Article publié dans l'édition Hiver 2013 de Gestion

Malgré tous les efforts déployés par les gouvernements et les organisations, la conciliation entre les exigences du travail et celles de la vie personnelle reste un défi quotidien dans un contexte contraignant associé aux familles monoparentales, éclatées ou reconstituées, au vieillissement de la population, à la précarité de l'emploi, aux exigences relatives à la performance, etc.

De nos jours, tout le monde est interpellé par la problématique de la conciliation travail-vie personnelle. L’enjeu est d’ordre social, certes, voire électoral, et les gouvernements tentent de laisser leur marque en ce sens. Au Québec, par exemple, on a adopté la formule des centres de la petite enfance (CPE) subventionnés au milieu des années 1990 et, en 2006, on a instauré un programme de congé parental particulièrement généreux. Les organisations aussi tendent vers l’implantation de pratiques favorables à la conciliation (horaires flexibles, congés pour des raisons personnelles, télétravail, etc.). Leur motivation est en partie économique, puisqu’on sait que les meilleures ressources, celles qui permettent à l’entreprise d’être plus compétitive, peuvent se permettre de rechercher les employeurs de choix, ceux qui prennent davantage soin de leurs ressources humaines. Des certifications officielles (telles que les normes « Conciliation travail-famille » et « Entreprise en santé ») peuvent même être octroyées aux organisations qui visent l’excellence dans ce domaine1.

Malgré tous ces efforts déployés collectivement, la conciliation entre les exigences du travail et celles de la vie personnelle demeure un défi quotidien pour la plupart des gens. Les séparations amènent leur lot de familles monoparentales. La fréquence des troubles de comportement et d’apprentissage chez les enfants ne cesse d’augmenter. La population vieillissante provoque l’émergence de la génération sandwich, ces adultes qui sont le soutien autant de leurs enfants que de leurs parents. Et les organisations exercent une forte pression sur les travailleurs en ce qui a trait à la performance. Il n’est donc pas étonnant de constater que les personnes qui courent ainsi du matin au soir risquent l’épuisement et que le nombre d’ordonnances d’antidépresseurs s’est accru de façon exponentielle au cours des dernières décennies.

Cet article vise à aider les personnes à mieux concilier les différentes sphères de leur vie. D’entrée de jeu, il importe de dire qu’il n’existe pas de recette miracle, mais qu’on peut recourir à de multiples petits moyens pour améliorer sa situation, en fonction d’une réalité et d’une personnalité qui sont uniques. Nous regrouperons ces moyens en fonction de six principes fondamentaux d’une bonne conciliation travail-famille : déterminer ses valeurs et gérer ses priorités en conséquence ; cultiver des attitudes de vie gagnantes ; savoir gérer son temps dans sa vie professionnelle et sa vie personnelle ; savoir s’organiser dans ces deux domaines ; savoir bien s’entourer et demander de l’aide ; enfin, savoir gérer son stress.

Déterminer ses valeurs et gérer ses priorités en conséquence

De nos jours, la vie et la carrière ne sont plus aussi linéaires que pour les générations passées. On peut donc transformer sa carrière, la façonner au gré des exigences de la vie personnelle : l’arrivée d’un enfant, le retour aux études, une relocalisation à l’étranger, l’accompagnement d’un parent malade, etc. Il est également possible, désormais, de travailler à temps plein, à temps partiel ou à la pige.

De la même manière, on peut transformer sa vie personnelle et familiale au gré des exigences de la vie professionnelle. Il suffit d’être créatif et déterminé à agir en conformité avec ses besoins et ses valeurs. Par contre, cela requiert une introspection et une veille constantes pour tenir le cap sur ses besoins fondamentaux ou ses valeurs. L’encadré 1 illustre à travers la fable du pot de cailloux l’importance d’accorder la priorité à ses valeurs – ses gros cailloux – dans la gestion des diverses facettes de sa vie. De nombreux parents ressentent quotidiennement de la culpabilité. Dès le matin, on presse les enfants à se préparer et l’on se sent coupable de ne pas avoir un ton patient lorsque le deuxième verre de lait est renversé et que le chandail doit être changé. On dépose les enfants à la garderie et l’on se sent coupable d’avoir accepté ce rendez-vous si tôt qui fait qu’ils y passeront près de 10 heures aujourd’hui.

