En milieu de travail, certaines personnes adoptent des comportements qu’on peut qualifier de difficiles. Parmi les différents types observés, quatre ressortent particulièrement du lot. Voici comment identifier et mieux composer avec des comportements ergomanes.

 Une personne qui a des comportements d’ergomanie, qu’on appelle aussi un workaholic, est facile à identifier : première arrivée au bureau, elle est aussi la dernière à le quitter. Elle travaille sans relâche comme si sa vie en dépendait. Mais peut-être est-ce bien le cas, car toute son existence gravite autour de son activité professionnelle. Bien qu’elle soit souvent appréciée des cadres pour son dévouement sans faille et le cœur qu’elle met à la tâche, en revanche, ce type de personne n’est pas de tout repos pour ses collègues et son entourage…

Série Comportements toxiques au travail

Intrusif et contrôlant

 « Ce type de personne a une passion obsessive pour son travail. Il est comme un drogué ou un alcoolique qui éprouve le besoin compulsif de consommer », explique Estelle Morin, professeure titulaire au Département de management à HEC Montréal et membre du Consortium de recherche sur l’intelligence émotionnelle appliquée aux organisations. Sa drogue? Travailler.

L’ergomanie est une compulsion très forte qui pousse quelqu’un à travailler sans relâche pour combler un manque et pour soulager une pression intérieure. Ce n’est pas tant qu’il aime faire son travail – cela peut même être le contraire –, mais parce qu’il ressent le besoin irrépressible d’accomplir ses tâches.

Puisqu’il en fait généralement davantage que ce qu’on lui demande, ses supérieurs le voient souvent d’un bon œil. Ce zèle n’a cependant pas nécessairement bonne presse auprès de ses collègues. Il n’hésite pas à se montrer intrusif ou contrôlant, il communique avec eux en dehors des heures de bureau, il peut même les forcer à se démener autant que lui sur des dossiers et à adopter son rythme effréné.

Il n’est pas rare qu’il exprime son mépris pour ceux qui, contrairement à lui, ne travaillent pas d’arrache-pied, ce qui entraîne évidemment des conflits. Sa méfiance naturelle, voire son arrogance, et le fait de nier que le problème vienne de lui, font aussi partie des traits de caractère qu’on retrouve fréquemment chez le type ergomane. « À brève échéance, il produit de bonnes performances, mais à plus long terme, il devient un collègue qu’on fuit, car il épuise les autres autant qu’il s’épuise lui-même. Pour soutenir la cadence, il peut également consommer des substances comme de la cocaïne ou des stéroïdes, afin de réussir à travailler plus longtemps », illustre Estelle Morin. L’idée générale est d’accomplir ses tâches de manière exemplaire, au prix de sa santé et de la qualité de ses relations.  Cela en fait donc un bon candidat à l’épuisement professionnel et à plusieurs problèmes de santé comme l’insomnie, l’anxiété, la dépression, l’hypertension, etc.

Quand le travail prime

Avec son entourage, le type ergomane n’est guère plus reposant. Ce bourreau de travail est toujours à l’œuvre, même durant les activités familiales. Il n’est pas rare de le voir penché sur son ordinateur ou son téléphone en vacances ou lors du match de soccer du petit dernier… Cela génère des conflits avec ses proches, en particulier sa famille, qui lui reproche de toujours placer son travail en tête de ses priorités. D’ailleurs, il aura souvent des réactions de frustration ou de colère si son entourage lui demande de moins travailler. « Il se défend alors en faisant valoir qu’il est une personne responsable qui trime dur pour assurer le bien-être matériel de sa famille », mentionne Estelle Morin.

Des pistes de solution

 Comment aider une telle personne à se libérer progressivement de sa dépendance? La meilleure stratégie à adopter est de l’inciter à rechercher l’équilibre entre sa vie professionnelle et sa vie personnelle. Par exemple, en lui faisant prendre conscience de la valeur des relations humaines et des saines habitudes de vie. « On devrait le pousser à s’interroger sur le sens et la place qu’il a donnés au travail dans son existence. Quel vide le fait de travailler tout le temps vient-il combler? Il faut beaucoup de bienveillance pour accompagner une personne qui a des tendances à l’ergomanie. Il faut l’amener à comprendre qu’elle peut avoir une vie qui vaut la peine d’être vécue », analyse Estelle Morin.

La clarté est de mise pour le cadre aux prises avec un employé ergomane : il lui faut établir sans ambiguïté les normes et les valeurs qu’il préconise. Notamment, que le travail ne peut compenser une mauvaise hygiène de vie ou des relations difficiles avec les autres, tant avec ses collègues qu’avec son entourage.

Enfin, le type ergomane devra aussi apprendre à déléguer des tâches, à moins contrôler le travail de ses collègues et à cultiver un climat de confiance en tablant sur les compétences de ses collaborateurs. En d’autres termes, il doit se rappeler que si le travail fait partie de la vie, celui-ci n’est pas la vie pour autant…