Article publié dans l'édition Été 2009 de Gestion

À la fois philosophie de gestion et méthode de travail, les équipes de travail peuvent contribuer à améliorer l’efficacité organisationnelle.

Cependant, la création d’une synergie entre les membres interdépendants et collectivement responsables constituant cet ensemble formel n’est pas une mince tâche pour le superviseur (Savoie et Brunet, 2000). Un élément particulier qui vient complexifier sa tâche est la présence de plus en plus grande de la diversité dans les équipes de travail.

En effet, la mondialisation des marchés favorisant la libre circulation de la main-d’oeuvre, l’augmentation de l’espérance de vie, l’entrée massive des femmes sur le marché du travail et la complexification des défis (technologiques, environnementaux, de santé, etc.) que les organisations doivent affronter font que les équipes de travail deviennent plus hétérogènes.

Cette hétérogénéité du point de vue de l’origine culturelle, de l’âge, des professions et du sexe apporte aux équipes de travail une grande richesse en ce qui concerne l’expérience humaine, l’innovation, la créativité et la capacité de résoudre des problèmes. Parallèlement, cette nouvelle réalité complexifie le travail des superviseurs et rend moins pertinents les connaissances et les outils de gestion élaborés pour des équipes de travail homogènes. Ainsi, il n’est pas surprenant que les superviseurs se questionnent sur les manières adéquates de gérer les différentes formes de diversité, de même que sur les stratégies et les outils disponibles qui leur permettront de tirer profit de ces ressources.


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Le présent article s’adresse plus particulièrement aux superviseurs responsables des équipes de travail diversifiées.

Dans un premier temps, il sera question des principales incidences sur le fonctionnement de groupe de quatre formes de diversité dans les milieux de travail : ethnoculturelle, générationnelle, professionnelle et liée au sexe, avec des exemples illustrant ces réalités. Dans un deuxième temps, nous verrons comment les superviseurs peuvent intervenir pour relever les défis qu’implique l’équipe diversifiée et déployer au maximum le potentiel de celle-ci. Finalement, nous insisterons sur les conditions clés à respecter dans la supervision d’une équipe diversifiée.

La diversité : ses formes et ses incidences

Lorsqu’il est question de la diversité au sein des organisations, on parle d’une pluralité et d’une variété de caractéristiques individuelles et de groupe chez les employés (Pépin, 2005).

La diversité ethnoculturelle

Les pays industrialisés continuent à accueillir un nombre élevé de personnes immigrantes, alors que les barrières à la libre circulation de la main-d’œuvre (par exemple, dans l’Union européenne) s’estompent. Ces changements ont certainement un impact sur le fonctionnement des organisations qui intègrent ces nouveaux employés et, de fil en aiguille, sur la dynamique des équipes de travail, où le facteur culturel engendre nombre d’imbroglios et de situations communicationnelles difficiles.

Lorsqu’il est question de culture, il est généralement admis qu’elle fait référence aux croyances et aux valeurs partagées par un groupe de personnes d’une origine donnée. En conséquence, elle englobe ce que nous avons appris de la société dans laquelle nous avons grandi, ce que nous devons penser, ressentir et faire dans n’importe quelle situation (Laroche et Rutherford, 2007). La culture d’origine déterminerait donc le comportement organisationnel en général (Arcand, 2007) et, par le fait même, le fonctionnement d’une équipe où cette composante se trouve présente.

Les chercheurs ont dégagé des clés qui permettent de comprendre et de repérer les différences culturelles et leur impact sur le fonctionnement optimal des équipes de travail. Parmi elles, on trouve l’accent que certaines cultures mettent sur les besoins des individus, comparativement à d’autres qui privilégient les besoins du groupe, l’acceptation ou non de la distance par rapport à l’autorité qu’on observe dans les cultures et des valeurs plus « masculines » de compétition, par opposition à des cultures aux valeurs « féminines » telles que la coopération (Laroche, 2003; Brett et al., 2006). Le fait de mieux comprendre ces dynamiques aidera le gestionnaire à agir plus adéquatement de façon à rendre son équipe plus efficace1.