Ensuite, on arrive au bureau et l’on se sent coupable de ne pas s’être aussi bien préparé pour la rencontre, car on a préféré lire une histoire plus longue aux enfants la veille. À l’heure du dîner, on se sent coupable de ne pas luncher avec la nouvelle collègue, car on doit absolument aller acheter un cadeau pour la mère de l’ami du plus vieux qui vient de se faire opérer. En fin d’après-midi, on se sent coupable d’aller s’entraîner au gymnase, car on devra manger un plat préparé pour souper. Et en soirée, on se sent coupable de ne pas lire une histoire aussi longue aux enfants, car il faudrait bien se préparer un peu mieux pour les rendez-vous du lendemain…

Bref, à la maison on se sent coupable de ne pas être en mode travail et au travail on se sent coupable de ne pas être plus disponible à la maison !

Pour contourner ce sentiment de culpabilité et mieux gérer ses priorités, deux stratégies s’imposent : découvrir ses valeurs, puis faire des choix pour vivre en fonction de celles-ci. Quand on sait ce qui est vraiment important pour soi, il ne reste plus qu’à apprendre à ce que cela se traduise dans son agenda. Un exemple classique : la santé et l’exercice physique. La grande majorité des gens désignent la santé parmi leurs cinq principales valeurs lorsqu’ils sont questionnés en ce sens. Pourtant, combien d’entre eux négligent de placer l’activité physique dans leur emploi du temps ! Il en résulte un malaise constant, plus ou moins perceptible, dû au fait que les actions ne sont pas cohérentes par rapport aux valeurs. Si la santé est importante pour soi, à quoi bon se sentir coupable de s’entraîner ? Il s’agit plutôt d’un excellent investissement. Si son travail est important, à quoi bon se sentir coupable d’y consacrer le temps nécessaire ? Il faut accepter ses choix comme étant les meilleurs dans les circonstances que l’on vit. Et pour diminuer la culpabilité lorsqu’il reste peu de temps pour le conjoint et les enfants, il est rassurant de garder à l’esprit que la qualité du temps passé avec ses proches est aussi importante que la quantité de temps. Certaines études démontrent que les enfants dont les deux conjoints travaillent n’en demandent pas plus, ils demandent mieux : plus de plaisir, une ambiance plus détendue.

Encadré 1 : Le pot de cailloux du vieux professeur comme leçon de vie

Un jour, un vieux professeur fut engagé pour donner une formation sur « la planification efficace de son temps » à un groupe d’une quinzaine de dirigeants de grandes sociétés. Ce professeur ne disposait que d’une heure. Il dit : « Nous allons réaliser une expérience. »

De sous la table, il sortit un grand pot en verre de plus de 4 litres qu’il posa devant lui. Ensuite, il prit 12 cailloux gros comme des balles de tennis et les plaça délicatement, un par un, dans le grand pot. Lorsque le pot fut rempli jusqu’au bord et qu’il fut impossible d’y ajouter un caillou de plus, il leva les yeux et demanda : « Est-ce que ce pot est plein ? »

Tous les élèves répondirent : « Oui. »

« Vraiment ? » Alors il se pencha de nouveau et sortit de sous la table un récipient rempli de gravier. Avec minutie, il versa ce gravier sur les gros cailloux puis brassa légèrement le pot. Les morceaux de gravier s’infiltrèrent entre les cailloux jusqu’au fond du pot. Le professeur demanda de nouveau : « Est-ce que ce pot est plein ? »

Cette fois, ses brillants stagiaires commençaient à comprendre son manège et l’un d’eux répondit : « Probablement pas. »

« Bien ! » dit le professeur. Il se pencha de nouveau et, cette fois, sortit de sous la table un sac de sable. Avec soin, il versa le sable dans le pot. Le sable alla remplir les espaces entre les gros cailloux et le gravier. Encore une fois, il demanda : « Est-ce que ce pot est plein ? »

Cette fois, sans hésiter et en choeur, les stagiaires répondirent : « Non ! »

« Bien ! » dit le professeur. Et, comme tous s’y attendaient, il prit un pichet d’eau et remplit le pot jusqu’à ras bord.

