe Conseil CLE. Il peut dire ‘’oui, je suis d’accord’’, mais démontrer tout le contraire par son langage non verbal. On n’a jamais l’heure juste, c’est comme un savon qui nous glisse entre les mains! »

Résultat : un tableau en demi-teintes et un dialogue impossible avec un individu qui se montre pourtant très habile à convaincre. Car il a aussi le talent de se faire passer pour une bonne personne, aimable et serviable. Par exemple, il n’oublie jamais l’anniversaire d’un collègue, mais en revanche, il se plaint constamment de la hiérarchie, de l’organisation déficiente, du traitement injuste qui lui est réservé, et il a toujours une excellente raison pour justifier le fait qu’il n’a pas accompli ses tâches. Or, il est difficile de lui reprocher quelque chose, car il est si gentil !

« Des motifs seront invoqués pour se soustraire à ses obligations, par exemple l’importance de la qualité du travail accompli ou l’insuffisance des ressources. S’il n’a pas terminé le travail, c’est qu’il lui manque quelque chose – du temps, du soutien, etc. –, ce qui le force à reporter l’échéance. Du même coup, cela affecte la productivité de ceux qui attendent après lui pour pouvoir avancer dans leurs dossiers », illustre Estelle Morin.

Ce type de comportement donne beaucoup de fil à retordre aux départements des ressources humaines des organisations. En effet, comment apporter des solutions et régler les problèmes si tout semble se dérouler en coulisse et demeurer dans le non-dit?

Invitation à s’exprimer

 Cette agressivité latente, qui peut aussi se traduire par une guerre du silence, démontre que ce type de personne a intégré le principe selon lequel il ne peut dire ce qu’il pense vraiment. Ce qui semble être la conséquence d’un manque d’estime de soi génère un grand sentiment d’impuissance dans l’entourage et en milieu de travail, car on ne sait comment faire pour avoir sa collaboration. « Tout d’abord, il faut refuser d’entrer dans son jeu, car il est très habile à susciter des débats interminables et stériles. C’est le champion du “oui, mais”… », analyse Estelle Morin.

Il faut aussi l’aider à développer une image positive de lui-même et l’inciter à s’exprimer clairement en le confrontant au fait qu’il semble insatisfait de la situation, même s’il semble exprimer le contraire. « Le gestionnaire doit prendre le taureau par les cornes et le pousser à verbaliser. Toutefois, il faudra qu’il soit prêt à entendre des choses négatives », précise Kathryn Peterson.

L’autre clé est de l’inciter à passer à l’action, à se montrer proactif plutôt qu’à adopter une attitude hostile. « Par exemple, si une situation dérange cette personne, on l’amène à proposer des idées et à participer à la solution plutôt que de se camper dans une position d’opposition », poursuit-elle. Idéalement, le cadre doit aussi accompagner cet employé dans cette démarche et le soutenir dans la mise en œuvre des suggestions qu’il a formulées, remarque Estelle Morin. Au bout du compte, cela contribuera à améliorer son estime de lui-même, un surcroît de confiance qui l’aidera à s’exprimer davantage et à modifier progressivement ses comportements.