Incident critique 1 : tous pour un, un pour tous

Dans le cadre d’un mandat d’envergure internationale au sein d’une firme de génie-conseil, l’ingénieur d’origine mexicaine utilisait constamment le pronom «nous» lorsqu’il s’agissait de présenter au client les portions du projet dont il était l’unique responsable. Ses collègues québécois demeuraient perplexes face à cette façon de faire, car le client ne semblait pas entièrement satisfait du travail de l’ingénieur et ils ne voulaient pas y prendre une part de responsabilité. Lorsque l’un d’eux lui fit le commentaire en privé, l’ingénieur d’origine mexicaine se fâcha en soulignant que le succès, tout comme l’échec, devrait appartenir à l’équipe et non à des «je, me, moi». Il se dirigea plus tard vers le bureau de son supérieur immédiat avec une lettre de démission en précisant qu’il n’en pouvait plus de travailler dans ces conditions.

Par exemple, l’accent mis sur les besoins du groupe versus l’accent mis sur ceux de l’individu transparaît dans les frontières plus ou moins floues entre les tâches et les responsabilités des équipiers. Les coéquipiers venant d’une culture plus collectiviste dont l’accent est placé sur les besoins du groupe auront davantage tendance à percevoir ces frontières comme étant floues, même si tous les membres en cause ont des responsabilités et une obligation de rendre compte spécifique, qui ne peuvent être partagées avec les autres.

L’incident critique précédent souligne les incompréhensions qui peuvent découler de la présence de la diversité ethnoculturelle au sein d’une équipe de travail. Cependant, tout comme dans bien d’autres situations organisationnelles, des interventions de clarification et d’accompagnement de la part du gestionnaire aident à lever les obstacles et favorisent une meilleure cohésion du groupe, afin de tirer profit des contributions de chacun des membres de l’équipe.

La diversité générationnelle

Sujet de l’heure et cause de nombreux maux de tête chez les responsables d’équipes, la diversité générationnelle est liée directement au fait qu’actuellement pas moins de quatre générations se côtoient dans les équipes de travail. Cette cohabitation est due en partie aux progrès de la médecine et de la santé publique qui prolongent la vie active, alors que les crises économiques cycliques forcent des personnes déjà à la retraite à réintégrer le marché du travail pour s’assurer une plus grande sécurité financière.

Quoi qu’il en soit, il est établi que les différentes générations semblent faire face aux mêmes défis en tant que travailleurs : elles traversent une étape d’insertion dans le marché du travail, de développement de carrière et de retraite.

Toutefois, elles se différencient quant à leur façon de relever ces défis. Chaque génération a également une préférence pour ce qui est de la manière dont elle souhaite être traitée et gérée (Lancaster et Stillman, 2003). Cette préférence s’inspirerait de la « personnalité » de chaque génération, décrite par les travaux de recherche et les expériences sur le terrain.

Les vétérans (nés avant 1945)2 ont souvent travaillé en équipe et sont dotés de fortes valeurs civiques. Ils sont loyaux, respectent la hiérarchie, croient en la loi et l’ordre et ont une tendance au conformisme. Les baby-boomers (nés entre 1945 et 1961) ont aussi appris à travailler en équipe dès leur plus jeune âge, mais ils se caractérisent pour leur part par la poursuite de la gratification personnelle, du bien-être et de la croissance personnelle. Ils sont également habitués à la stratégie et aux jeux politiques dans une organisation, quoiqu’ils ne semblent pas être toujours très à l’aise lorsqu’il s’agit d’aborder ou de gérer les conflits. Pour ce qui est des membres de la génération X (nés entre 1962 et 1979), ils sont reconnus pour leur tendance à l’indépendance, à l’individualisme et au cynisme.