Le professeur demanda alors : « Quelle vérité nous démontre cette expérience ? »

L’élève le plus audacieux répondit : « Ça démontre que, même quand on croit que notre agenda est complètement rempli, si on le veut vraiment, on peut y ajouter d’autres rendez-vous, d’autres choses à faire. »

« Non, répondit le professeur. Ce n’est pas cela. La vérité que nous démontre cette expérience est que si l’on ne met pas les gros cailloux en premier dans le pot, on ne pourra jamais les faire rentrer tous. »

Il y eut un profond silence, chacun prenant conscience de l’évidence de ces propos.

Le professeur dit alors : « Quels sont les gros cailloux dans votre vie ? Votre santé ? Votre famille ? Vos amis ? Réaliser vos rêves ? Faire ce que vous aimez ? Apprendre ? Défendre une cause ? Vous relaxer ? Prendre le temps ? Jouer à la Bourse ? Ou autre chose ? Ce qu’il faut retenir, c’est l’importance de mettre ses gros cailloux en premier dans son agenda, sinon on risque de ne pas réussir… sa vie. Si l’on donne la priorité aux broutilles (le gravier, le sable), on remplira sa vie de broutilles et l’on n’aura plus suffisamment de temps à consacrer aux éléments importants de sa vie. Alors, n’oubliez pas de vous poser la question : quels sont les gros cailloux dans ma vie ? Ensuite, mettez-les en premier dans votre pot. »

Le vieux professeur salua son auditoire et quitta lentement la salle dans un grand silence.

Source : auteur inconnu.

Le travail, la famille, les amis, les loisirs, le couple, les études et le bénévolat sont autant de morceaux qui se disputent une part dans notre agenda. Si l’on sait les disposer selon nos priorités, en plaçant les morceaux importants en premier, tout le reste finira par rentrer en temps et lieu. Voici quelques questions clés à se poser pour concilier les multiples sphères de la vie (famille, travail, amis, loisirs, spiritualité, communauté, sports, etc.) d’une manière favorisant le bien-être : « Que dois-je faire pour avoir le sentiment non seulement de réussir dans la vie, mais aussi de réussir ma vie ? », « Qu’est-ce que j’aimerais que les gens retiennent de moi à la fin de ma vie ? », « Que ferais-je s’il ne me restait qu’un mois à vivre ? »

Cultiver des attitudes de vie gagnantes

Face aux conseils donnés précédemment, certains peuvent être tentés de dire : « Oui, mais on n’est jamais si bien servi que par soi-même », « Oui, mais moi je préfère être perçue comme une superwoman. Si je demande de l’aide, je vais avoir l’air de ne pas être capable d’y arriver ». Entrent en ligne de compte ici les craintes et les croyances qui bloquent l’action. Préfère-t-on être perçu comme un individu qui a connu deux épisodes d’épuisement ou comme un individu qui a réussi à prévenir ceux-ci ?

Les sources de stress ne sont pas les mêmes pour tout le monde, car le stress réside non pas dans la situation, mais dans la perception de cette situation et dans l’interprétation qu’on en fait. Ainsi, les traits de personnalité qui nous caractérisent peuvent avoir un effet important sur la façon d’envisager les exigences du travail et de la vie personnelle.

Il importe donc de nous autoévaluer honnêtement pour repérer nos attitudes nuisibles : « Suis-je perfectionniste ou ai-je besoin de l’approbation des autres pour me sentir bien ? », « Ai-je tendance à me comparer avec les autres et à me déprécier ? », « Suis-je porté à ressentir facilement de la culpabilité ? » Pour amorcer un changement d’attitude qui sera bénéfique, voici quelques pistes de réflexion à explorer.

Limiter les effets négatifs du perfectionnisme et du besoin d’approbation

Le fait d’être perfectionniste est généralement bien vu par l’entourage. Au travail comme à la maison, on peut se fier au perfectionniste pour obtenir une tâche bien faite.

Mais aura-t-on l’occasion de passer des moments agréables avec le perfectionniste ? Rien n’est moins sûr. Là où le bât blesse, c’est lorsque le fait de viser la perfection en arrive à nuire au reste : le perfectionniste manque de temps ou d’énergie pour faire autre chose.

