Article publié le 3 juin 2019

Le gestionnaire aguerri a tous les talents requis pour opérer les changements qui s’imposent au sein de son organisation. A-t-il les talents requis pour la transformer ? 

Depuis qu’il a fondé son entreprise, il y a plus de vingt ans, Paul a vu neiger. Le marché a changé. Des concurrents sont nés. D’autres ont fusionné. Il a mis en place un système de gestion intégré. À plusieurs occasions il a dû effectuer des changements importants au sein de son organisation : restructuration interne, intégration de nouvelles technologies, élargissement du réseau de distribution, développement de nouveaux produits, etc. Coup sur coup il a réussi, car Paul est un as de la gestion doublé d’un fin stratège. Il voit venir.

Le défi auquel il fait face aujourd’hui est toutefois d’un tout autre ordre : pour rester dans le peloton de tête, son entreprise devra non seulement continuer à changer, mais se transformer profondément. Imaginer un nouveau modèle d’affaires, créer plus d’agilité afin d’accélérer l’innovation dans les produits, faire évoluer les modes de gestion vers une plus grande prise en charge et responsabilisation des employés. Or, changer et se transformer sont deux choses différentes et exceller dans la gestion du changement ne fait pas de Paul ce qu’on appelle un leader transformationnel.


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Changer de culture parce que le monde l’exige

Des Paul, il y en a plusieurs. Excellents gestionnaires, ils exercent un bon leadership: « Nous sommes ici, nous devons aller là, voici comment nous allons nous y prendre ». Et ça marche! Sauf qu’aujourd’hui, c’est le modèle économique dans sa globalité qui est en train de changer. Les consommateurs sont de plus en plus exigeants. Aujourd’hui, de nouvelles entreprises se créent sur un modèle qui n’existait pas hier. La satisfaction des clients n’est plus garante du succès à long terme, car des concurrents encore inconnus peuvent venir disrupter le marché avec une innovation encore insoupçonnée. Pensons à Spotify ou iTunes, qui ont complètement transformé l’industrie de la musique, ou encore à encore Just Eat qui s’est fait déclasser sans s’y attendre du jour au lendemain par Deliveroo qui offrait exactement la même offre, mais avec garantie de livraison en 30 minutes. Ce à quoi s’ajoute une composante qui ne peut être ignorée : au sein même de l’organisation, l’employé recherche maintenant beaucoup plus qu’un salaire, mais un environnement où il pourra se réaliser en contribuant à la création de valeur.

En clair, c’est à un changement de culture et de modes de gestion que nous assistons et Paul se voit forcé de se cloner pour combiner deux rôles : celui de bon gestionnaire qu’il est et qu’il doit rester, en gérant son entreprise avec brio, comme il sait le faire, et celui de… leader transformationnel, qui cherche à toujours mieux répondre aux besoins émergents, ce qui le force à naviguer dans l’inconnu, dans l’inconfort.


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Est-ce si important ?

Notre réponse est oui. Elle s’appuie sur deux constats :

  1. Les organisations qui réussissent à se transformer en profondeur sont celles qui osent faire évoluer leurs leaders en amont. L’histoire déborde d’exemples qui démontrent que ce qui a fait le succès d’une organisation peut très bien se révéler être un frein pour ses ambitions futures et même l’empêcher de s’adapter à un marché de plus en plus complexe. Kodak, Nokia, Sears et Dans un jardin, pour prendre ces exemples, ont connu des difficultés énormes en appliquant les recettes du passé aux réalités du présent. Leurs leaders n’ont pas péché par mauvaise gestion, mais par manque de compréhension de ce qui se passait autour d’eux; 
  2. Au-delà de ses compétences, de ses connaissances et de son expertise, une organisation ira aussi loin que la mèneront les croyances de ses leaders. Les enjeux d’innovation et la complexité d’évolution réclament un travail en collectif, se nourrissant de l’intelligence de chacun et de la richesse du collectif. Si les dirigeants des sociétés mentionnées plus haut avaient davantage sollicité et mis à contribution les idées de leurs employés et collaborateurs, ils auraient possiblement évité le naufrage. L’image du leader chef d’orchestre qui dirige et contrôle tout du haut de son piédestal est révolue : le leader d’aujourd’hui doit impérativement prendre du recul, remettre en question ses propres croyances et impliquer ses équipes.