Tout de même, ils ont réussi à assouplir les protocoles de réunions et d’autres règles organisationnelles rigides, notamment en ce qui concerne les horaires de travail, qui sont devenus par la suite beaucoup plus flexibles (plages horaires mobiles, semaine compressée, etc.). Enfin, les individus de la génération Y (nés entre 1980 et 1989), qui demeurent moins connus car ils n’ont pas encore massivement investi le marché du travail, sont très instruits, semblent rechercher des relations authentiques et ont des attentes élevées envers leurs employeurs, notamment en ce qui a trait à la conciliation travail-vie personnelle.

Incident critique 2 : le schisme générationnel

La pénurie de personnel oblige plusieurs institutions du système de soins de santé à attirer davantage de jeunes infirmières de la génération Y en leur offrant diverses incitations : un nombre très limité d’heures supplémentaires obligatoires, une flexibilité de l’horaire pour favoriser la conciliation travail-vie personnelle, des formations pour développer les compétences, des promotions plus rapides, etc. Toutefois, ces mesures ne sont pas offertes aux infirmières qui ont plusieurs années de service, et celles-ci sentent que leur expérience n’est pas suffisamment valorisée. Au sein d’une unité de soins dans un hôpital, une infirmière d’expérience a alors profité d’une réunion d’équipe pour rappeler que, le prochain quart de soir, il faudra prendre plus d’une «gardienne» (infirmière d’expérience), ce à quoi les jeunes infirmières présentes ont fortement réagi. Une intervention de l’infirmière en chef a été nécessaire pour arrêter l’escalade.

En contrepartie, ces personnes sont prêtes à offrir, une fois interpellées par les valeurs et la mission organisationnelles, un degré élevé d’engagement et de rendement (Erickson, 2009; Lancaster et Stillman, 2003). Tout comme la diversité ethnoculturelle, les profils générationnels de la main-d’œuvre créent des tensions et des oppositions, et ce, à plusieurs points de vue, dans la dynamique d’une équipe de travail. L’incident critique suivant illustre quelques tensions susceptibles de survenir dans les équipes diversifiées sur le plan générationnel.

Même si le profil générationnel demeure global et n’implique pas le fait que chaque individu soit sa copie conforme, la performance et la qualité du fonctionnement de l’équipe seront fortement mises à l’épreuve si rien n’est entrepris pour que les générations en conflit amorcent un dialogue. Pour faire ressortir les aspects positifs de la présence de la diversité générationnelle au sein de son équipe que sont une meilleure productivité, une expérience accrue et la variété des points de vue, le gestionnaire a tout intérêt à faciliter la compréhension réciproque par une meilleure communication entre les membres de l’équipe.

La diversité professionnelle

La diversité professionnelle, présente depuis longtemps dans les organisations, prend tout son sens et toute son importance aujourd’hui dans une économie du savoir où les problématiques de plus en plus complexes exigent un savoir riche qui dépasse largement les frontières d’une seule profession ou spécialisation. Que cela soit pour les cas complexes de soins de santé, les travaux scientifiques ou les projets de développement de nouveaux produits pour le marché, la diversité professionnelle implique la présence de plusieurs disciplines au sein des équipes de travail. Il s’agit de la multidisciplinarité lorsque ces spécialistes travaillent sur les différents aspects d’une même problématique.

D’un autre point de vue, on se retrouve dans le cadre de l’interdisciplinarité s’il s’agit d’un processus au sein de l’équipe où l’on développe une capacité d’analyse et de synthèse à partir des perspectives de plusieurs disciplines. On tente alors de synthétiser et de relier le savoir disciplinaire (professionnel) et de le replacer dans un cadre systémique plus intégrateur. Il faut tout de même souligner que, en équipe multidisciplinaire ou interdisciplinaire, le fait d’être issus d’orientations différentes permet de puiser une richesse dans la composition même de l’équipe qui favorise la créativité et la capacité de résoudre des problèmes. Néanmoins, lorsque son potentiel n’est pas canalisé, cette hétérogénéité amène souvent des conflits et des tensions.