Dans la plupart des milieux de travail, un excellent rendement ne rime pas avec la perfection. Il rime plutôt avec l’efficacité et l’équilibre qualité-quantité. Il faut donc savoir s’arrêter. Quand le travail a été révisé une fois et qu’on n’y trouve plus d’erreur ou que les conséquences d’une erreur légère ne sont pas fâcheuses, cela signifie qu’il est le temps de passer à autre chose.

Souvent, les perfectionnistes recherchent l’approbation des autres. Mais cette approbation n’arrive pas si souvent… Ils pensent alors qu’ils doivent en faire encore plus. C’est un cercle vicieux. D’autres sont aussi motivés par la volonté de ne pas commettre d’erreur. Ils évitent toutes les occasions possibles de se faire reprocher quelque chose. Mais ils en paient le prix car, physiquement et émotivement, cette vigilance de tous les instants devient rapidement épuisante.

Quel est alors l’antidote au perfectionnisme ? Il s’agit principalement du lâcher-prise. On peut dresser la liste des domaines dans lesquels on se sent ou on nous dit trop perfectionnistes.

On met ensuite les situations en ordre d’importance pour nous, de ce qui nous tient le plus à cœur à ce qui nous importe le moins. Ainsi, on pourra commencer par la situation qui nous tient le moins à cœur (la moins difficile à modifier) et travailler quotidiennement le lâcher prise jusqu’à ce qu’un niveau de tolérance acceptable soit obtenu. C’est seulement après avoir atteint ce premier objectif qu’on pourra passer au suivant. Par exemple, à la maison, si le dernier point sur la liste est l’apparence des lits lorsqu’ils sont faits par les enfants, il faut s’habituer à accepter certains défauts, à laisser un lit tel quel, sans le refaire à sa façon. On observe ensuite les conséquences de ce changement dans le climat familial. Et l’on fait de même au travail.


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Chercher à mieux contrôler une personnalité de type A

Prenons, par exemple, un individu très ambitieux, impatient, toujours pressé, qui vise à en faire le plus possible dans le moins de temps possible. Son leitmotiv : « Il faut que ça bouge ! » Cet individu est plus susceptible de vivre des problèmes de santé (des problèmes cardiaques, notamment) et des problèmes relationnels. On caractérise les gens qui correspondent à cet extrême en leur attribuant la personnalité de type A. À l’opposé, un individu doté d’une personnalité de type B est beaucoup plus calme, jovial, sympathique et il prend le temps de savourer le moment présent. Son leitmotiv : « Une chose à la fois. » On peut imaginer que ces deux personnes n’auront pas la même façon de concilier le travail et la vie personnelle. Le type A est reconnu pour son sentiment d’insatisfaction constante : « Je n’ai jamais le temps de faire tout ce que je voudrais », « Les enfants me font perdre tellement de temps le matin », « Je n’en peux plus des bouchons de circulation et des travaux routiers ». Résultat : il éprouve du stress, de la fatigue, de la déprime, etc. Le type B, quant à lui, dira : « J’ai passé une belle journée, je suis allé dîner avec un ami », « Ce n’est pas grave si les enfants sont tannants, c’est signe qu’ils sont en pleine santé », « Au retour du travail ce soir, j’en ai profité pour écouter le nouveau disque que j’ai reçu en cadeau ».

Améliorer sa gestion de soi

Le leadership de soi ou la gestion de soi fait référence à la tendance d’une personne à être bien organisée, à établir des listes de tâches en fonction d’objectifs et à se récompenser une fois les objectifs atteints. Les personnes capables d’agir ainsi gèrent leur travail et leur vie personnelle comme une mini-PME. Elles peuvent suivre l’évolution de leurs tâches et demander de l’aide au besoin. Elles sont en mode « gestion de projet ». Et elles réussissent à accomplir beaucoup de choses.

Éloigner les frustrations du passé, l’anticipation de l’avenir et les comparaisons perpétuelles

Il est difficile de passer des moments de qualité avec les autres lorsqu’on est constamment dans sa bulle en raison de frustrations du passé, de l’anticipation de l’avenir, etc. Afin de contrer ces états d’esprit, il faut reconnaître les bonnes intentions de chaque personne tant au travail que dans sa vie personnelle, s’attarder sur les qualités des autres et voir le bon côté de chaque situation. Plutôt que d’entrevoir négativement les situations familiales ou professionnelles à venir, pourquoi ne pas tenter de transformer notre perception de celles-ci pour y déceler des aspects plaisants ? Tout cela revient à vivre pleinement le moment présent.

