Si de nombreux travailleurs rêvent du jour où ils pourront remettre les pieds au bureau, d’autres espèrent demeurer en télétravail après la pandémie. À quoi ressemblera l’organisation du travail une fois la COVID-19 sous contrôle?

Depuis quelques semaines, plusieurs organisations travaillent à mettre en place des politiques, processus et procédures pour encadrer le retour au bureau lorsque la pandémie sera suffisamment contrôlée.

En parallèle, employés et gestionnaires expriment individuellement et collectivement leurs préférences quant à la façon dont ils espèrent voir leur employeur gérer l’organisation du travail postpandémique. Alors que certains espèrent retourner à plein temps en présentiel, d’autres, au contraire, souhaitent avoir le choix de réaliser leurs prestations de travail à distance au moins quelques jours par semaine. 

Malgré les nombreux effets négatifs de la pandémie sur le quotidien des travailleurs, plusieurs voient de grands bénéfices à travailler et à gérer à distance. C’est particulièrement le cas pour ceux qui ont mis en place des moyens et des rituels leur permettant d’optimiser leur temps de travail et leur temps de vie personnelle et familiale. 

Face à l’incertitude et au changement qui s’annonce (et auquel ils devront encore s’adapter), bon nombre d’employés et gestionnaires angoissent à l’idée de voir l’organisation de leur vie professionnelle encore bouleversée.

Afin de faciliter le retour au bureau, diminuer le stress qui vient avec la situation et susciter la motivation des troupes, voici trois stratégies que les organisations devraient mettre en place.

Stratégie numéro 1 : offrir le choix à l’intérieur d’un cadre 

Lorsque les établissements d’enseignement ont de nouveau ouvert leurs classes à temps partiel, à plein temps et pour la période des examens, plusieurs étudiants ont mentionné qu’ils préféraient finalement demeurer dans un mode d’enseignement hybride (en présentiel et à distance). Dans les cas où les étudiants ont eu le choix, les statistiques en lien avec la présence sur les lieux physiques ont démontré que, finalement, le mode à distance demeure leur préférence, et ce, surtout si les autres activités sociales sont autorisées par les responsables de la santé publique.

Offrir le choix entre le travail en présentiel et le télétravail implique une confiance mutuelle entre employeur et employé. D’un côté, l’employeur mise davantage sur une évaluation de la contribution basée sur les résultats et les livrables. Il opte aussi pour une estimation des efforts dans un temps convenu plutôt que sur les efforts convenus pour une prestation de travail à horaire déterminé, comme le suggèrent les auteurs de l’article «Les facteurs clés du succès du télétravail» publié dans le Harvard Business Review.

De l’autre côté, l’employé qui travaille à distance doit avoir confiance que ses supérieurs ne l’oublieront pas lorsque les prises de décision et les réflexions stratégiques et opérationnelles qui l’impliquent auront lieu. À cet effet, Stéphanie Grammond, éditorialiste en chef et responsable de la section Débats à La Presse, rédigeait dans un article qu’une invitation à la vigilance collective, particulièrement en ce qui concerne les femmes, est de mise. Selon plusieurs études, ce sont les femmes qui opteront davantage pour le télétravail si le choix leur est offert afin de mieux concilier toutes les sphères de leur vie.

L’éditorialiste écrit que «dans la planification du retour au bureau, plusieurs réfléchissent à un modèle de travail hybride où les employés auront davantage de flexibilité pour continuer à travailler à la maison. Bonne idée. Après tout, une réunion peut très bien se dérouler avec des employés au bureau et d’autres en télétravail. Sauf qu’une fois l’écran fermé, les discussions informelles se poursuivront et les décisions risquent de se prendre sans l’apport de ceux — ou de celles — qui sont à la maison. Il faut donc éviter que les femmes sacrifient de manière inconsciente le développement de leur carrière en choisissant de travailler davantage à la maison afin de mieux concilier travail et famille.»

Stéphanie Grammond ajoute que «les entreprises qui offrent le télétravail en toute bonne foi doivent s’assurer que cela ne produise pas d’effets pervers inattendus. Déjà, les femmes ont été les perdantes de la pandémie. Ce serait bien le comble si elles étaient aussi les perdantes de la reprise.»

Stratégie Numéro 2 : miser sur la fraternité au sein de l’équipe et du milieu de travail 

«Une entreprise est une communauté humaine et seront probablement plus performantes les organisations qui auront misé sur l’attention portée à leur capital humain. Elles seront plus à même de mobiliser leurs équipes à l’heure de la reprise, car ne prendront soin de leur entreprise que les collaborateurs dont on aura pris soin au préalable. Et n’auront envie de se mettre au service du collectif que les talents qui auront éprouvé la fraternité.»

La situation se compare bien à celle d’un ami qui appelle pour aller faire du sport. Même si au départ, la motivation n’est pas à son paroxysme, penser à réaliser cette activité physique ensemble fait émerger la motivation intrinsèque d’accepter l’invitation. L’idée d’en revenir rempli d’émotions positives donne envie d’y retourner dès que l’occasion se représente. 

Ce qui manque le plus aux employés et aux gestionnaires, depuis plus d’un an, ce sont les contacts humains informels et le milieu de vie qu’offre un espace de bureau où les équipes se réunissent. Il est donc important, voire essentiel de mettre en place dès maintenant des rituels de gestion à distance qui entretiennent les liens. Il faut miser sur la fraternité afin que, une fois la pandémie sous contrôle, les individus choisissent d’emblée de délaisser quelques jours par semaine leur vie de télétravailleurs. Ils doivent vouloir retrouver l’esprit fraternel du bureau, au moins quelques fois par semaine, et idéalement à des journées où il sera convenu que toute l’équipe sera présente physiquement au bureau. 

De plus, il sera important que les gestionnaires et les employés planifient bien ces journées où une partie ou l’ensemble de l’équipe sera présent afin d’optimiser les activités et les rencontres qui concernent tous les membres de façon transversale.

Une fois l’euphorie sociale postpandémique passée, il n’y aura plus de valeur ajoutée à prendre le temps et l’énergie pour se déplacer physiquement au bureau. À quoi bon se rendre au bureau pour travailler avec des écouteurs dans un grand espace ouvert, sans la nécessité d’interagir physiquement, si ce n’est que la notion de fraternité?

Stratégie numéro 3 : compter sur le plaisir pour donner un sens à ses actions 

La théorie de l'autodétermination démontre que le plaisir et le sens procurent une motivation durable et sain. Les probabilités de générer du plaisir augmentent si employés et employeurs ont le sentiment d'avoir le contrôle sur les changements à venir et s'ils sont impliqués dans la manière dont s'opérera l'organisation du travail après la pandémie.

Si les organisations priorisent à distance le développement et la valorisation de la fraternité au sein des équipes, le mouvement insufflé par le sens incitera les individus à voir le retour au bureau comme une opportunité plutôt que comme une contrainte.

Bref, bien planifier le retour des employés et des gestionnaires au bureau après la pandémie permettra de diminuer l’angoisse des travailleurs face aux changements. Offrir le choix sur la façon de réorganiser le travail et miser sur l’esprit d’équipe, le plaisir et le sens augmenteront la motivation des troupes. La présence des travailleurs au bureau n’en sera que plus appréciée.