Incident critique 3 : une main qui veut applaudir seule

Au sein d’une équipe interdisciplinaire d’un centre de réadaptation traitant un cas de traumatisme de la moelle épinière d’un père de famille de 45 ans, la mésentente persiste depuis quelques réunions parmi le personnel s’occupant des besoins physiques du patient, soit le médecin et le physiothérapeute. Ces derniers exigent que l’équipe mette l’accent sur l’atténuation de la douleur et l’amélioration des fonctions cognitives du patient. Cette demande se heurte à la résistance du psychologue et de la travailleuse sociale, qui considèrent qu’une intervention prioritaire doit être menée auprès de la famille et des enfants de ce patient. Les deux parties passent alors beaucoup de temps à défendre leurs positions sans arriver à une décision.

La diversité professionnelle dans une équipe demeure essentielle à la résolution de plusieurs problèmes complexes, mais l’engagement trop ferme dans les rôles professionnels et le nombre élevé de professions représentées peuvent nuire à l’obtention du consensus et au climat de travail. Le fort sentiment d’appartenance à leurs disciplines respectives se trouve souvent au coeur des problématiques vécues par ce type d’équipe. Devant une telle situation, un recadrage de la part du gestionnaire s’avère utile auprès des équipiers afin de recentrer les discussions sur les objectifs initiaux et le mandat du groupe.

La diversité liée au sexe

Sans équivoque, des avancées importantes ont eu lieu au cours des dernières décennies en ce qui concerne l’intégration des femmes dans les entreprises. Tout de même, on constate que si les relations entre les sexes ont évolué avec le temps et les changements, les auteurs n’hésitent pas à parler de la guerre des sexes pour décrire l’animosité entourant encore aujourd’hui les relations hommes-femmes au travail (Ely et al., 2003). Au-delà de l’impact sur les modes de rémunération dans le cadre de l’équité salariale, la mixité hommes-femmes dans les équipes de travail a un impact sur la dynamique relationnelle au sein de l’équipe. Cette dynamique particulière traduit le fait que, au cours de la socialisation effectuée dès leur plus jeune âge, les hommes et les femmes ont acquis des automatismes qui leur sont propres (Babcock et al., 2003).

En Occident, ces automatismes consistent pour les femmes, lorsqu’elles entrent en interaction avec d’autres individus, à extérioriser davantage leurs émotions et leurs doutes, à s’excuser davantage et à ne pas démontrer une confiance en soi excessive. Dans leurs communications verbales et non verbales, on accorde généralement aux femmes qu’elles sont davantage portées à nuancer leurs réussites et à faire leurs demandes de manière à éviter de susciter les sentiments négatifs chez l’autre (Tannen, 1995). À l’opposé, pour les hommes, les automatismes consisteraient à minimiser leurs doutes, à manifester davantage de confiance en soi, à prendre les situations en charge. On leur reconnaît généralement un style plus affirmatif, dont une capacité d’argumenter et de débattre d’une manière vive sans se sentir blessés ou personnellement affectés (Konrad et Kramer, 2006; Tannen, 1995).

Incident critique 4 : de la parole au murmure

Les automatismes des hommes et des femmes peuvent jouer un rôle déterminant dans les communications difficiles au sein de l’équipe. Dans le cadre d’une présentation faite par le superviseur auprès d’une équipe de vente de placements publicitaires concernant les objectifs de ventes pour le prochain trimestre, les trois femmes faisant partie de l’équipe de vente présentes ont exprimé leurs doutes quant à la possibilité de réaliser ces objectifs et soulevé de nombreux arguments quant à logique les sous-tendant. Elles jugeaient les cibles fixées trop ambitieuses dans un si court laps de temps. Après que les hommes de l’équipe eurent demandé d’écarter ces préoccupations car, selon eux, elles n’étaient pas fondées, le nombre d’interventions de la part des femmes au cours de la présentation a grandement diminué.