Par ailleurs, le problème que comportent les comparaisons, c’est qu’elles sont souvent à notre désavantage, ce qui entraîne un sentiment d’infériorité. Pour éviter ce piège, on devrait essayer de se représenter le portrait complet, et non seulement une facette de celui-ci. Par exemple, si l’on envie un voisin qui vient de s’acheter une voiture décapotable, demandons-nous si on serait prêt à vivre avec son niveau d’endettement. Demandons-nous si son couple va aussi bien que le nôtre, si ses enfants considèrent qu’il est présent lorsqu’ils ont besoin de lui. Il serait étonnant que les réponses à ces questions soient toutes positives. Et si c’est le cas, tant mieux : cela veut dire qu’on vient de trouver un modèle en matière de conciliation travail-vie personnelle.

Plutôt que de se demander pourquoi on n’a pas tout ce que telle personne possède sur le plan personnel ou professionnel, essayons de comprendre comment elle est arrivée là. On perdra ainsi une source de découragement et l’on gagnera une source d’inspiration.

En somme, nous avons tous des prédispositions à être organisés ou non, en fonction de notre tempérament et de notre éducation. Toutefois, il est possible d’acquérir ces attitudes avec le temps, de la discipline et, bien souvent, un accompagnement extérieur. Si notre naturel nous amène à pencher pour des attitudes nuisibles, peut-être pourrions-nous songer à consulter un thérapeute ou un coach de vie qui nous aidera à traverser le chemin conduisant à une autre façon de voir les choses. Chacun connaît sans doute une personne de son entourage qui possède ces forces et qui peut servir de modèle ou encore de coach.

Savoir gérer son temps dans sa vie professionnelle et sa vie personnelle

Distinguer ce qui est urgent de ce qui est important au travail comme à domicile

La gestion des priorités implique une distinction entre ce qui est urgent et ce qui est important. Dans une journée, nous pouvons recevoir plusieurs demandes présentées ou perçues comme urgentes. Celles-ci ont un impact financier ou ont trait à la sécurité physique, par exemple. Payer un compte qui est dû le lendemain peut représenter une urgence si l’on veut éviter de payer des frais de retard. Accueillir un employé qui vient de se joindre à l’équipe est une situation pressante puisque sa première journée ne reviendra pas. Les choses importantes, quant à elles, sont celles qui nous tiennent à cœur, mais qui n’ont pas un impact négatif immédiat si elles sont reportées. Ce peut être, par exemple, faire de la méditation, repeindre la galerie, revoir l’organigramme de son service ou… s’inscrire à un cours sur la gestion du temps.

Éviter la procrastination au travail comme à domicile

Une personne qui a un problème de procrastination peut souffrir de poussées de stress risquant de nuire aux diverses sphères de sa vie. Ainsi, si elle attend à la dernière minute pour produire le rapport qu’on lui a demandé il y a deux semaines, elle risque de manquer la finale de soccer de sa fille puisque la partie a lieu la veille de la date limite. De la même façon, si cette personne reporte toujours au lendemain le paiement des factures, le niveau de tension dans la famille peut monter d’un cran lorsque le relevé arrive avec les intérêts sur le solde en retard. Il s’ensuit alors le sentiment de perdre le contrôle de sa vie, d’être dépassé par les événements, avec toutes les conséquences physiques et psychologiques que cela implique.

Comme le dit l’adage : Pourquoi remettre à demain ce qu’on peut faire aujourd’hui ? Mais comment vaincre la procrastination ? D’abord, il faut reconnaître les tâches qui sont susceptibles d’être reportées. Ensuite, il faut décortiquer ces dernières en plusieurs étapes qui seront placées dans l’agenda comme objectifs quotidiens à atteindre. Il est profitable de commencer immédiatement par une étape simple, et l’on se félicitera lorsqu’elle sera accomplie. Au besoin, on peut demander à une personne de notre entourage d’agir comme coach pour suivre l’évolution de la tâche. Quand on a des comptes à rendre à quelqu’un, il est plus difficile de justifier le fait que le travail n’a pas été exécuté. La procrastination se soigne, à condition de changer son attitude vis-à-vis de la tâche ou de son résultat. Peut-on rendre cette tâche plus agréable ? Peut-on se préoccuper moins de la perfection ou avoir moins peur de l’échec ? Il paraît que la seule façon de manger un éléphant consiste à prendre une bouchée à la fois…

Apprendre à négocier ses « oui » et ses « non » au travail comme à domicile

Enfin, apprendre à négocier ses « oui » et ses « non » est une étape primordiale dans la gestion du temps et des priorités.

