À mesure que nous prenons de l’expérience et développons notre expertise, notre écosystème compte sur notre capacité grandissante à réfléchir de manière stratégique pour prendre de meilleures décisions et concevoir des solutions optimales pour l’entreprise. Or, on ne sait pas toujours à quoi tient précisément cette réflexion stratégique, ni comment la développer.

Il suffit de poser la question pour constater à quel point les réponses à ce sujet sont évasives. Sans compter que plusieurs confondent réflexion stratégique et planification stratégique. Bien que la première soit essentielle pour concevoir l’autre, la réflexion stratégique se pratique aussi au quotidien, chaque fois qu’une décision doit être prise. Et ce, même si cette décision s’avère être de nature tactique ou opérationnelle.

En bref, la réflexion stratégique contemple la forêt plutôt que l’arbre. Lorsqu’une décision doit être prise, elle considère le système organisationnel dans son ensemble plutôt que de se limiter seulement au problème à résoudre.

En pratique, notre réflexion devient stratégique lorsqu’elle active les cinq leviers suivants1 :

1) Maintenir l’attention sur les objectifs de l’entreprise

Pour porter ses fruits et contribuer à la valeur de l’organisation, la réflexion stratégique doit tenir compte des objectifs de l’entreprise et maintenir le cap sur celles-ci dans toutes les décisions et les solutions qu’elle soutient. Ces objectifs stratégiques servent ainsi de critères d’évaluation des options envisagées et guident le choix final.

2) Comprendre les répercussions de nos actions

Nos décisions et nos actions ont des conséquences sur les autres. Aussi, pour s’assurer de faire le meilleur choix possible, il ne suffit pas qu’une solution réponde à nos besoins spécifiques. Il faut également tenir compte de son effet sur les autres et sur leurs réalités, sinon ce qui nous semble approprié peut nuire au système. Et si tel est le cas, alors notre choix n’est pas optimal ni stratégique.

3) Réagir aux occasions favorables qui émergent

Lorsqu’on exerce sa réflexion stratégique, on s’intéresse à ce qui se passe non seulement au sein de l’organisation, mais également dans son industrie, sa région, et dans son marché. Rester ainsi à l’affût de l’évolution de son environnement permet de voir venir des occasions à saisir et à en prendre avantage, le cas échéant.

4) Appréhender le passé, le présent et le futur

La réflexion stratégique repose sur une juste compréhension du passé et du présent, mais également sur une lecture appropriée du futur. Cela suppose une connaissance experte de l’industrie et de sa profession et un intérêt soutenu à suivre les actualités.

5) Remettre en question les hypothèses conventionnelles et les biais personnels

Voilà sans doute une des tâches les plus ingrates, car il est ardu d’identifier les hypothèses faites de manière automatique et nos biais personnels. Or, la réflexion stratégique requiert un esprit ouvert qui remet en cause le statu quo. Sinon, nous nous privons de solutions innovatrices qui pourraient avoir un effet remarquable sur l’entreprise.

Démonstration d’une réflexion stratégique au quotidien

Prenons un exemple concret : un gestionnaire doit compléter le plan de développement des compétences des employés de son équipe. Pour ce faire, il consulte chacun de ses employés pour connaître leurs intérêts en matière de formation. De plus, il fait la revue des évaluations de performance annuelle pour prendre en note les améliorations attendues de chacun. Il consolide le tout dans le gabarit approprié. Il complète ainsi en un tournemain son plan de développement des compétences.

Mais a-t-il fait preuve de réflexion stratégique? Sa perspective s’est limitée à celle de ses employés, et non au système dans son ensemble. Il aurait pu élargir sa vision en se posant notamment les questions suivantes :

  • Quelles sont les compétences requises dans mon équipe pour favoriser l’atteinte des objectifs stratégiques de l’organisation? Y a-t-il des compétences techniques ou interpersonnelles à acquérir ou à approfondir?
  • Quelles sont les implications de mes choix de formation?
    • D’un employé par rapport à un autre? Est-ce équitable? Cela permet-il de créer une masse critique d’experts?
    • De mon équipe versus une autre? En effet, accroître les compétences dans une équipe requiert peut-être d’aligner celles des autres pour que l’organisation en retire une valeur optimale.
    • Certaines formations mériteraient-elles de rassembler des employés de différents départements pour diminuer les coûts ou encore avoir un effet domino?
  • Quelles occasions le marché recèle-t-il?
    • Si une compétence doit être acquise rapidement dans mon équipe pour atteindre les objectifs stratégiques, vaut-il mieux former des employés, recruter des experts ou créer des partenariats avec une tierce partie?
  • Qu’est-ce que le futur réserve à mon équipe?
    • Y a-t-il des tendances fortes dans l’industrie pour lesquelles l’équipe devrait se préparer dès maintenant? Si oui, dans quelle mesure ont-elles un effet sur le plan de développement des compétences?
  • Dans quelle mesure toutes les options ont-elles été envisagées?
    • Quelles sont les hypothèses sous-jacentes ou les biais personnels qui sont peut-être reflétés dans le plan de développement de compétences conçu jusqu’à maintenant?
    • Par exemple : croyance que la compétence ne peut pas se développer à l’interne, croyance que la compétence ne peut pas se recruter à l’externe, croyance que le plan de développement de compétences n’est qu’une façade, parce que l’entreprise réduit systématiquement les budgets de formation, etc.

L’exercice de créer un plan de développement des compétences pourrait s’arrêter à la consultation auprès des employés et à la revue des évaluations de performance. En réalité, il en est souvent ainsi.

Mais imaginez la différence si la réflexion s’approfondit en activant les cinq leviers proposés. En adoptant différentes lunettes pour concevoir le plan, on prend du recul et on rend la réflexion stratégique.

Et cela fait la différence entre un résultat ordinaire et un résultat optimal où votre expérience et votre expertise sont pleinement mises à contribution.


Note

1 Ces leviers sont inspirés des écrits de la stratège et professeure américaine Jeanne Liedtka.