Lorsque ces automatismes se reproduisent trop souvent au sein d’une équipe, ils s’y installent en tant que cercle vicieux. La créativité et l’innovation qui devraient normalement résulter d’une plus grande diversité du groupe risquent alors d’en souffrir. À cet égard, considérant que le langage permet de communiquer des idées, les styles communicationnels des hommes et des femmes auront un impact sur la manière d’organiser et de conduire les réunions d’équipe. De plus, la façon dont leurs différents styles seront gérés dans l’équipe par le superviseur et les équipiers déterminera ce qui sera entendu et à quel moment.

Lorsque ces différences ethnoculturelles, générationnelles, interdisciplinaires et liées au sexe ne sont pas gérées adéquatement, cela nuit à l’efficacité de l’équipe de travail. Toutefois, les individus ne demeurent pas prisonniers de leurs automatismes et styles communicationnels. En utilisant des stratégies appropriées et des méthodes équitables pour tous, un gestionnaire avisé pourra aller au-delà des incompréhensions et faire profiter à l’équipe des talents de chacun.

Comment gérer une équipe diversifiée ?

Cette partie présente une synthèse des différentes stratégies pouvant être appliquées par les superviseurs pour optimiser le rendement d’une équipe de travail diversifiée (voir le schéma 1).

Analyser les caractéristiques et les défis de l’équipe

Lorsque le superviseur constate des problèmes d’efficacité dans l’équipe de travail diversifiée dont il est responsable, les diverses considérations d’ordre opérationnel (manque de temps, nécessité de présenter rapidement une bonne performance, etc.) devraient l’inciter à intervenir le plus vite possible pour lever les obstacles. Avant d’entreprendre quelque action que ce soit, le superviseur de l’équipe de travail diversifiée a tout intérêt à approfondir sa connaissance des difficultés liées à la diversité dans son équipe et de ses effets particuliers sur l’efficacité de l’équipe. Le fait de bien connaître les formes de diversité présentes dans son équipe lui permettra d’abord de mieux analyser les enjeux en présence, et puis d’agir de la manière la plus adéquate possible auprès d’elle. Ce premier tour de piste peut se faire à partir de l’observation, de sondages ou d’entrevues menés auprès des membres du groupe.Comment superviser une équipe de travail diversifiée ?

Ce diagnostic, qui peut aussi se faire au cours de l’intégration de nouveaux membres au sein de l’équipe, permettrait au superviseur de prévenir les obstacles en situant les éventuelles zones de tension et en les nommant (Gratton et al., 2007; Meyerson et Fletcher, 2000). Il pourra aussi découvrir les attentes de chaque coéquipier, l’écart entre les perceptions des membres du projet et les besoins sous-jacents à combler (formation, accompagnement, reconnaissance, etc.) (Wagner, 2007).

Déployer des activités de soutien aux membres de l’équipe

Selon Wagner (2007) et Yu (2002), le climat et les relations dans l’équipe nécessitent autant d’attention et de soutien que la tâche qu’elle effectue, et le temps qui sera consacré à cette entreprise représente un investissement de la part du superviseur.

Les défis liés aux quatre formes de la diversité et les caractéristiques de l’équipe guideront le choix et l’organisation des activités de soutien, que cela soit de la formation ou de la consolidation d’équipe. En général, les activités de formation ont lieu au moment de la naissance de l’équipe. Elles comblent plus spécifiquement le besoin d’acquérir des connaissances et des compétences (par exemple, mieux connaître les profils générationnels, les habiletés relationnelles, le management en contexte de diversité) qui contribueront par la suite à une plus grande efficacité de l’équipe (Erickson, 2009; Gratton et Erickson, 2007).