Les gens qui ont tendance à dire « oui » à tout, au prix de leur propre équilibre, pourront donc apprendre à dire :

  • « Oui, mais pas tout de suite. »
  • « Oui, mais en partie seulement. »
  • « Non, mais je connais quelqu’un qui pourrait vous aider. »
  • « Non, je ne suis vraiment pas disponible, X étant ma priorité ces temps-ci. »
  • « Non, je suis vraiment désolé, mais je te remercie d’avoir pensé à moi. »
  • « Je ne suis pas certain, laissez-moi y penser. »

Il est beaucoup plus facile de recourir à ces réponses clés que de dire un « non » pur et simple… Et puis l’on ne perd pas ses amis ni sa réputation au travail.

Savoir s’organiser dans sa vie professionnelle et sa vie personnelle

Nous avons indiqué que certaines personnes sont naturellement portées à organiser leur vie et leur environnement de façon optimale ; elles possèdent ce qu’on appelle un « leadership de soi ». Cette qualité amène les gens à se fixer des objectifs, à effectuer un suivi régulier de leur progression et à s’autoréguler, donc à se récompenser lorsqu’elles ont atteint leurs objectifs. Toutefois, de nombreuses personnes ne possèdent pas cet atout dans leur jeu. Beaucoup ont tendance à être moins disciplinées, manquent de concentration ou oublient des choses. C’est pourquoi il est important de se doter d’outils et de stratégies pour contourner ces difficultés.

Bien gérer son temps n’est pas toujours simple car cela signifie, d’une part, être discipliné et, d’autre part, savoir résister fermement aux pressions externes. En effet, plusieurs situations sont des sources de nuisance dans la gestion du temps ; on les appelle les chronophages. Nous verrons les principales façons de bien s’organiser au travail comme à la maison.

Planifier ses actions professionnelles et personnelles pour économiser du temps

Pour être bien organisé, il faut parfois faire une certaine planification des événements. Les événements majeurs, qui arrivent rarement, demanderont davantage de préparation.

Par contre, les situations récurrentes peuvent bénéficier d’une organisation plus systématique. Par exemple, en ce qui concerne les courses, qu’il faut faire chaque semaine, on peut s’assurer d’avoir une liste d’achats en permanence sur le frigo, question de la mettre à jour dès qu’un nouveau besoin se présente. Et puisqu’on va souvent aux mêmes endroits, pourquoi ne pas établir un itinéraire qui permettra de gagner du temps ? On se rend dans un coin de la ville pour un cours, on en profite pour aller à la boutique voisine pour acheter les cadeaux de fêtes qui s’en viennent. Il est utile également de favoriser l’achat local. On économisera ainsi de l’essence, et l’on contribuera par le fait même à l’économie et à la préservation de l’environnement.

En ce sens, les achats par catalogue ou par Internet sont souvent avantageux. De même, les parents qui passent de nombreuses heures chaque semaine à faire le « taxi » peuvent proposer aux parents des autres jeunes qui partagent des activités avec les leurs de se charger de ces courses en alternance.

Optimiser son emploi du temps au travail comme à domicile

Au travail, être organisé peut aussi vouloir dire faire les choses de la bonne façon et au bon moment. Ainsi, plutôt que de prendre ses courriels dès que le signal sonore indique qu’ils entrent dans la boîte de réception, pourquoi ne pas fermer le courriel, question de travailler sans interruption sur un dossier, un rapport ou un projet ? Il sera toujours temps de prendre connaissance des courriels en blocs déterminés deux ou trois fois par jour. De cette façon, les messages ne sont pas lus en retard, l’information est plus fluide car elle n’est pas obtenue de manière morcelée et, surtout, on ne perd pas un temps précieux à essayer de se replonger dans le dossier, le rapport ou le projet en question.