Ces deux constats nous fournissent la clé de l’agilité et de l’innovation : pour qu’une organisation se transforme, il faut que ses leaders se transforment. Ce qui demande une bonne dose d’humilité, puisqu’il lui est demandé de renoncer à son rôle historique de « patron » pour devenir un « coach » dont le rôle est de fédérer ses troupes autour d’un objectif commun et de lui laisser toute la latitude requise pour qu’elle déploie ses talents au sein d’équipes collaboratives. Plus encore, il doit considérer l’erreur comme inhérente à la volonté de dépassement et d’apprentissage, ce qui est un important changement de paradigme.

Revenons à Paul : sa nouvelle posture de leader nécessite qu’il renonce à sa propension à venir en aide à son équipe, du haut de son expérience et de son désir de partage, qu’il cède à la tentation de toujours leur souffler les réponses à l’oreille. Il doit aussi vaincre sa peur de devenir inutile, de perdre sa place de référence absolue, car plus son équipe sera efficace, plus elle réussira, plus il aura le sentiment d’être remplaçable. Or, l’humilité est l’un des ingrédients essentiels du leadership transformationnel.

Facile à dire, mais comment faire ?

Une fois ce pourquoi identifié, reste à identifier le comment.

De plus en plus de dirigeants ont recours à des coachs exécutifs. Pour cause : se transformer soi-même ou encore développer des compétences de coaching est un défi de taille qui nécessite qu’une personne nous aide à nous voir nous-mêmes avec recul, voir comment nous agissons et quel impact nous avons, statuer sur l’efficacité de notre comportement dans notre rôle de leader. Et s’ajuster.

Parce que chaque personne est différente, le recours à des outils psychométriques s’avère très utile puisqu’ils favorisent la découverte des forces sur lesquelles prendre appui et des pistes d’évolution à prioriser. De là, le coach exécutif peut accompagner le dirigeant dans trois sphères distinctes et complémentaires :

  1. Sa capacité à insuffler une direction claire et ambitieuse. Cette compétence est essentielle pour que le leader puisse concevoir une vision porteuse de sens, faire évoluer les approches stratégiques, prendre des décisions audacieuses basées sur une lecture juste des environnements et de leur complexité et bien sûr remettre en question le statu quo;
  2. Sa capacité à mobiliser le potentiel autour du changement. Des compétences liées aux aspects humains de la transformation : l'engagement et l’implication des collaborateurs dans la réussite de l’organisation. On parle ici de mobilisation continue et de responsabilisation d'acteurs multiples et variés, sans égard aux rôles et à la hiérarchie;
  3. Sa capacité à transformer l’action. Le leader apprend à piloter des activités liées à la transformation ou à l’évolution en profondeur de son organisation. Nous parlons ici de la mise en œuvre effective de la transformation et le renouvellement en continu des pratiques, des modes de fonctionnement et des moyens. Ce qui inclut l'intégration de nouveaux apprentissages organisationnels axés sur l'innovation.

Cette transformation de soi-même n’est pas évidente, d’autant plus qu’il n’est pas demandé au leader de mettre de côté ses tâches de gestion. Au contraire, il doit continuer à gérer le « day-to-day », avec tout le talent qui est le sien, et ajouter sa transformation au menu.


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On parle donc ici de transformation et d’alignement sur deux axes : l’axe du temps, sur lequel il doit continuer à piloter l’évolution de son entreprise sur le court, le moyen et le long terme ; et simultanément l’axe du mode, sur lequel il lui est demandé de maîtriser la gestion courante de l’entreprise tout en réalisant sa propre transformation.

Paul a tout un défi. Mais ne nous inquiétons pas pour lui : il a du talent et une volonté de prendre du recul pour remettre en question son style de leadership, avec toute l’humilité et le courage que cela nécessite. Et vous ?