Pour sa part, la consolidation d’équipe est davantage utilisée pour les équipes déjà existantes qui sont aux prises avec certains problèmes de fonctionnement. Elle permet aux équipiers de mieux connaître les forces et les limites de chacun des membres, de maximiser leur potentiel, d’acquérir de la confiance et de développer la solidarité au sein de l’équipe (Gwynne, 2009; Labelle, 2001).

Lorsque le superviseur voudra organiser des activités de soutien, il devra tenir compte du fait que les objectifs, les modalités et le contenu de ces activités dépendent encore une fois des caractéristiques mêmes de la diversité de l’équipe concernée. Enfin, il aurait avantage, pendant la préparation de ces activités, à agir en toute transparence avec son équipe et à informer les membres du contenu de celles-ci. Cela permettra aux membres de se préparer pour mieux déployer leur énergie et de se sentir partenaires du gestionnaire dans ce processus (Laroche et Rutherford, 2007).

Réviser ses pratiques de supervision

Cette stratégie consiste pour le superviseur à répertorier ses pratiques de gestion et à les réviser en fonction des types de diversité présentes dans ses équipes de travail (Laroche et Rutherford, 2007; Laroche, 2003). Cela implique de revoir sa façon d’intégrer les nouveaux coéquipiers. Dans certains cas, il faut, par exemple, allonger la période d’intégration et responsabiliser davantage l’équipe dans ce processus. Le superviseur doit aussi revoir sa façon de soutenir la performance, les modalités et les critères d’évaluation, ainsi que les pratiques de reconnaissance du groupe.

Alors, de nouveaux modes de fonctionnement et pratiques s’instaureront au sein de l’équipe pour tenir compte des défis de la diversité. Une étape incontournable à la fin de ce processus consiste dans la diffusion des nouvelles orientations et attentes du superviseur ; il devra le faire de manière explicite pour tout le monde, afin de s’assurer que chacun vise la bonne cible de travail, comprend et appuie ces nouvelles orientations et attentes.

Exercer un suivi et se montrer vigilent

Pour permettre à l’équipe de parvenir à la maturité et à une efficacité maximale, le superviseur doit inclure dans le processus de révision des pratiques un mécanisme de suivi et de veille auprès des équipes diversifiées concernées, ce qui facilitera une régulation continue.

De prime abord, ce mécanisme peut prendre la forme d’un tableau de bord et de mesures prises de manière ponctuelle pour cerner l’évolution globale des pratiques au sein de l’équipe de travail. Par ailleurs, le mécanisme de suivi et de vigilance peut s’inspirer des techniques qui ont jadis servi à décrire les caractéristiques de l’équipe diversifiée : des entrevues individuelles ou de groupe, des sondages, une période de régulation après chaque séance de travail, des bilans périodiques, un bilan « à 360 degrés » (Polzer, 2008). Ces outils de gestion devront, tout comme les stratégies présentées précédemment, être adaptées aux caractéristiques et à l’hétérogénéité de l’équipe, pour donner un portrait de la situation le plus juste possible.

En outre, la diversité étant une réalité qui évolue constamment en fonction de la composition de l’équipe et du niveau de collaboration entre les membres, le gestionnaire permettra à son équipe de devenir encore plus efficace s’il a le souci de rester à l’écoute des incidents critiques révélateurs et d’apporter les ajustements quotidiens nécessaires aux pratiques. Son attitude de veille favorisera certainement une amélioration continue du fonctionnement de l’équipe.


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En résumé, le gestionnaire doit jouer pleinement son rôle et devenir le catalyseur des ressources et des talents des équipiers afin de relever les défis de la diversité. Reconnaître les formes que la diversité revêt dans son équipe, offrir des activités de soutien, travailler activement à aligner l’ensemble de ses pratiques de gestion et effectuer un suivi étroit auprès des membres, tout cela permettra au gestionnaire de rendre son équipe efficace. Le fait de s’investir dans cette démarche non seulement empêchera un gaspillage de talents et de potentiels, mais permettra de puiser dans un réservoir de ressources inestimable qu’offre la diversité pour atteindre de très hauts niveaux de dépassement individuel et collectif.