À la maison, un outil classique mais toujours utile réside dans un tableau mensuel aimanté sur le frigo ou une simple page de calendrier pour y noter les rendez-vous des membres de la famille, les fêtes, le plat au menu le soir.

De cette façon, la communication est grandement facilitée entre les membres de la famille. Une autre manière de gagner du temps consiste à faire deux choses en même temps. Côté repas, il est possible, par exemple, de cuisiner les recettes préférées en plus grande quantité et d’en congeler une partie pour une soirée où l’on aura moins de temps, d’acheter à l’occasion des plats préparés et d’utiliser une mijoteuse qui cuit le plat du souper pendant la journée de travail. Côté entretien ménager, voici des suggestions : faire le lavage environ une fois par semaine dans une laveuse à grande capacité, avoir un tableau des tâches pour faciliter la répartition et la rotation au besoin et rendre le ménage agréable en le faisant en famille, en écoutant de la musique, déléguer des tâches (ménage, repassage, déneigement, tonte du gazon, etc.) à un personnel spécialisé.

Ranger les choses au travail et à domicile

Il est inutile d’insister sur le fait que lorsqu’il y a une place pour chaque chose et que chaque chose est à sa place, nous pouvons gagner beaucoup de temps. Il suffit alors de s’y mettre, en commençant par le bureau, la voiture et les principaux espaces de la maison. En se fixant un objectif par mois, d’ici moins   an on pourra au moins se vanter de ne plus jamais chercher ses clés !

Savoir bien s’entourer et demander de l’aide dans sa vie professionnelle et sa vie personnelle

Il est impossible de réaliser seul la conciliation travail-famille.

Nous ne vivons pas sur une île déserte. Autour de nous, il y a probablement un conjoint, des enfants, des parents, des voisins, des amis, des ressources externes privées ou communautaires. Pourquoi tout devrait-il reposer sur les épaules d’un seul adulte ?

Demander de l’aide n’a jamais tué personne. Au contraire, ne pas en demander pourrait être fatal. Cela s’applique à tous les types de familles. Le soutien nécessaire dans la vie personnelle peut émaner de sources variées : les grands-parents, les étudiants du voisinage, les amis et les voisins, les ressources communautaires, le personnel spécialisé.

Le soutien nécessaire dans la vie professionnelle peut également provenir de sources variées : les collègues, le superviseur, les services offerts par l’organisation, le programme d’aide aux employés, etc.


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Savoir gérer son stress dans sa vie professionnelle et sa vie personnelle

Le stress vient d’un écart entre la perception de la demande (une tâche à accomplir, un défi à relever) et la perception des ressources disponibles (le temps, les compétences, l’énergie). On est stressé lorsqu’on se sent en quelque sorte menacé. Biologiquement parlant, cette programmation était utile pour les menaces physiques telles que les intempéries ou encore les prédateurs auxquels il fallait échapper.

Combattre sa peur de ne pas être à la hauteur au travail comme dans la famille

De nos jours, les menaces prennent des formes beaucoup plus subtiles : la peur de ne pas terminer son travail à temps ou d’arriver en retard à une réunion (donc d’être mal perçu par l’équipe de travail), la peur de ne pas être capable de réussir un projet spécial (donc de ne pas avoir le bonus qui y est associé), la peur d’être trop fatigué pour recevoir « convenablement » la visite qui s’annonce dans deux jours, et ainsi de suite. Comme les standards de performance sont très élevés dans notre société, il n’est pas étonnant que la plupart des sources de stress soient issues de la peur de ne pas être à la hauteur. Ce stress a des répercussions variées tant sur le plan physique que sur le plan psychologique (voir le tableau 1).

Tableau 1 : Reconnaître les manifestations d’un stress trop élevé

Manifestations physiques Manifestations psychologiques
  • Fatigue
  • Vertiges
  • Maux de tête
  • Douleurs au cou, au dos
  • Troubles digestifs (ulcères, etc.)
  • Problèmes cutanés (eczéma, etc.)
  • Troubles cardiorespiratoires (asthme, allergies, arythmie, etc.)
  • Baisse du système immunitaire (sinusites à répétition, cancer, etc.)
  • Etc.
  • Irritabilité
  • Insatisfactions
  • Isolement
  • Problèmes de mémoire, de concentration
  • Etc.


