J’animais récemment un panel Les Affaires sur un sujet qui fascine : qu’est-ce que les start-ups ont compris ou ont réussi à mettre en pratique, que les entreprises de grande envergure n’ont pas réussi à intégrer ? Comment s’en inspirer quand on veut changer une organisation ?

Sous le thème « Révolution en continu : inspirez-vous de l’état d’esprit des start-ups ! », trois panélistes ont ouvertement et généreusement livré leur analyse à ce sujet : Mathieu Houle, Directeur senior Technologies digitales du Groupe Aldo, Patrick Gagné, Président directeur général de la fondation Osmo, et Jean-Philippe Poisson, fondateur d’Élia Consulting (France). Souvent de façon colorée…

Pour Patrick Gagné comme pour ses deux complices, tout est dans l’état d’esprit…

Nos trois panélistes associent le succès des start-ups à l’état d’esprit qui les anime. Un état d’esprit foncièrement différent de celui dans lequel évolue la grande entreprise et qui se manifeste jusque dans sa fonction première qui est de trouver son modèle d’affaires en cours d’évolution plutôt que de le définir au départ. En d’autres termes, pendant que la grande entreprise applique son modèle d’affaires traditionnel, basé sur la profitabilité, la start-up le fait évoluer jusqu’à ce qu’elle « trouve » son élan, sa croissance et de là sa profitabilité.


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Pour Patrick Gagné, Président directeur général de la Fondation Osmo, c’est un changement de paradigme qui ouvre toute grande la porte à l’innovation, à l’expérimentation, à l’audace, à l’élaboration de prototypes qui seront lancés sur le marché avant même d’être parfaits, et même au droit à l’erreur, ce qui n’est pas la valeur la plus répandue dans la grande entreprise. Ce qui différencie profondément la start-up de la grande entreprise est d’ailleurs l’agilité, la vélocité que cet état d’esprit permet. Ce n’est même pas à la blague qu’il nous dit « Si tu n’as pas honte de ton produit, au moment de le mettre sur le marché, tu arrives déjà trop tard. » Autrement dit, si tu attends que ton produit soit parfait, un autre va te devancer.

Pour Jean-Philippe Poisson, la grande entreprise ne sait plus innover

Fondateur de Elia, cabinet-conseil européen spécialisé dans la transformation digitale, Jean-Philippe Poisson attribue toutes les difficultés des grandes entreprises à leur objectif d’affaires : prolonger le plus longtemps possible leur avantage concurrentiel. Tout en rappelant que c’est bel et bien l’innovation et l’inventivité qui ont donné naissance à ces entreprises, il remarque qu’elles font aujourd’hui « de la gestion de procédures » au lieu de faire de la gestion du changement, qu’elles étirent la sauce et qu’elles vivent dangereusement sur leurs acquis. Avec pour résultat qu’elles souffrent de réunionite, ce qui décourage et étouffe les créateurs plutôt que leur donner des ailes. Comment pourraient-elles s’inspirer des start-ups ? En ayant davantage de vision et en donnant plus d’autonomie à leurs employés, tout en délimitant clairement « le terrain de jeu ». Donc, avoir une vision axée sur le changement, la révéler à ses troupes et libérer leur inventivité.               

Pour Mathieu Houle, la grande entreprise est freinée par son « middle management » 

Directeur senior au Groupe Aldo, Mathieu Houle constate que l’un des freins à l’innovation dans la grande entreprise, c’est le conservatisme de ses gestionnaires, le « middle management ». Leur conservatisme, mais aussi leur insouciance devant ce qui est pourtant une réalité : pendant qu’ils gèrent tranquillement la continuité, quelqu’un quelque part (dans un garage !) est en train de développer un produit ou un service qui va tout simplement les tuer. Devant cet enjeu majeur, il recommande aux leaders de ces entreprises d’adopter au plus vite le modèle de la start-up : exprimer une vision claire, voir à ce que son « middle management » s’approprie cette vision, former des équipes multidisciplinaires (des start-ups internes) et les lancer sur le terrain pour qu’elles agissent de façon aussi agile que les start-ups. Un changement de paradigme obligatoire si elles veulent survivre à l’arrivée de ces « concurrents de garage » qui sont en train de réinventer leur propre industrie.

Unanimité autour de l’agilité

Nos trois panélistes sont unanimes : aujourd’hui, tout est question d’agilité, de vitesse... mais avant tout d’état d’esprit. D’où l’abondance de leurs références aux notions de « design thinking », de « design sprint », de « fail fast » et autres concepts que les starts-ups ont fait entrer dans le vocabulaire de la gestion d’entreprise. Des concepts auxquels les grandes entreprises auraient tout avantage à adhérer, d’autant plus que cette adhésion les forcerait à emboîter le pas et à changer d’état d’esprit.


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Or, nos panélistes le disent et le répètent : c’est là que tout commence. Prêt à changer ?