Les conditions de succès de la supervision d’une équipe diversifiée

Tout d’abord, il est essentiel de faire participer l’équipe concernée à la recherche des solutions aux problèmes et aux préoccupations que peut entraîner la diversité. De cette manière, elle s’appropriera plus facilement les différentes stratégies et ne sentira pas qu’elles sont imposées. Par la suite, il s’agira de lier ce travail sur la diversité aux objectifs de performance de l’équipe (Thomas, 2004). L’équipe doit comprendre les avantages qu’elle retire de la diversité et ce qu’elle perdrait en la négligeant.

Parallèlement au travail à effectuer auprès de l’équipe, le superviseur doit porter un regard sur son style de supervision. Il doit être conscient de ses attitudes, de ses zones de confort et d’inconfort par rapport à chaque forme de diversité, ainsi que de ses stéréotypes et biais, afin de faire une lecture exacte de ce qui se passe dans son équipe. Il doit également s’assurer que sa présence et son influence ne deviennent pas des éléments nuisibles à son équipe. De plus, pour devenir lui-même plus efficace dans le contexte de la diversité, il gagnera à développer son empathie et sa tolérance à l’ambiguïté (Laroche et Rutherford, 2007).

Incident critique 5 : exemple d’intervention face à une équipe de travail diversifiée

Johanne, la nouvelle superviseure d’une équipe de commis et de techniciens en administration d’une importante institution
financière, rencontre aujourd’hui en entrevue individuelle deux nouveaux employés : Amine, un Tunisien âgé de 31 ans installé au Québec depuis un an, et Juliette, une jeune finissante du cégep qui en est à son premier véritable emploi. Grâce à ces
entrevues, Johanne souhaite déterminer les enjeux particuliers pour ces deux nouveaux employés dans le cadre du fonctionnement de son équipe où les membres doivent se donner régulièrement un coup de main afin de maintenir des méthodes
standardisées et un haut niveau de qualité dans la prestation du service à la clientèle. Au cours de la discussion, Johanne se rend rapidement compte qu’Amine a connu très peu d’expériences de travail avec des personnes d’autres origines culturelles que la sienne, et que Juliette n’a pas une bonne connaissance des normes vestimentaires qui ont cours dans cette institution : à son premier jour de travail, elle s’est présentée vêtue de jeans et d’espadrilles. Ainsi, Johanne se demande comment son équipe va intégrer les deux nouveaux employés. Avant de prendre sa retraite, la gestionnaire responsable de l’équipe lui a mentionné à cet égard que les membres ont de très bonnes idées lorsqu’il s’agit d’améliorer les processus, mais que depuis l’embauche de 10 jeunes commis, des tensions ont surgi entre les nouveaux et le personnel plus âgé. Par ailleurs, il y a eu des incidents liés à des blagues racistes impliquant un jeune commis maghrébin.