Adopter des attitudes positives et une bonne hygiène de vie

Parmi les meilleures stratégies pour venir à bout de ces stresseurs psychologiques, on trouve évidemment la capacité de cultiver des attitudes positives, comme nous l’avons vu précédemment : se donner le droit à l’erreur et à l’imperfection, être indulgent envers soi-même et les autres, voir un bon côté dans chaque situation, profiter du moment présent, etc. Pourtant, ces attitudes positives sont parfois difficiles à mettre en pratique parce que le corps est tellement tendu que les malaises physiques empêchent de penser plus sereinement. C’est pourquoi la gestion du stress passe inévitablement par une bonne hygiène de vie. Une personne qui pratique un sport (vélo, natation, danse, karaté, hockey, etc.) ou qui fait régulièrement de l’exercice physique ou spirituel (yoga, méditation, etc.) va non seulement mieux digérer, mieux dormir et avoir un système immunitaire plus résistant, mais elle sera aussi mieux outillée pour réagir aux événements avec calme. Les hormones du bien-être sécrétées pendant l’exercice physique seraient responsables de ce phénomène.

Le besoin pour les hommes et les femmes de se réaliser dans toutes les sphères de la vie

Pour les générations qui nous ont précédés, les rôles hommes-femmes étaient plutôt stéréotypés. Les hommes travaillaient à l’extérieur pour rapporter de l’argent, et les femmes s’occupaient de la maisonnée (enfants, repas, entretien domestique, etc.). De nos jours, on observe une répartition plus égalitaire des rôles sociaux. Les femmes ont pris leur place sur le marché du travail et leur carrière (de salariées, de gestionnaires, d’entrepreneures) prend parfois le dessus sur la famille. En dépit de ces chambardements dans le quotidien des couples et des familles, il reste que les femmes sont encore souvent portées à garder le rôle d’ordinateur central dans la famille en vivant leurs rôles (de mères, d’employées, etc.) de façon simultanée, c’est-à-dire qu’elles sont toujours disponibles physiquement ou psychologiquement à l’égard des responsabilités familiales. Par contre, les hommes participent de plus en plus aux responsabilités familiales : on les voit quotidiennement à la garderie, à l’école, chez le dentiste, à l’épicerie. De nombreux pères profitent du congé parental pour passer du temps en famille à l’arrivée d’un nouvel enfant2. Certains décident même de rester à la maison, laissant à leur conjointe le rôle de pourvoyeur principal.


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Malgré tout, les hommes et les femmes veulent se réaliser dans toutes les sphères de leur vie et sont susceptibles de se sentir coupables de ne pas en faire assez dans un domaine ou dans l’autre. Il n’est donc pas étonnant de constater l’augmentation faramineuse des cas d’invalidité pour des raisons psychologiques et de la consommation d’antidépresseurs.

Encore une fois, les femmes sont plus touchées par ces problématiques3. Elles doivent donc apprendre à déléguer réellement des responsabilités, à ne plus s’en faire à propos du « comment » et du « quand », dans la mesure où l’essentiel des besoins est comblé. Tous, femmes et hommes, doivent aussi apprendre à profiter davantage du moment présent, à prendre soin d’eux-mêmes, à gérer leur stress au quotidien tant dans leur vie professionnelle que dans leur vie personnelle. Quel modèle souhaitons-nous transmettre à notre progéniture ? N’oublions pas que les enfants s’épanouissent davantage au contact de parents épanouis.

Guylaine Deschênes est psychologue organisationnelle et consultante RH spécialisée en conciliation travail-vie personnelle et mobilisation des talents, [email protected].


Notes

1 Voir le Bureau de normalisation du Québec, www.bnq.qc.ca.

2 Le taux d’utilisation avoisinait 37 % en 2010, selon les données du Régime québécois d’assurance parentale.

3 Vézina et al. (2008).

Références

Vézina, M., Bourbonnais, R., Marchand, A., Arcand, R. (2008), Stress au travail et santé mentale chez les adultes québécois : enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (cycle 1.2), Institut de la statistique du Québec, www.stat.gouv.qc.ca/publications/sante/pdf2008/stress_travail.pdf.