Sachant que le réservoir de postulants pour les postes à combler dans l’avenir est de plus en plus jeune et diversifié, Johanne constate que l’arrivée de Juliette et d’Amine est l’occasion idéale d’agir avant que les tensions ne dégénèrent au point de miner la cohésion et la créativité de l’équipe. En collaboration avec un conseiller en ressources humaines de l’institution, elle effectue un bref sondage auprès de tous les membres afin de déterminer leur niveau de sensibilisation et leurs préoccupations en lien avec la diversité au sein de l’équipe. Ce sondage, corroboré par ses propres observations, permet à Johanne de conclure que les membres de son équipe côtoient la diversité dans leur milieu de travail pour la première fois : le personnel plus ancien était habitué à travailler avec des collègues d’origine québécoise qui ont le même âge qu’eux. Ils se sentent maintenant désorientés devant ces jeunes de toutes origines qui viennent bousculer leurs façons de faire. En ce qui concerne ces derniers, la plupart en sont à leur première expérience de travail en tant qu’adultes, et ils ne comprennent pas pourquoi les commis plus âgés ont une attitude «aussi fermée et autoritaire» avec eux. De plus, les nouveaux membres de l’équipe, Juliette et Amine, n’arrivent pas à se solidariser à cause d’un rapport «hommes-femmes» conçu différemment. Enfin, le sondage permet de préciser les principaux besoins des membres. Une formation semble donc nécessaire afin de sensibiliser le personnel aux différentes formes de diversité et d’acquisition d’habiletés relationnelles.

Pour faire évoluer son équipe vers de meilleures relations de travail et favoriser dans celle-ci une culture plus inclusive, Johanne conçoit une série de trois ateliers portant sur les thématiques des différences générationnelles, des différences ethnoculturelles et de la communication interpersonnelle au travail. Ces ateliers sont offerts à l’équipe pendant les heures de travail et se terminent pas un dîner collectif. Cette activité permet aux membres de l’équipe de mieux se comprendre et de réagir moins émotivement aux divergences de vues. La formule interactive choisie par Johanne est grandement appréciée par tous les membres de l’équipe, et ces derniers ont l’occasion de discuter dans un contexte plus détendu. Elle porte une attention particulière aux changements qui se produisent et aux efforts que font les membres de l’équipe afin d’appliquer leurs nouvelles connaissances à leur travail quotidien.

Pour aller encore plus loin, la superviseure s’attaque à la révision de ses façons de faire : elle constate qu’elle pourrait ajuster, à la lumière des éléments de diversité présents dans son équipe, sa planification des horaires afin de les rendre plus flexibles pour tous. Elle décide également de solliciter l’appui de son supérieur pour assouplir le code vestimentaire dans son secteur et d’instaurer des périodes de régulation à la fin de chaque rencontre d’équipe. Au cours de ces périodes de régulation, les membres ont l’occasion d’aborder des sujets qui touchent la dynamique de l’équipe. Enfin, pour mesurer les progrès de l’équipe et faire un suivi sur les pratiques implantées, la superviseure décide de faire passer une fois par an un sondage électronique à tous les membres.

Conclusion

Les équipes de travail qui comportent une ou plusieurs formes de diversité sont, paradoxalement, susceptibles d’entraîner divers dysfonctionnements et riches en ressources et potentialités. Au quotidien, le défi suscité par la diversité des équipes de travail repose principalement sur les équipiers et sur le superviseur responsable. Quoique ces équipes aient la possibilité d’innover et de résoudre différemment des problèmes, plusieurs interventions doivent être pratiquées auparavant, et un suivi serré demeure nécessaire pour qu’apparaissent ces bénéfices.

C’est donc en offrant un soutien constant aux membres de l’équipe, en faisant preuve de transparence quant aux difficultés éprouvées et en adaptant continuellement ses pratiques de gestion que le superviseur arrivera à tirer le meilleur de chacun et de son équipe.

Ana Gavrancic est candidate au doctorat au département de psychologie de l’Université de Sherbrooke, [email protected].
François Courcy et Jacques Proulx sont professeurs au département de psychologie de l’Université de Sherbrooke, [email protected], [email protected].


Notes

1 Lorsqu’il est question de diversité dans les équipes de travail, la littérature scientifique et professionnelle s’avère très vaste. Ainsi, pour en savoir davantage sur la diversité ethnoculturelle, générationnelle, professionnelle et de sexe, veuillez consulter les documents consignés dans la bibliographie.

2 Il n’y a pas de consensus dans la littérature en ce qui concerne les dates exactes délimitant chacune des générations. Les années entre parenthèses représentent une approximation.

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